Jean-Louis Guigou, Délégué général fondateur de l’Ipemed, promoteur de la Fondation La Verticale de l’AME (Afrique-Méditerranée-Europe). © AM/AfricaPresse.Paris
Dans les deux premiers volets* de cet entretien exclusif, Jean-Louis Guigou, Délégué général fondateur de l’Ipemed, a esquissé le cadre géoéconomique global démontrant la nécessité d’une Fondation de la Verticale de de l’AME (Afrique-Méditerranée-Europe) et a détaillé la feuille de route pour concrétiser cette vision.
Ici, il analyse la convergence franco-européenne en faveur de cette idée qui commence à trouver un début de réalisation par le déploiement du programme AfricaMed-Europa by Ipemed.
On entend parler d’un rapprochement entre l’Ipemed, et sa future Fondation La Verticale de l’AME, et AfricaFrance. C’est exact ?
Jean-Louis Guigou - L’association AfricaFrance fut créée selon le souhait du Président François Hollande de refonder notre relation avec l’Afrique. Aujourd’hui, cette entité ne paraît plus constituer le bon cadre conceptuel. Car la France seule n’a pas les ressources suffisantes au regard des défis africains.
AfricaFrance a accompli un beau travail en mettant en place des clusters, des séminaires de formation, mais maintenant il faut passer à un autre régime. Ensemble, nous avons décidé de coopérer pour entreprendre des actions communes.
Il s’agit désormais de l’arrimage des deux continents, et non plus de la seule coopération de la France et de l’Afrique. Lionel Zinzou et Bruno Mettling, les deux coprésidents d’AfricaFrance, ont pris acte de ce changement de perspective. Nous touchons à la fin de nos pourparlers, avec la ferme volonté de jouer collectif. Ce programme commun s’appellera AfricaMed-Europa by Ipemed. C’est Ipemed qui va l’abriter. Nous allons donc africaniser la gouvernance d’Ipemed, en y accueillant des Africains.
Et j’entreprends des prises de contact avec certains organismes susceptibles de coaliser leurs travaux : par exemple l’université Paris Dauphine, à laquelle j’ai proposé d’ouvrir une plate-forme avec des économistes africains et arabes, qui échangeraient et conforteraient leurs idées pendant trois mois sur ce qu’il conviendrait de faire pour réformer les accords de Cotonou, et l’Agence française de développement [AFD] pour cogérer le troisième pilier du Programme d’investissement extérieur [PIE], avec la Bande africaine de développement [BAD]
Quel sera le contenu de ce programme AfricaMed-Europa by Ipemed ?
Jean-Louis Guigou - Le forum des diasporas du 22 juin en sera une première manifestation publique. AfricaMed-Europa by Ipemed s’occupera aussi de produire des travaux pour préparer l’après-Cotonou – l’accord actuel arrive à échéance en 2020 – ainsi que sur la mise en pratique du PIE européen. Nous nous intéressons aussi de plus en plus aux sujets d’intérêt commun, comme l’intégration en Afrique et en Europe, les diasporas…
Nous proposons aussi d’établir une plate-forme pour la jeunesse et une plate-forme pour les économistes. À vrai dire, je m’étonne qu’à la veille de la renégociation des accords de Cotonou, personne ne semble officiellement avoir pris l’initiative de comparer notre démarche à celles des Asiatiques (Asean) et des Américains (Alena). Nous en sommes encore à faire du commerce lorsqu’ils font de l’intégration par redistribution de l’appareil de production.
Les diasporas sont en effet des acteurs encore sous-valorisés de l’arrimage que vous évoquez entre les deux continents, et vous venez justement d’annoncer l’organisation d’un grand forum qui leur sera dédié, à Paris, le 22 juin… Quelques précisions sur cet événement ?
Jean-Louis Guigou - Oui, les diasporas constituent un vecteur d’intégration encore largement négligé entre l’Afrique et l’Europe, et donc nous préparons un grand forum, le 22 juin au Palais des Congrès de Paris. Que peuvent faire les diasporas pour contribuer plus fortement au développement de l’Afrique, c’est le thème de cet important événement, piloté pat l’Ipemed et opéré par Classe Export, sous le haut patronage du Président de la République.
Nous y attendons quelque 1 500 porteurs de projets et dirigeants, 200 leaders d’opinion et personnalités politiques. Ils interviendront en conférences pleines et lors de tables rondes sur des thèmes décisifs, par exemple quels outils de financement pour les projets des entrepreneurs de la diaspora, quelles initiatives pour faciliter l’engagement de celle-ci, ou encore comment construire un projet professionnel en Afrique…
À ce stade il est encore trop tôt pour préciser plus avant le programme, mais les détails seront publiés à mesure sur le site dédié à l’événement, que chacun peut déjà consulter : http://www.forumdesdiasporas.com/
Vous plaidez avec force pour l’arrimage de l’Europe et de l’Afrique, mais pensez-vous que l’Europe soit prête à se mobiliser pour cette vision ?
Jean-Louis Guigou - Le Président Emmanuel Macron dit que c’est toute l’Europe qu’il faut mobiliser pour l’Afrique. Les Allemands en sont d’accord. Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne, et Mme Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ont aussi pris position en ce sens.
C’est un fait, la Commission européenne s’est mise en mouvement. Avec la crise migratoire, ils se sont rendu compte qu’on ne peut pas laisser se développer là-bas ce cratère de volcan. Chacun convient qu’il faut plus développer ces pays, stabiliser les populations et contribuer à réduire la démographie. Cela prendra vingt ans ! C’est pourquoi il faut commencer maintenant, sinon on n’y arrivera jamais.
Mais, avez-vous des « commencements de preuve » de cet intérêt nouveau de l’Europe pour l’Afrique ?
Jean-Louis Guigou - Oui ! Stefano Manservisi, le « patron » de la Direction générale du développement et de la coopération (DG DEVCO) de la Commission européenne, dresse comme nous le constat que l’aide de la Commission européenne au développement, déployée depuis des décennies au travers des ministères africains n’a pas été efficace. Et puisque le mot d’ordre est désormais de créer des emplois à partir des ressources locales, la DG DEVCO a décidé de soutenir le secteur privé.
Il faut que l’Afrique transforme sur place ses ressources naturelles, c’est une conviction largement partagée. la DG DEVCO a ainsi été intéressée par notre proposition de mettre en place ensemble un programme de « verticales sectorielles ».
Vue de la salle lors de la conférence organisée le 2 février dernier par l’Ipemed à Paris, au hub Bpifrance, sur le thème : « Afrique-Méditerranée-Europe, l’AME, Verticale de l’avenir »… © AM/AfricaPresse.Paris
L’idée est de faire plancher ensemble quinze experts, quinze entrepreneurs et quinze politiques africains, arabes, méditerranéens et européens sur les problématiques communes comme celles de l’eau, de l’énergie, de la santé, etc. C’est une manière de mieux appréhender ce que les chefs d’entreprise peuvent assumer et faire en sorte faire en sorte que l’argent européen soit plus utile au secteur privé qu’il ne le fut au secteur public, que l’offre européenne soit plus attractive que l’offre chinoise.
Je suis très enthousiaste de l’adhésion de la DG DEVCO à notre approche nouvelle des verticales sectorielles, c’est pour nous une reconnaissance concrète de notre vision de l’AME, la Verticale Afrique-Méditerranée-Europe qui doit s’épanouir par la coproduction et mobiliser les représentants de la société civile.
C’est certes un grand pas en avant pour la reconnaissance de la Verticla de l’AME. Mais êtes-vous structurés pour porter ces programmes des verticales sectorielles ?
Jean-Louis Guigou - Comme Ipemed est une ONG privée, on ne peut pas passer un accord direct gré à gré avec l’Europe, il nous faut une entité publique récipiendaire des fonds qui nous permettront de développer le programme. C’est dans cette perspective que nous sommes en train de négocier avec la BAD, l’AFD, la Cassa Depositi e Prestiti italienne et le KFW allemand pour la mise en place d’un consortium qui négociera avec Bruxelles les termes de la mise en application de ce que Ipemed va réaliser avec les verticales sectorielles.
En 2015 déjà, l’Ipemed avait publié un premier ouvrage plaidoyer, « La Verticale pour un avenir commun - Une Fondation pour accélérer l’intégration régionale ». À peine trois ans plus tard, votre idée intéresse désormais tant la France que la Commission européenne. Comment expliquer cette accélération ?
Jean-Louis Guigou - L’Europe a appris de ses erreurs, et en France le Président Macron affirme des convictions fortes en chaque occasion. Déjà, dans son livre-programme « Révolution » paru en novembre 2016, il écrit : « Je vois l’Afrique comme un continent de promesses où nous devons réaffirmer et redéployer nos ambitions. » Puis, devant les Ambassadeurs de France, le 29 août 2017 : « La stratégie que je veux mettre en œuvre consiste à créer un axe intégré entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe. » – Notez comment l’ordre de l’énumération, qui débouche sur l’acronyme AME, est important…
Lors de ce même discours, le Président déclare aussi : « Nous devons arrimer enfin ensemble les continents africain et européen à travers la Méditerranée, et le Maghreb restera pour cela une priorité centrale pour la France. […] Ce n’est pas seulement un dialogue franco-africain que nous devons construire ensemble, mais bien un projet entre nos deux continents, mais bien une relation nouvelle, repensée à la bonne échelle, où l’Union européenne saura parler et construire avec l’Union africaine et avec l’Afrique tout entière. »
Voilà une vision à long terme clairement affirmée, n’est-ce pas ? Ce qu’il nous reste à faire, c’est de travailler collectif. Et nous savons que le chemin sera très long. C’est une raison de plus pour commencer tout de suite.
Mais les projets concrets que je viens d’évoquer montrent, je crois, que l’on commence à passer des idées à la concrétisation du projet. Enfin !
Propos recueillis par Alfred Mignot - Source de l'article AfricaPresse
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