La capitale algérienne attire actuellement l’attention de beaucoup de monde. Reste à savoir qui pense aux Algérois, à leur manière d’appréhender leur avenir dans une métropole qui est loin d’obéir au modèle rêvé de ville durable à l’identité culturelle propre et singulière.
Il y a l'ambition gouvernementale qui veut en faire la porte d'entrée du continent noir à l'ère de la transition numérique, tandis que l'élite de la diaspora rêve de mettre en pratique ses expertises acquises dans les universités et entreprises occidentales, et que par ailleurs des délégations internationales de toutes sortes souhaitent se positionner sur un marché en devenir.
Reste une énigme, celle d'imaginer à l'horizon 2035, le citoyen d'Alger dans un territoire qui répond à ses attentes et le réconcilie avec la diversité historique, culturelle et sociale de sa ville. Il ne suffit pas d'une volonté politique et d'élaborer des plans stratégiques d'aménagements urbains, il y a aussi, ce qui est difficile de réussir à mettre en forme, à proposer une synthèse de la volonté citoyenne. C'est cette synthèse qui est le véritable permis de construire d'une ville qui se veut intelligente et durable.
Évaluer les besoins et les désirs des citoyens, avant d'engager sa collectivité territoriale sur les pistes de la transition numérique, voilà le chemin emprunté par la ville portuaire de Mangalore dans le sud-ouest de l'Inde. Pour réussir son dossier de candidature au concours des 100 villes intelligentes lancé par le premier ministre Narandra Modi, la municipalité de Mangalore a initié une consultation citoyenne, via les réseaux sociaux, avec pour thème : quel modèle de ville intelligente pour votre ville ? Le résultat a été au-delà des attentes des autorités locales et l'initiative a été même élargie aux citoyens de 12 à 17 ans, avec pour raison "ce sont les futurs habitants de la ville intelligente et leurs souhaits diffèrent de ceux des adultes".
S'appuyer sur l'intelligence collective d'une ville avant d'engager sa transformation, cela légitime toute vraie politique d'aménagement du territoire et transforme le citoyen en acteur des changements à venir. Le mal algérois et même algérien, c'est cette défiance entre ceux qui détiennent l'autorité d'intervenir sur un espace urbain et les citoyens qui y habitent. Les premiers estiment que l'habitant n'a pas les qualités requises pour proposer une vision du territoire et les seconds s'accablent de l'incompétence des autorités locales à gérer leur espace. Devant ce blocage, la politique urbaine en Algérie se trouve dans une impasse.
Il y a juste une quarantaine d'années, deux films avec pour espace la Casbah et les quartiers haussmanniens d'Alger, ont marqué l'imaginaire populaire. "Omar Guetlato" et "El Hozzi" restent deux fictions qui restituent à merveille la personnalité de l'algérois du peuple, fier et taciturne. Dans "El Hozzi", on y voit Moh Bab El Oued descendre avec élégance, habillé d'un bleu de chine, les ruelles de la Casbah pour rejoindre le Port d'Alger.
Au même moment, Madrid tournait la page du franquisme et Tierno Galván, premier maire élu démocratiquement de la capitale espagnole, s'engageait dans la promotion du mouvement underground alors frémissant, La Movida. Cette dernière allait rendre mondialement désirable la société espagnole des années 80, grâce à une créative urbaine de la jeunesse ibérique réconciliée avec ses traditions culturelles et libérées des préjugés du franquisme.
Aujourd'hui, il manque à Alger de croiser des Moh Bab El Oued. Ne faut-il pas instaurer une journée à sa mémoire pour que la ville se réconcilie avec elle-même avant d'engager sa transition urbaine ? Peut-on imaginer un jour des centaines de milliers d'Algérois habillés en bleu de chine sur la promenade des Sablettes, en véritable zazou méditerranéen ? Il faut croire que si.
Par Nidam ABDI (Curator of Data and Thought for Renewable Energy Development) - Source de l'article Les Echos
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