Le colloque annuel de l'IMTM a tenté cette année de trouver les synergies entre le port, son tissu industriel et le territoire auquel il est attaché. À cette vaste question, les réponses économiques ont été nombreuses.
Paul Tourret, Bernard Morel, Christine Cabau Woehrel et Mohamed Dahmane © V. J. C. |
Les ports de Méditerranée doivent prendre en compte l'évolution de l'attitude des armateurs de même que la montée en puissance de la logistique.
Plutôt axé cette année sur l'économie au détriment du droit maritime, le colloque de l'Institut méditerranéen des transports maritimes (IMTM) aurait pu se contenter de traiter de questions portuaires marseillaises puisqu'il se déroulait pour la première fois depuis longtemps dans la Cité phocéenne. Intitulé "Le Transit de la marchandise en Méditerranée", il a largement débordé sur des thématiques méditerranéennes et s'est même aventuré, comme à l'accoutumée, sur des rivages plus lointains.
Le thème central a dépassé le pur transport maritime pour empiéter sans cesse sur les terres du supply chain management (SCM). En effet, évoquer les synergies entre le tissu industriel, la vie d'un port et de son territoire sans entrer de plain pied dans la logistique est une tâche impossible.
Comme souvent, le parcours du port de Marseille-Fos, au titre de port de marché, et celui de Tanger Med, en tant que plateforme de transbordement, dont le succès rapide a fait de nombreux envieux parmi les concurrents, a été longuement abordé.
"L'armateur doit savoir proposer un package complet"
Parmi les divers intervenants, Paul Tourret, directeur de l'Isemar, a abordé le sujet sous un angle très logistique. S'exprimant au nom du professeur d'économie de Kedge Business School Pierre Carriou, il a estimé qu'un port "est un point nodal qui se trouve parfois être un point de friction". Car, selon lui, "il doit proposer une garantie de temps tout en subissant la pression du prix". Il se demande si "le lien portuaire peut à son tour faire du low-cost". "En Europe, les ports livrent une bataille dans un mouchoir de poche pour des parts de marché qui ne sont pas très importantes", souligne-t-il.
De son côté, Michel Lesbros, directeur adjoint Asie/Méditerranée/mer Rouge du groupe CMA CGM, a rappelé que la prestation proposée par les armateurs du XXIe siècle dépasse largement le service allant du port d'embarquement au port de débarquement. Il est entré dans le détail de la fiabilité et de la régularité du service proposé, détaillé les liaisons avec l'hinterland, souligné la nécessité de maîtriser les coûts portuaires et de se soucier de la productivité d'un port. À ses yeux, "l'armateur doit savoir proposer un package complet".
Sur la place portuaire, on en est conscient. Ainsi, le président de l'Union maritime et fluviale de Marseille-Fos, Jean-Philippe Salducci, a décrit le trépied indispensable à la stabilité du port : "la fiabilité, l'attractivité et la compétitivité". Pour illustrer la volonté du port de Marseille-Fos de créer des outils nécessaires à la conquête de trafics situés dans un hinterland non immédiat, il a rappelé la création en 2013 de la navette Ferrovergne destinée à capter les volumes de Michelin à Clermont-Ferrand.
"Un port, entre point nodal et point de friction"
Abordant le développement industriel de Fos, Bernard Morel, vice-président de la Région Paca, a ramené les congressistes dans les années 70, leur remettant en mémoire la volonté de la Datar, avec, en toile de fond, le CEA de Cadarache et la zone industrielle d'Aix-les-Milles.
Quant à François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône, il s'est lancé dans la description de "l'économie circulaire". Prenant pour exemple le modèle du port danois de Kalundborg, qu'il dénomme "La Mecque mondiale de l'environnement", il rappelle que ce concept "remet les ressources au centre du développement" en exploitant les flux sortants des uns et les flux entrants des autres.
Le GPMM a une vocation d'"assemblier"
Pour sa part, Christine Cabau Woehrel, la directrice générale du Grand Port maritime de Marseille (GPMM), a indiqué que l'établissement portuaire se trouve au centre d'un vaste enjeu de développement économique du territoire. Elle n'oublie pas le mot d'ordre du secrétaire d'État aux Transports, Frédéric Cuvillier, qui a réitéré récemment "la volonté de relance portuaire" du gouvernement. Elle juge que le GPMM doit avoir une vocation d'"assemblier" et qu'il se situe très clairement dans "une démarche de transition énergétique".
Renaud Spazzi, le directeur de l'aménagement du GPMM, prône aux industriels et aux investisseurs la "mutualisation des moyens au lieu de consommer de l'espace et de l'énergie". Il préfère également dépasser les enjeux de pouvoir avec les collectivités.
Le thème de Tanger Med n'a pas réservé de grande surprise. Mohamed Dahmane, le responsable d'exploitation du premier terminal (Tanger Med 1), a rappelé la croissance rapide du hub marocain et l'installation du constructeur automobile Renault sur la zone franche locale en 2012.
Quant à Alexandre Lavissière, professeur à l'Iper, il a présenté les atouts et les contraintes des ports francs pour l'économie des pays qui en sont dotés. L'occasion de rappeler que la France n'en comporte aucun, à l'exception du Verdon, pénalisé toutefois par des problèmes de connectivité.
Incoterms, sort des marchandises abandonnées, coût et fluidité du passage portuaire... De nombreux autres sujets encore ont été traités. Christian Scapel, le président de l'IMTM, a donné rendez-vous en avril 2015 dans le port d'Akaba. C'est en effet en Jordanie que l'institut débattra de l'action de l'Union européenne en Méditerranée.
Par Vincent Calabrèse - Source de l'article Lantenne
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