Un collectif de personnalités estime que les « appartenances identitaires multiples » sont un atout pour accélérer l’intégration économique des deux continents.
Nous sommes d’origines malienne, algérienne, congolaise, ivoirienne, béninoise, marocaine, sénégalaise, tunisienne, togolaise… Nous sommes aussi Européens, de cœur, d’adoption ou de naissance, selon les générations auxquelles nous appartenons. Nos familles sont présentes en France depuis deux ou trois générations – voire plus –, venues ici construire une nouvelle vie, plutôt par nécessité que par choix. Les rapports historiques entre nos pays d’origine et la France ont façonné nos parcours migratoires.
Avec 8,5 millions de personnes réparties dans toute l’Europe, dont 3,5 millions en France, nous représentons un potentiel humain et économique hors du commun. Parce que nous avons grandi un pied ici, un pied là-bas, nous sommes empreints d’une double culture qui caractérise nos appartenances identitaires multiples, européennes et africaines : un atout pour relier nos deux mondes et mettre en commun des représentations de valeurs solidaires.
Or aujourd’hui, l’Afrique et l’Europe, pour de multiples raisons, ont besoin de mobiliser leurs diasporas : nous sommes prêts à répondre à cet appel. Nous sommes prêts à nous organiser pour accélérer l’intégration des deux continents.
L’Afrique avance et n’attend pas
D’un côté l’Afrique, continent hyperconnecté, aux potentialités énormes et confronté aux défis de l’avenir, est sous le feu des projecteurs. Les nouvelles technologies, notamment Internet et les réseaux sociaux, ont désenclavé les populations, y compris rurales. Une majorité d’Africains seront urbains d’ici à 2035, avec plus d’un milliard de personnes qui devraient gagner les villes, selon plusieurs études.
L’Afrique avance et n’attend pas. Nous, membres des diasporas africaines, y contribuons pleinement en créant les transitions et les intermédiations économiques et financières utiles à son dynamisme.
Le sens de l’histoire, grâce à une mobilité accrue des personnes, des biens, des services et des capitaux, montre que les diasporas sont de plus en plus nombreuses dans le monde et utiles aux rencontres et échanges internationaux (économiques, sociaux et interculturels). Il ne faut pas s’en plaindre : d’une manière générale, les diasporas ont toujours été vecteurs de progrès et de transformations sociales positives, tant pour leurs pays d’origine que pour leurs pays d’accueil, quelles que soient leurs origines et leurs époques. Les exemples de la Corée du Sud, de la Chine et de l’Inde, pour ne citer qu’eux, l’ont montré et le démontrent continuellement à un monde globalisé qui doit désormais compter avec eux.
Les diasporas africaines sont créatrices de valeurs au Nord mais aussi au Sud. Au-delà du soutien économique à leurs pays d’origine, elles représentent un énorme potentiel pour les pays d’accueil en offrant des horizons nouveaux en termes de modes de production, de consommation et d’échange, de nouveaux marchés, en ressources humaines et en brassage des cultures favorisant la cohésion sociale.
En France et en Europe, nos banlieues, nos villes et nos villages sont peuplés de jeunes et d’actifs issus des diasporas, qui disposent d’atouts à valoriser au service du co-développement euro-africain. Comment encourager, renforcer et canaliser ces énergies pour un développement solidaire, co-construit et durable ?
Un « new deal » gagnant-gagnant
D’un autre côté, l’Europe cherche à établir avec l’Afrique de nouvelles relations économiques, politiques et culturelles.
Comment l’Europe peut-elle proposer aux Africains une offre plus efficace ? Comment passer du commerce à court terme à la co-production industrielle ? Comment construire des partenariats euro-africains pour transformer sur place les immenses richesses du continent africain en y créant de la valeur et des emplois ?
Comment passer de l’aide et d’une approche humanitaire à de l’investissement productif ? Comment repenser les accords économiques et mettre en place un « new deal » gagnant-gagnant pour l’Afrique et pour l’Europe ? Comment rapprocher au sein d’un axe Afrique-Méditerranée-Europe les deux continents pour ensemble ne pas être dominés par le G2 (Etats-Unis et Chine) ?
Dans son récent discours sur la diversité, le président Emmanuel Macron a expliqué : « Nous devons inventer ensemble une méthode, un rythme différent […] Je veux m’engager devant vous sur une philosophie et une méthode. » Il a appelé à « une mobilisation générale et à un travail en commun ». L’Union européenne a également signifié un changement de méthode, avec la création d’un nouveau Plan d’investissement extérieur focalisé sur l’Afrique, appelé à se substituer à l’aide au développement.
Ainsi, le moment est venu de mettre les diasporas au centre de nouvelles problématiques d’échange, de coopération et de relations internationales porteuses de progrès. L’investissement (y compris social) et l’entrepreneuriat sont les deux moteurs du co-développement partagé euro-africain. Les diasporas africaines d’Europe et de France sont prêtes à y jouer un grand rôle en étant actrices de l’intégration économique de la grande région Afrique-Méditerranée-Europe.
Le collectif de personnalités
Karim Basrire, secrétaire général de Maroc Entrepreneurs, Mounir Beltaifa, président de Bridgers One et de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie, Hichem Ben Yaiche, rédacteur en chef de New African Magazine, Isabelle Berrier, fondatrice de Welcoming Diasporas, Thierno Camara, président du Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations, Gilles Dabezies, directeur général adjoint de la Chambre de commerce et d’industrie de la région Île-de-France, Serge Degallaix, directeur général de la Fondation Innovation et Prospective, Mamadou Deme, Haut conseiller des collectivités territoriales du Sénégal, Ninon Duval-Farre, directrice de l’incubateur Bond’innov, Lievin Feliho, président du Cercle humaniste d’engagement et de réflexion sur l’avenir de l’Afrique, Jean-Louis Guigou, président de l’Institut de prospective économique pour la Méditerranée, Karim Idir, président de AiFranc Network, Khaled Igue, président du think tank Club 2030 Afrique, Karen Kaneza, directrice culture de l’African Diaspora Youth Network in Europe, Maguette Mbow, fondateur de l’Afrique c’est Chic World, Roland Portella, président de la Coordination pour l’Afrique de demain, Sekou Ouedraogo, président de l’African Aeronauticas & Space Organisation, Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France, Coumba Traoré, secrétaire générale de la Fondation du Forum de Bamako.
Source de l'article Le Monde
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