Les pourparlers européens viennent à peine de commencer sur la politique agricole commune d’après 2020. Les pays de l'Europe méditerranéenne, qui connaissent aujourd'hui un renouveau de leur agriculture, pourraient en faire les frais.
Aux quatre coins du globe, la montée des protectionnismes marque tous les secteurs de l’économie du sceau de la défiance. À l’instar des vives polémiques déclenchées en Europe par l a mise en oeuvre du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) ou les dernières menaces de Washington sur l’instauration de droit de douane sur les olives espagnoles , les nouveaux accords commerciaux internationaux impactant les productions européennes suscitent davantage de craintes chez les agriculteurs mal armés pour subsister dans un climat concurrentiel toujours plus inégal.
De plus en plus vulnérables face au changement climatique, les territoires de l’Europe méditerranéenne semblent subir la double peine. Exposés à une pression inédite des ressources naturelles notamment par la récurrence d’événements climatiques extrêmes, ils subissent aussi de plein fouet les conséquences d’une crise économique et financière paraissant a priori bien éloignées des problématiques agricoles.
Méfiance envers l'UE
Bien que fortement attachés à la construction européenne, les peuples de l’Europe du Sud ne cachent plus leur méfiance envers les organes de décision de l’Union européenne (UE) pour défendre leurs intérêts au sein d’un marché agricole européen apparaissant de plus en plus concurrentiel.
Volonté d’indépendance en Catalogne, montée des populismes en Italie, évocation d’un Brexit à la française, économie grecque affaiblie, crise migratoire sans précédent, l’Europe méditerranéenne cristallise en son sein de nombreux enjeux internationaux : préserver les ressources naturelles et la biodiversité face au changement climatique notamment par l’utilisation des nouvelles technologies, assurer la sécurité alimentaire, participer à la conservation des territoires ruraux notamment en matière d’emploi et du rôle des femmes dans des conditions parfois précaires.
Le retour à la terre des Européens du Sud
Les initiatives ne manquent pourtant pas dans des régions sinistrées par la crise. En Grèce, cinquante-neuf familles ont misé sur la culture de la grenade et la mise en bouteille de son jus pour assurer leur survie. Dans le mythique Péloponnèse, cette entreprise sociale d’un nouveau genre créée en 2010, sans aucun emprunt bancaire par des membres souvent n'appartenant pas au monde agricole, produit 240 000 bouteilles de jus par an. Fruit de la volonté collective et du financement de l’Union européenne, l’entreprise pourrait produire près de 2 millions de bouteilles à l’horizon 2020 et pérenniser l’export en Europe et en Amérique du Nord.
En Italie, les coopératives d’agriculteurs fleurissent pour peser davantage sur le marché agricole européen, mais pas seulement. Avec la multiplication des circuits courts, les consommateurs redécouvrent le lien à la terre en valorisant l’activité agricole locale et tous les atouts ayant trait à sa production.
En Espagne, l’université polytechnique de Madrid expérimente un projet de ferme urbaine en plein milieu de son campus. Partout, ces initiatives constituent un terreau fertile pour la renaissance agricole de l’Europe du Sud.
Quelles conséquences ?
Avec un budget global encore inconnu pour la nouvelle PAC, les pays de la rive nord-méditerranéenne, tout aussi riches de leur capacité d’adaptation qu’affaiblis par un écosystème menacé et une crise économique latente, peuvent-ils peser sur les négociations ?
Alors que l’Espagne a confirmé sa volonté d’augmenter son niveau de contribution, d’autres pays à l’instar de la Suède, du Danemark et de l’Autriche ont quant à eux exprimé un refus.
À l’heure des discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel couvrant le budget européen de 2020 à 2027, le Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, a d’ores et déjà annoncé des coupes dans les dépenses agricoles. Le premier pilier de la PAC, donc les paiements directs aux agriculteurs, serait ainsi impacté.
Dans ce contexte, comment assurer la renaissance agricole de l’Europe méditerranéenne ? Et si une partie de la réponse se trouvait chez ses voisins du Sud et de l’Est méditerranéen ?
Évoquer la rive nord-méditerranéenne en matière de politique agricole sans inclure ses voisins perdrait de son sens. En partageant l’héritage de la diète méditerranéenne, les pays membres de l’Union pour la Méditerranée (UpM) pourraient changer la donne avec la création d’une politique agricole méditerranéenne.
Par Colette Alcaraz - Source de l'article Les Echos
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