Constantin Tsakas, secrétaire général du Femise et délégué général de l’Institut de la Méditerranée (photo : Femise)
Assistant actuellement à la COP24 en Pologne, Constantin Tsakas, secrétaire général du Femise et délégué général de l’Institut de la Méditerranée, s'exprime sur le changement climatique dans les pays du bassin méditerranéen et ses conséquences sur les inégalités.
econostrum.info : Vous êtes actuellement à Katowice pour la tenue de la COP24. Depuis plusieurs années, les économistes et chercheurs du Femise et de l’Institut de la Méditerranée alertent les pouvoirs publics sur les conséquences du changement climatique dans les pays du bassin méditerranéen. Aujourd’hui, quelles sont vos recommandations ?
Constantin Tsakas : L’impact du changement climatique est multiple. Coûteux économiquement, il remet en jeu l’attractivité des territoires et défie les objectifs européens de cohésion des régions et de croissance inclusive dans les pays de la rive Sud. Le bassin méditerranéen est l’un des 25 hotspots mondiaux du changement climatique avec une rive sud très affectée par des événements extrêmes (sécheresse, pluies intenses, vagues de chaleur…). Les acteurs et collectivités locales des pays du Sud de la Méditerranée (PSM) ont donc commencé à s’engager mais les défis restent nombreux.
L’Institut de la Méditerranée, en partenariat avec le Femise et l’association Energies 2050, viennent de publier un rapport (*), présenté à la COP24 à un atelier co-organisé avec l’Union pour la Méditerranée, dans lequel nous suggérons de placer le climat au cœur de la stratégie de coopération avec les territoires méditerranéens du Sud et de l’Est. Nous soulignons dans le document que la Région SUD Provence-Alpes-Côte d’Azur pourrait apporter de précieux retours d’expériences, en organisant notamment le rapprochement entre les résultats de la science et les décideurs et la production d’informations et de connaissances sur les questions de développement local/climat. Par ailleurs, une plateforme au service des territoires en la matière offrant la possibilité de capitaliser, d’échanger, de former, de permettre un dialogue avec le monde de la statistique régional et d’offrir une assistance technique pourrait être supportée au niveau régional, notamment à travers des initiatives naissantes comme par exemple la Maison Méditerranéenne du Climat.
Femise traite également des questions d’inégalités dans les pays du bassin méditerranéen, dans lesquels des projets à impact environnemental et social semblent se développer. Quels sont les pays les plus avancés ?
C.T. : Malgré le potentiel et la notoriété de l’entrepreneuriat social, sa performance économique reste en deçà des attentes dans les pays du bassin méditerranéen. Son développement est freiné notamment par un cadre législatif parfois inexistant ou inadapté et par la difficulté d’accès au financement.
Se pose souvent la question de savoir si les structures sont reconnues et encadrées juridiquement. Dans la majorité des PSM, il n'existe pas de législation spécifique régissant les entreprises sociales. La Tunisie et le Maroc ont récemment ouvert un dialogue national sur l'entrepreneuriat social (ES). Dans les deux pays, les secteurs public et privé, les entrepreneurs sociaux et les structures de soutien contribuent à favoriser l’émergence d’un écosystème ES dans tous les niveaux. Au Liban, un écosystème ES se développe rapidement par l'utilisation d'une approche « bottom-up » à la conception légale de l'entreprise sociale. Beyond Reform & Development conduit des initiatives légales pour la conceptualisation d’une loi nationale sur l’entrepreneuriat social.
Croyez-vous aux valeurs de l’entrepreneuriat social ? A-t-il un réel impact économique vis-à-vis des populations les plus éloignées de l’emploi ?
C.T. : Même si dans les PSM la place de l’ES est encore faible en terme de PIB (généralement 2 à 3%), il faut prendre en compte aussi la réduction des inégalités qu’il permet. L’entrepreneuriat social (ou inclusif) mobilise la jeunesse. Il crée des emplois durables et non délocalisables. Il représente un outil d’innovation économique financière et sociale adaptée aux PSM. L’ES compose un cadre de référence pour reconstruire du lien social autour de l’économie, pour valoriser les ressources et les atouts des territoires et y ancrer le développement, pour former et mobiliser les compétences disponibles dans une dynamique entrepreneuriale. Le micro crédit et les coopératives permettent de lutter contre l’économie informelle. Tourné vers l’employabilité des personnes vulnérables, il favorise l’inclusivité, l’équité, la diversité. Il contribue à la diversification économique puisqu’il est présent dans les domaines du logement, du recyclage, de l’alimentation, de l’énergie…
Avec Femise nous cherchons à développer des synergies et préconisons une approche multi-acteurs pour débloquer le potentiel inexploité de l’ES en Méditerranée. En ce sens, nous pensons qu’une Initiative Méditerranéenne de Financement Social pourrait apporter des éléments de réponse, alignant la création d’entreprises et les flux de capitaux avec des objectifs de réductions d’externalités sociales locales dans l'espace méditerranéen. Le prochain rapport EuroMed du FEMISE, piloté par l’IM (prévu pour début 2019), aura un chapitre dédié au potentiel de l’ES en Méditerranée.
(*) « Les gouvernements infranationaux Euro-Med dans la lutte contre le changement climatique : cadre d’action, exemple de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et opportunités d’action à l’échelle méditerranéenne ».
Le rapport est disponible en cliquant ici
Par Nathalie Bureau du Colombier - Econostruminfo
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