Changement climatique, croissance démographique, feux de forêts et pénuries d'eau menacent les forêts méditerranéennes comme le révèle un rapport publié par la FAO et le Plan Bleu.
Le dernier rapport sur la "Situation des forêts en Méditerranée", couvrant vingt-sept pays*, souffle plus le froid que le chaud. Publié par la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) et le Plan Bleu (Centre d'activités régionales du Plan d'action pour la Méditerranée de l'Onu), ce pavé de 331 pages révèle que les zones forestières dans cette région représentent près de quatre-vingt huit millions d'hectares, 2% de la zone forestière mondiale ou la superficie de la France et de l'Italie réunies.
Point positif, entre 2010 et 2015, les forêts méditerranéennes ont gagné 1,8 million d'hectares (la surface de la Slovénie). Ceci masque cependant des disparités entre les pays. Ainsi, les plus grandes pertes forestières sont enregistrées au Portugal, en Bosnie-Herzégovine et en Albanie. De façon générale, elles sont légèrement plus importantes au Sud qu'au Nord.
Revers de la médaille, ces forêts s'avèrent de plus en plus dégradées sous l'effet de quatre principaux facteurs : le changement climatique, la croissance démographique, les feux de forêts et les pénuries d'eau. Sont évoqués également l'abandon des terres au Nord et le surpâturage, la surexploitation du bois de chauffage au Sud-Est.
" Les forêts de la Méditerranée ont depuis longtemps appris à s’adapter aux pressions induites par le développement humain. Mais ces pressions n’ont jamais été aussi extrêmes que maintenant ", s'alarme Hiroto Mitsugi. Sous-directeur général de la FAO en charge du Département des forêts, il prévient : "A moins d’en faire plus pour lutter contre la dégradation des forêts, plus de 500 millions de personnes à travers trente-et-un pays et trois continents seront bientôt confrontées à des problèmes économiques, sociaux et environnementaux."
300 espèces de plantes et d'animaux menacés d'extinction
Alors que la région Méditerranée renferme la deuxième plus grande concentration de biodiversité au monde, le rapport met aussi en garde sur les plus de 300 espèces de plantes et d'animaux menacés d'extinction dans ces forêts. "Elles abritent trois quarts des espèces mammifères terrestres présentes dans toute la région Méditerranée, près de la moitié des espèces vertébrées de la région, environ trois-quart des insectes terrestres et plus d'un quart des espèces de plantes supérieures", indique le texte.
Les forêts en Espagne, en Italie, en Grèce, en Turquie et au Maroc détiennent le record du nombre d'espèces menacées. Elles vont de 26% en Espagne à 15% au Maroc. Pour ne parler que des arbres, sont principalement touchés les chênes, les pins, les épicéas et les hêtres qui dépérissent en Espagne, en France, en Italie, en Grèce tout comme les cèdres de l'Atlas en Algérie. Pour tenter de résister à la sécheresse, ils se vident de leur stock de carbone et produisent donc moins de glucides et résines, pourtant essentiels à leur santé.
De même, si les feux de forêts deviennent moins fréquents dans le Nord et le Nord-Est de la région depuis quelques années, les grands feux (plus de 500 hectares affectés) augmentent. "Cette tendance - soit moins de feux mais des feux de plus grande ampleur - est appelée à continuer", précise le rapport.
Les forêts méditerranéennes en chiffres
(source : Rapport "La Situation des forêts en Méditerranée")
- 88 millions d'hectares de superficie (+1,8 million d'hectares entre 2010 et 2015)
- 5 000 milliards de tonnes de carbone (+1,65 milliard entre 1990 et 2015)
- Plus de 400 000 hectares brûlés chaque année
- 339 espèces de plantes et animaux menacés d'extinction (16% du total)
- 3/4 des espèces mammifères terrestres présentes dans la région Méditerranée
"Une utilisation plus rationnelle des ressources"
" Alors que les modes de vie changent rapidement, que ce soit au niveau climatique ou sociétal dans la région Méditerranée, les forêts et les solutions se basant sur les arbres sont indispensables afin de maintenir la durabilité de la région dans son ensemble, avec l’idée d’avoir un impact bien au-delà des zones forestières. Les forêts en amont, l’agroforesterie, les arbres et les parcs en zone urbaine aident à préserver les services écosystémiques, à réduire la dégradation des sols et facilitent la transition vers une économie verte, végétale, circulaire, socialement équitable, à faible intensité de carbone et prônant également une utilisation plus rationnelle des ressources. Atteindre cet objectif requerra d’utiliser un large éventail d’instruments, dont des approches participatives, des partenariats et des instruments", insiste Elen Lemaitre-Curri, directrice de Plan Bleu.
Si la population méditerranéenne a déjà doublé entre 1960 et 2015 avec désormais 537 millions d'habitants, elle devrait atteindre les 670 millions d'ici 2050. La situation démographique dans le Nord évolue peu, mais celle du Sud oui, et rapidement. Ceci questionne, avec encore plus d'acuité, sur la poursuite des conséquences d'une exploitation excessive des ressources naturelles renfermées dans les forêts.
*Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Egypte, France, Grèce, Israël, Italie, Jordanie, Liban, Libye, Macédoine, Malte, Monaco, Monténégro, Maroc, Palestine, Portugal, Serbie, Slovénie, Espagne, Syrie, Tunisie, Turquie.
Les principales recommandations du rapport aux pays
- Affiner et planter des espèces d’arbres mixtes afin de réduire l’impact des sécheresses
- Mettre en place de nouvelles politiques de lutte contre les feux de forêts, capables non seulement de maîtriser les feux mais aussi de gérer la végétation de manière préventive avec également des activités de préparation et de restauration
- Mettre en place une stratégie forestière régionale et des politiques communes
- Renforcer les chaînes de valeur forestières
- Les forêts méditerranéennes font déjà partie de l’économie verte, mais leurs contributions pourraient être optimisées si les stratégies liées à cette même économie se focalisaient davantage sur les forêts
- Augmenter la superficie des forêts, des parcs et des potagers en zone urbaine
- Créer des partenariats solides entre le secteur public et privé afin de gérer les forêts
- Appliquer les Directives de la FAO en vue de restaurer les forêts et les paysages dégradés.
Frédéric Dubessy - Source de l'article Econostruminfo
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