L'Usine Nouvelle a rencontré Christophe Rémy, président du conseil d'administration de LH Aviation et directeur associé du fonds d'investissement Magellan industries qui est un de ses actionnaires en marge du Marrakech Airshow fin avril. Il livre le détail de cette première africaine qui va voir un avion complètement assemblé au Maroc. Avec une centaine d'emplois à la clé pour fabriquer 80 appareils légers par an à Casablanca.
L'Usine Nouvelle : Pourquoi LH Aviation, dont vous êtes le président et un des actionnaires via le fonds A Plus Finance Magellan Industries a-t-il choisi de construire une usine d'assemblage d'avion au Maroc ?
Christophe Rémy : Dans sa stratégie de développement international, LH Aviation est sollicité par beaucoup de pays soit pour acquérir des licences de fabrication soit pour implanter des usines. Jusqu'à présent, nous avions choisi de ne pas franchir le cap de nouvelles unités de fabrication.
Avec le Maroc, la conjonction d'un ensemble de facteurs a joué en faveur de la construction d'une usine. Le premier est que le Maroc a développé une base industrielle et aéronautique. Il dispose d'une école de formation de techniciens et de mécaniciens de bon niveau. C'est un terreau d'implantation intéressant.
Quels sont les autres éléments ?
Nous avons rencontré Mohsine-Bennani Karim, un industriel marocain qui a démarré dans le textile et s'est développé dans l'immobilier. Il était très intéressé par le développement technologique. Il nous a proposé de venir participer à cette histoire marocaine. Nous avons par ailleurs, reçu un excellent accueil du gouvernement marocain à travers les ministres du Transport, de l'Industrie et du Commerce. Ils ont mis à notre disposition les moyens nécessaires pour gérer cette implantation.
Cela ne suffit pas pour monter une affaire sérieuse...
M Bennani a fait quelque chose de nouveau dans ce genre de démarches dans la mesure où il est devenu lui-même investisseur de LH Aviation. Nous avons décidé d'ouvrir notre capital à ce partenaire qui a pris 10% du capital.
Quels sont les termes de cet accord ?
Nous avons créé vers la mi-mars, LH Aviation Maroc, filiale à 51% de LH Aviation et dont M Bennani possède 49%. Nous avons accéléré ce processus à l'occasion du Marrakech Airshow qui était l'occasion rêvée pour présenter officiellement ce projet.
Cela fait un moment que nos équipes travaillent à une version de l'avion qui s'appelle le LH10M, un avion adapté aux conditions climatiques des régions africaines et notamment subsahariennes.
Quels sont les chiffres de ce projet qui sera situé sur la zone Aéropole près de l'aéroport de Casablanca, en terme d'investissement, de recrutement ou de superficie ?
L'usine s'étendra sur une superficie de 5000 m². Il est d'ores et déjà prévu de pouvoir doubler cette surface. La capacité de production de la première tranche sera d'ici à 3 ou 4 ans de 80 avions par an pour un effectif d'une centaine de personnes.
Pour la deuxième tranche, nous avons une réserve foncière qui permet de doubler cette capacité. Au niveau de l'investissement, la première tranche avoisine les 15 millions d'euros totalement financés en fonds propres.
Avez-vous bénéficié d'aides financières de l'Etat marocain ?
Nous bénéficions des exonérations de taxes classiques prévues. Nous avons cependant monté tout le projet sans tenir compte des aides que l'on pourrait recevoir. C'est un projet industriel. Nous ne venons pas au Maroc pour recevoir des aides.
LH dispose d'un site en région parisienne, s'agit-il d'une délocalisation de cette usine française au Maroc ?
Absolument pas. Nous cherchons avant tout à nous rapprocher de nos clients. Cela nous permet d'avoir un centre de maintenance sur le continent africain ou d'avoir des pilotes démonstrateurs de haut vol localement. Ils peuvent intervenir plus facilement au Maroc où il y a un plus grand nombre de jours de soleil par rapport à la France. J'ajoute que les versions militaires de l'avion sont réalisées dans notre usine de Melun. C'est là que se trouve notre bureau d'étude et toute la conception.
En quoi consiste le projet ?
Il s'agit de d'assembler intégralement l'avion LH10M au Maroc. Bien sûr, à ce jour, l'avion n'est pas encore construit. L'usine n'existe pas non plus mais elle sera opérationnelle début 2015 près de Casablanca juste en face de l'usine de Bombardier.
Comment allez-vous vous implanter ?
Nous avons reservé les terrains et sommes en train de signer les contrats. Ce sera une usine greenfield ultramoderne. Nous allons y transférer le savoir-faire composite et embaucher des collaborateurs issus des centres de formation aéronautique marocains comme l'IMA notamment. Nous allons aussi développer des partenariats locaux avec des industriels de l'aéronautique, des sous-traitants avec qui nous sommes en négociation. Le LH10M sera entièrement fabriqué au Maroc avec tout ce que cela comporte les composites, l'assemblage et les formations.
Tous les éléments du LH10M ne proviennent pas du Maroc. Quelles sont les parties qui viendront de France ?
L'aérostructure sera intégralement fabriquée au Maroc. Mis à part l'ensemble des systèmes électroniques et les moteurs classiques des LH qui viendront de France, tout le reste sera fabriqué localement.
Pour quels marchés ?
Le Maghreb, l'Afrique sub-saharienne et le pourtour méditerranéen.
Comment adapter un avion aux spécificités climatiques de ces régions ?
Un gros travail est réalisé sur les systèmes de refroidissement et les trains d'atterrissage. Un soin particulier est apporté à l'isolation thermique des cabines et des entrées d'air. Un effort significatif a aussi été réalisé au niveau de la facilité de maintenance.
Le but est de pouvoir entretenir l'avion d'une manière très simple sans avoir à l'immobiliser des heures. En outre, le LH10M est un avion capable de décoller sur de courtes distances à partir de pistes sommaires. Notre objectif est de servir uniquement les marchés locaux.
Quels sont-ils ?
Le LH10M est à la fois un avion de formation et de surveillance. Il est adapté pour surveiller les feux de forêt, les côtes, les routes, les autoroutes ou les frontières. Ce sont des marchés de surveillance professionnelle.
LH10, un avion prometteur
Le LH 10 est un avion léger biplace de 100 ch. pesant 270 kg à vide avec l’hélice placée à l’arrière dégageant ainsi le champ de vision. Son rayon d’action est de 760 miles avec une autonomie maximale de 6 heures pour une vitesse allant de 118 à 342 km/h. Sa longueur est de 5,11 m. Il peut relier deux points à 1 500 km de distance au maximum. Sa masse est de 300 kg et son coût unitaire est de 1,3 million d'euros. Il possède un moteur de type Rotax 912.
Magellan Industries: du capital risque pour les PME aéronautiques
Situé à Paris, Magellan Industries a été créée en mars 2010 par Christophe Rémy, ex-directeur financier du défunt projet Geci passé auparavant par Altran. Magellan Industries opère dans la capital risque dédié aux PME de l'aéronautique, notamment via le véhicule A Plus Finance. Ce dernier a investi 2 millions d'euros dans LH Aviation en octobre 2013. Dans son portefeuille se trouve aussi Yellowsat, société basée à Paris qui propose une offre low-cost en capacité satellitaire.