Christophe Lecourtier, Directeur général de Business France. © AM/AfricaPresse.Paris |
Directeur général de Business France depuis septembre 2017, Christophe Lecourtier avait créé et dirigé Ubifrance, l’ex-agence pour le développement international des entreprises, à la tête de laquelle il avait réussi une belle percée en Afrique, en 2011-2012.
Moins d’un an après sa nomination à Business France, le voilà avec un nouveau défi d’envergure : créer Ambition Africa 2018, le plus grand événement entrepreneurial entre la France et l’Afrique, et destiné à devenir « la » référence. Entretien exclusif avec Alfred Mignot.
Lors de l’atelier dédié au Nigeria, organisé par vos services le 5 juin au siège parisien de Business France, vous avez annoncé la création des rencontres Ambition Africa 2018, dont la première édition se tiendra en octobre prochain, à Bercy. De quoi s’agit-il ?
Christophe Lecourtier - Dans différents discours depuis un an, et en particulier en novembre dernier à Ouagadougou*, le président de la République a défini de nouvelles ambitions pour la France en Afrique dans le cadre d’une relation complètement renouvelée, et où la dimension économique joue un rôle très important.
La mission de Business France dans le déploiement de cette stratégie, c’est d’une part d’être davantage présent en Afrique pour mettre en contact des entreprises françaises avec les bons interlocuteurs. C’est un rôle d’intermédiateur, de mise en relation et de facilitateur que nous maîtrisons bien, et c’est la raison pour laquelle nous développons toute une série d’actions visant l’Afrique, aujourd’hui vers le Nigeria qui constitue évidemment le marché numéro un, et où l’on compte d’ailleurs logiquement la plus forte présence française de l’Afrique subsaharienne.
Mais d’autre part, nous pensons qu’il est également utile de pouvoir jouer des « matchs retour » en France, car beaucoup d’entrepreneurs africains ont l’occasion ou le désir de venir chez nous.
Nous voulons donc pouvoir leur montrer que l’écosystème économique français est tout à fait réceptif, et que même certaines de nos entreprises qui ne sont pas encore allées en Afrique ont envie de rencontrer des partenaires africains, soit pour faire du commerce, soit pour co-investir, soit encore pour les accueillir dans leur business en France.
C’est pourquoi nous avons proposé au gouvernement d’organiser à Bercy, les 22 et 23 octobre prochains, l’événement Ambition Africa 2018.
Christophe Lecourtier, DG de Business France, lors de son intervention à l’atelier Nigeria, le 5 juin 2018, dans l’amphithéâtre du siège parisien de Business France. AM/AfricaPresse.Paris |
Que peut-on déjà préciser à propos de ce grand événement que sera Ambition Africa 2018 ?
Christophe Lecourtier - Plusieurs ateliers thématiques et transversaux seront organisés. Par exemple sur les enjeux liés à l’agro-industrie africaine, sur l’avenir du mix énergétique du Continent, sur les nouveaux usages du numérique inventés par les Africains, sur les solutions de financement pour se développer en Afrique, etc.
En ouverture, des grands acteurs, des grands témoins politiques et économiques livreront toute une série d’éclairages, et nous orchestrerons plus de 3 000 rendez-vous en face-à-face dans le but de générer des projets et des affaires. Ce sera aussi un très grand moment de réseautage, car pour cette première édition, nous accueillerons quelque 600 entreprises, avec une majorité d’Africaines – autour de 350 – et 250 entreprises françaises.
Et une fois l’événement passé, nous l’évaluerons et nous mettrons aussitôt au travail pour bâtir l’édition 2019…
… c’est donc un projet d’événement annuel, que vous voulez installer dans la durée ?
Christophe Lecourtier - L’enjeu pour les entreprises françaises en Afrique et pour les Africaines en France, c’est que l’on sorte des clichés et des grands-messes, et que l’on crée des rencontres à un rythme régulier et croissant, de manière à tisser véritablement des liens très concrets. Ce que nous voulons réussir avec Ambition Africa 2018, c’est lancer une dynamique nouvelle, forte et durable !
Comment choisirez-vous les entreprises invitées à participer à ces rencontres Ambition Africa 2 018 ?
Christophe Lecourtier - Nous essaierons de faire en sorte que les entreprises incarnent les points forts, tant de la France que de l’Afrique. En même temps, nous restons ouverts à toute opportunité de rapprochement d’entreprises de France et d’Afrique.
L’intérêt, c’est que l’on sache qu’il y a en France le répondant pour générer des affaires avec les entreprises africaines, et vice versa. Donc nous avons opté pour une approche généraliste dans le choix des secteurs, mais nous sommes très attentifs à l’idée que les entreprises ne viennent pas pour rien ! Que si elles font le voyage, elles soient sûres d’avoir dans leur carnet de rendez-vous un certain nombre de partenaires avec lesquels il y aura potentiellement du grain à moudre.
Cette mise en relation est d’ailleurs au cœur de notre métier… De ce fait, je pense que l’une des choses que Business France peut apporter, c’est justement de garantir aux entrepreneurs qu’il y a des choses à faire ensemble.
Donc, c’est vous, Business France, qui serez l’opérateur de ce grand événement Ambition Africa ?
Christophe Lecourtier - Oui, bien sûr, la mise en relation pour l’exportation, pour attirer les investisseurs… c’est notre métier traditionnel ! Et pour une mise en relation efficace, il faut connaître les deux partenaires.
Lors de votre atelier consacré au Nigeria, plusieurs personnes ont souligné que désormais les Français sont souvent trop timides en Afrique… Qu’en pensez-vous ?
Christophe Lecourtier - Oui, il y a une forme de timidité… et c’est assez logique ! Nous bénéficions de facilités culturelles, pour des raisons historiques, dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Cette grande proximité est un atout réel, tant pour la France que pour ces pays.
Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous intéresser aux autres pôles de développement du Continent. Il n’y a pas de raison de s’interdire de contribuer à l’émergence d’autres pays, notamment le Nigeria, d’autant qu’il concentre d’ores et déjà le plus d’investisseurs français de l’Afrique subsaharienne, comme nous l’avons déjà souligné.
Donc notre relation à la région est déjà forte, mais aujourd’hui l’histoire doit s’écrire avec les PME et ETI françaises… Le rôle de Business France est de les soutenir, de les accompagner. Nous sommes une agence au service des PME et ETI françaises, et nous devons faire en sorte qu’après les grands groupes qui sont au Nigeria depuis longtemps, émerge une génération de PME et d’ETI qui puissent effectivement bénéficier de notre appui pour rencontrer les bons acteurs dans les bons secteurs, et transformer une intention en flux d’affaires – et notre appui est d’autant plus nécessaire que ces PME et ETI ont précisément moins de facilité culturelle que dans l’Afrique de l’Ouest francophone.
Un amphithéâtre plein à l’occasion de l’atelier dédié au Nigeria, le 5 juin 2018. © AM/AfricaPresse.Paris |
Et que répondre à ces détracteurs qui prétendent que l’Afrique n’a plus de désir de France ?
Christophe Lecourtier - Je pense que nous sommes en train de sortir d’une logique essentiellement liée au drapeau et aux aires d’influence anciennes… comme le dit le président de la République.
Ce que nous devons valoriser, c’est la capacité des entreprises françaises – notamment nos PME et ETI – à proposer des solutions qui répondent aux besoins des pays en émergence.
Notre rôle, c’est de faire en sorte que de plus en plus d’entreprises françaises aient envie de proposer leurs solutions – et qu’on leur en donne les moyens.
Il est clair qu’en Afrique comme dans d’autres régions du monde, il ne s’agit pas simplement de sortir son passeport français pour remporter des marchés. Les niveaux d’exigence s’élèvent avec la dynamique du développement, et seuls sont retenus les compétiteurs capables de présenter les solutions adaptées aux besoins et marchés actuels en matière d’énergie renouvelable, de télécommunications, d’agroalimentaire, de biens de consommation…
Voilà ! Si l’affinité culturelle n’est plus le principal ressort du business en Afrique, cela reste un atout. Mais in fine ce qui fait la différence, c’est la capacité à proposer de bonnes solutions.
En fait, vous visez à faire de votre engagement au Nigeria un cas d’école exemplaire de l’action de Business France en Afrique non francophone ?
Christophe Lecourtier - Exactement ! Nous ferons du Nigeria un cas d’école démontrant que, même dans un univers moins familier aux entreprises françaises, nous sommes capables de leur présenter les bons interlocuteurs pour réaliser des affaires.
On évoque souvent la nécessité de renforcer le travail en équipe des opérateurs français à l’international. Quelles sont vos relations avec le Groupe AFD – l’Agence française de développement ?
Christophe Lecourtier - Nous travaillons beaucoup avec l’AFD en Afrique car effectivement le groupe a une connaissance des enjeux prioritaires des acteurs, et une légitimité reconnue depuis des décennies.
Certes, l’aide de l’AFD est déliée, et l’agence est légitimement très soucieuse de respecter les règles, tout en étant à mon avis personnel beaucoup plus consciente de l’offre française qu’elle ne l’était autrefois.
Le 21 juin, vous organisez des Rencontres Algérie au siège parisien de Business France… On entend maintenant les diplomates répéter régulièrement que nos relations sont au beau fixe. Mais avance-t-on, en termes de partenariat économique ?
Christophe Lecourtier - Les autorités publiques et le secteur privé algériens souhaitent intensifier le partenariat économique avec la France et c’est d’ailleurs pour répondre à cette demande que les rencontres Algérie 2018 seront centrées sur les partenariats productifs, avec la participation d’une forte délégation d’entreprises algériennes, publiques et privées, porteuses de projets d’investissements.
La France est le 2e partenaire commercial de l’Algérie, après la Chine, et le 1erinvestisseur dans le pays, hors hydrocarbures. Mais la volonté actuelle des Algériens de diversifier leur économie nous impose de repenser notre approche pour garder nos positions sur un marché qui constitue toujours la 4e économie africaine.
La France est le 2e partenaire commercial de l’Algérie, après la Chine, et le 1erinvestisseur dans le pays, hors hydrocarbures. Mais la volonté actuelle des Algériens de diversifier leur économie nous impose de repenser notre approche pour garder nos positions sur un marché qui constitue toujours la 4e économie africaine.
Par Alfred Mignot - Source de l'article AfricaPresse
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