La Semaine forestière méditerranéenne pose ses branches au Liban


Les premiers jours d’avril seront un grand rendez-vous régional et international autour du thème des forêts et du changement climatique.

L’affaire n’a peut-être pas encore fait grand bruit, mais avril sera, au Liban, un rendez-vous majeur pour les forêts, avec l’organisation de la 6e Semaine forestière méditerranéenne. L’événement,qui rassemble tous les deux ans des forestiers, experts et responsables, des deux rives de la Méditerranée, se tiendra au Grand Hills à Broummana, du 1er au 5 avril, organisé par le Liban, représenté par son ministère de l’Agriculture, et par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO). Le point avec Chadi Mohanna, directeur du développement rural et des ressources naturelles au ministère de l’Agriculture.

Pourquoi un si grand événement est-il consacré régulièrement à la forêt méditerranéenne ? « La forêt méditerranéenne est un écosystème très particulier, affirme Chadi Mohanna. Quand on parle de forêts, les esprits vont spontanément vers l’Amazonie ou le Congo… qui sont, il est vrai, le poumon de la terre. Or les forêts méditerranéennes ont une très grande spécificité due aux services qu’elles rendent aux communautés, qu’il s’agisse des communautés riveraines (vivant à l’intérieur ou à proximité) ou des personnes qui viennent y trouver une échappatoire à la ville. »

Les forêts méditerranéennes sont ce qu’on appelle « un point chaud » de biodiversité. « Ce sont des forêts mixtes avec des arbres feuillus comme les chênes et résineux comme les pins, explique l’expert. Elles renferment plusieurs espèces que l’on trouve partout autour de la Méditerranée comme le pin pignon ou le cèdre, le chêne, etc., avec des sous-espèces typiques à des pays donnés. Au Liban, nous avons le Cedrus libani, endémique de la région et fierté de notre drapeau. Et, surtout, les forêts de cette région sont un point chaud de biodiversité : en d’autres termes, même si le nombre d’individus par espèce n’est pas très important, le nombre d’espèces, lui, est remarquable. »

Cette édition de la Semaine forestière méditerranéenne est la sixième, après la Turquie, la France (Avignon), l’Algérie, l’Espagne et le Maroc. Cette année, le thème sera « Le rôle de la forêt méditerranéenne dans l’accord de Paris sur le climat ». « Cet événement est une plateforme de rencontres pour les spécialistes de tous les pays méditerranéens, et parfois d’ailleurs, explique Chadi Mohanna. Non seulement les administrations officielles des pays sont représentées, mais aussi les organisations internationales. Nous aurons ainsi parmi nous les trois commissions des Nations unies pour le climat, la désertification et la biodiversité. Les ONG libanaises, les institutions étatiques, les étudiants, les municipalités… ils seront tous là. Et nous n’avons pas oublié les producteurs locaux qui présenteront leurs produits durant deux jours. »

Il insiste sur le fait que les échanges d’expertise sont cruciaux étant donné les problèmes qui dépassent de plus en plus les frontières, tels que celui de la santé des forêts. « Le pin pignon, par exemple, est affecté en plusieurs pays par des insectes nuisibles, fait-il remarquer. Des échanges dans un cadre régional et international permettent de profiter de l’expérience des autres et de ne pas se battre seul contre ces fléaux. »

La double dimension du thème abordé

Trouver de nouvelles solutions aux problèmes est un des objectifs d’un tel événement. Un autre est de développer de nouveaux débouchés aux services que peuvent rendre les forêts, et qui mènent à la création d’emplois écologiques. « Nos forêts ne sont pas de gros sites de production, leur importance est liée aux services qu’elles rendent, affirme Chadi Mohanna. Nous voulons développer non seulement de nouveaux services, mais surtout les produits non ligneux, c’est-à-dire non liés au bois. Il s’agit, par exemple, du pignon, mais aussi de tout ce qui est produit à partir du caroubier, non seulement la mélasse comme c’est le cas traditionnellement, mais aussi de nombreux produits déjà explorés ailleurs. L’écotourisme est aussi un débouché très prometteur. »

Le pays hôte s’occupe de l’accueil et de l’organisation des différents événements, mais veille aussi, avec la FAO, à ce qu’il y ait un résultat significatif. Cette année, une déclaration devrait être annoncée à la fin de la « semaine », portant le nom de « déclaration du Liban », et devrait refléter l’engagement des pays participants à la mise en application de l’accord de Paris.

Comment le thème sera-t-il abordé ? Est-ce qu’il s’agira du rôle de la forêt dans l’atténuation des effets du changement climatique ou des conséquences de celui-ci sur le milieu forestier ? « Le thème sera abordé dans les deux sens, assure Chadi Mohanna. L’objectif sera de montrer à la communauté forestière mondiale que la forêt méditerranéenne a un rôle prépondérant dans la mitigation (atténuation des gaz à effet de serre), de par sa biodiversité et son potentiel d’absorption de CO2, d’où la nécessité de poursuivre les campagnes de reboisement. D’un autre côté, le moindre bouleversement climatique aura des conséquences irréversibles sur certaines espèces déjà menacées, végétales et animales. Enfin, la prolifération d’insectes nuisibles, comme nous avons pu le vérifier par des comparaisons avec d’autres pays comme l’Espagne, résulte entre autres du facteur de la sécheresse. La bonne nouvelle, c’est que nous nous attendons à de moindres problèmes cette année vu le taux de pluviométrie cet hiver. »

Trois à quatre millions… de 40 millions

Chadi Mohanna rappelle que le plus grand programme de reboisement au Liban est celui réalisé sous la houlette du ministère de l’Agriculture, baptisé « 40 millions d’arbres ». Où en est-on de cet ambitieux programme ? « D’un point de vue nombre, nous sommes en deçà des prévisions, reconnaît le responsable. Nous avons pu planter de 3 à 4 millions d’arbres jusqu’à présent. Nous aurions dû en être au double, mais nous avons démarré lentement, notamment dans la production des plants et le choix des sites de reboisement. De plus, la crise syrienne s’est invitée sur la scène locale avec l’afflux des réfugiés : les budgets des organisations internationales sont consacrés en grande partie à ce sujet, mais, comme il y a besoin de faire travailler les réfugiés, le ministère essaie d’en bénéficier pour le reboisement et la gestion des forêts, notamment par le biais du Programme des Nations unies pour le développement et du Programme alimentaire mondial de l’ONU, deux grands bailleurs de fonds pour les réfugiés syriens et les communautés hôtes. »

Que pourra présenter le Liban au cours de ce congrès, avec un bilan environnemental et forestier moins que moyen ? « Ce n’est pas tout à fait vrai, insiste-t-il. La situation est moins dramatique que l’on pense : les derniers recensements effectués en 2005 puis en 2012-2013 montrent que notre taux de 13 % de forêts est relativement maintenu, pour différentes raisons, soit grâce aux efforts de reboisement, soit parce que des terrains abandonnés se sont naturellement (re)transformés en forêts. Cette année, nous avons un projet de recensement avec la FAO qui nous permettra d’avoir des chiffres exacts. »

Pour toute information, consulter le site de la 6e Semaine forestière méditerranéenne, https://vi-med.forestweek.org/fr.

Par Suzanne BAAKLINI - Source de l'article l'Orient le Jour 

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