Méditerranée : pourquoi Alger a changé de cap

La controverse reprend de plus belle en Algérie au sujet de l’Union pour la Méditerranée (UPM) à la création de laquelle notre pays a participé et applaudi en juillet 2008.
En effet, l’euphorie semble céder la place à la suspicion, voire à la dénonciation d’un processus géopolitique aux ambitions fluctuantes au regard d’Alger. Le ministre des Affaires étrangères a visiblement du mal à voir plus loin.
Et c’est en des termes très durs qu’il a évoqué les objectifs de l’UPM dans un entretien à la radio Algérie Internationale, ce lundi. « Nous sommes sortis avec de nouvelles ambitions à Marseille qui nous ont parues extravagantes », a déclaré sèchement Mourad Medelci, suggérant ainsi une remise en cause en bonne et due forme du projet cher à Sarkozy.
Le chef de la diplomatie algérienne a également tordu le cou à l’architecture technique de l’UPM qu’il trouve « très lourde » à son goût. « Au lieu d’un secrétariat léger et technique tel que décidé au sommet de Paris, (…), la réunion de Marseille a décidé d’un secrétariat composé de sept secrétaires généraux adjoints », a-t-il regretté.
Et d’ironiser que les rôles ont été « généreusement répartis », relevant qu’au lieu d’un secrétariat technique et compte tenu du choix des pays, « on s’est retrouvé avec un secrétariat politique ».
Le ministre des Affaires étrangères tire de son constat un verdict sans appel : « L’Algérie étant conséquente avec elle-même, la démarche de Marseille est en contradiction avec la déclaration de Paris. » La preuve de l’inefficience de l’UPM réside, d’après M. Medelci, dans le fait que même la décision contenue dans la déclaration de Paris de rendre opérationnel le secrétariat de l’Union au 1er janvier 2009 n’est pas respectée. « Or, il ne peut être opérationnel si le secrétariat général n’est pas désigné », précise le ministre, dépité.
Ces propos, au-delà de leur pertinence dans les faits, contrastent tout de même radicalement avec les belles formules triomphalistes de Medelci au lendemain du sommet de Paris mais également le 3 novembre dernier à Marseille même. Ce jour-là, le ministre soulignait les « avancées politiques » enregistrées lors de la conférence des 43 chefs de la diplomatie des pays membres de l’UPM tenue à Marseille.
Bien que le chef de la diplomatie algérienne s’était montré dubitatif en s’interrogeant s’il fallait « un organe lourd, souple, technique, politique ? », il avait néanmoins déclaré que « celui-ci doit revenir à un pays de la rive sud de la Méditerranée ».
Mais il n’a à aucun moment évoqué « l’extravagance des nouvelles ambitions de l’UPM ». M. Medelci avait même rassuré qu’« il nous revient de désigner ce secrétaire général. Le principe de candidature a été retenu. Une liste est d’ores et déjà ouverte.
La Jordanie s’est déjà portée candidate ». Qu’est-ce qui a changé entre l’automne 2008 et le 5 janvier 2009 ? A moins que ce réquisitoire dressé par notre ministre des Affaires étrangères contre l’UPM n’obéisse à d’autres paramètres diplomatiques et géopolitiques qui échappent à la logique sous-tendant l’UPM.
Il est, en effet, difficile de cataloguer ce coup de gueule dans le rayon d’une simple critique du fonctionnement d’une structure non encore opérationnelle. Cela est d’autant moins plausible que l’Algérie, à travers son Président et son ministre des AE, a couvert d’éloges ce processus et cautionné ses objectifs en répondant présent au sommet de Paris le 13 juillet 2008.
D’ailleurs, même après que la Commission européenne eut revu radicalement la copie initiale de Sarkozy, Bouteflika a fini par souscrire à l’UPM à contre-courant des recommandations des experts algériens mais également de son ex-chef de gouvernement Belkhadem qui avait cru flairer une « normalisation rampante avec Israël » via l’UPM. Et alors que l’opinion publique attendait que Bouteflika emboîte le pas au guide libyen de boycotter le sommet de Paris, il fit annoncer depuis Tokyo sa participation par le canal de… Sarkozy. Une fin de suspense qui a pris tous les Algériens à contre-pied.
Et Medelci vient de mettre lui aussi l’opinion dans le vent en signant ce qui s’apparente à une déclaration de divorce avec l’UPM dans un contexte marqué par un génocide israélien dans la bande de Ghaza. Le parallèle est presque évident. Nous sommes en effet face à un effroyable massacre commis par un pays secrétaire général adjoint de l’UPM contre un autre. Israël et la Palestine ont été en effet désignés à Marseille en qualité de deux des sept SG adjoints.
Du coup, c’est toute la philosophie politique de partenariat de l’Union pour la Méditerranée qui tombe à l’eau. Et l’alignement franc de Sarkozy aux côtés d’Israël semble avoir édifié Alger sur les illusions qu’il nourrissait de l’UPM. Aussi, le contentieux diplomatico-judiciaire entre Paris et Alger au sujet de l’affaire Hasseni, toujours sous contrôle judiciaire depuis près de cinq mois, ne serait pas étranger à ce coup de grâce porté sur l’union de Sarkozy.
C’est dire que la montée au créneau de Medelci, pour surprenante qu’elle puisse paraître, n’en est pas moins attendue. Mais elle est arrivée très en retard. Et Sarkozy a eu son show avec les compliments de Bouteflika.
Par Hassan Moali - Elwatan.com - le 8 janvier 2009

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