Pour Miguel Ángel Moratinos, la Méditerranée doit servir de trait d'union entre l'Europe et l'Afrique (photo : F.Dubessy) |
Diplomate et ancien ministre espagnol des Affaires étrangères et de la coopération aujourd'hui président du Comité d'orientation politique de l'Ipemed, Miguel Ángel Moratinos prône une vision globale des défis et des opportunités entre les deux continents.
econostrum.info : Que pensez-vous des relations entre l'Afrique, la Méditerranée et l'Europe ?
Miguel Ángel Moratinos : Depuis quelques années, les politiques retrouvent les grands défis, mais aussi les opportunités, du scénario Europe-Afrique. Il existe cependant, de la part des Européens, une grande confusion, des contradictions de plus en plus en plus présentes, et un manque de vision, d'un projet global, pour, seulement, essayer de réussir à en comprendre les enjeux. Les politiques actuels préfèrent s'attaquer aux crises au jour le jour, sans aucune stratégie globale. C'est une vraie déception.
Comment expliquez-vous ce manque de vision ?
M.A.M. : Les problèmes d'aujourd'hui ne sont pas nouveaux. Sécurité, instabilité politique, manque de démocratie, migrations, disparités économiques, terrorisme, sécurité alimentaire, protection de l'environnement... Les Européens du Sud sont conscients depuis longtemps de tout cela. Au point qu'en 1995, ils lançaient le processus de Barcelone. Nous n'avons cependant pas trouvé une solution permanente à tout ces défis. Le changement de leadership en Europe a conduit à une réticence des hommes politiques à s'engager à nouveau dans une initiative plus large et plus intégrale. En s'occupant des problèmes uniquement en fonction des circonstances, ils s'aggravent et deviennent de plus en plus difficile à gérer.
"Il faut une volonté politique"
Justement, comment réussir avec l'Afrique, ce que les Européens n'ont pas réussi à faire avec la Méditerranée ?
M.A.M. : Nous n'avons pas réussi, mais nous n'avons pas raté ! Le processus de Barcelone n'a tout simplement pas été finalisé. L'Europe n'a pas trouvé de solution, a changé de cap et a oublié. Elle n'a pas su trouver les moyens financiers et politiques et s'est repliée sur elle-même. La crise financière l'a poussé à une introspection, à ne plus regarder ce qui se passait en dehors de ses frontières. Tout s'est donc accentué.
En regardant de nouveau l'Afrique, nous redonnons sa centralité à la Méditerranée. C'est un élément essentiel pour une nouvelle relation. Nous ne pouvons pas aller en Afrique directement, la Méditerranée apparaît alors comme un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique.
Quelles sont les solutions que vous préconisez ?
M.A.M. : Il faut avant tout une volonté politique ! Si la classe politique européenne, méditerranéenne et africaine ne comprend pas qu'il faut vivre ensemble, ce n'est pas la peine de continuer. Nous avons besoin d'une vision stratégique, d'un rendez-vous historique, comme lors de la création de l'Europe dans les années 50. Des hommes d'Etat doivent voir la complexité du problème et s'y attaquer avec un grand projet que nous appelons à l'Ipemed, la verticale.
Il convient aussi de s'attaquer aux problèmes réels. Aucune stabilité n'est à attendre sans régler le conflit israélo-palestinien ou la guerre en Syrie. D'autre part, il faut attirer les capitaux et donc créer une nouvelle institution financière capable de lutter contre le manque en capital-risque, d'investissements, de promotion des Pme.... Le monde a changé, les capacités financières de l'Afrique demeurent limitées. Créons un contexte économique et social pour y remédier.
Nous sommes dans l'urgence ! Nous ne pouvons plus attendre pour mettre en place cette verticale, la dessiner, la construire et la développer.
Par Frédéric Dubessy - Source de l'article Econostruminfo
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