Emile Barrault écrivait «quel spectacle touchant présentera l’humanité, lorsqu’aux bords de la Méditerranée, où la civilisation s’est développée par le choc de tant de flottes et la lutte de tant de cités rivales réfléchies dans ses ondes, l’Europe, l’Afrique et l’Asie, comme aux bords d’une coupe immense et magnifique où elles n’ont communié qu’en la rougissant de leur sang, désormais se tendent des bras amis, communieront pacifiquement entre elles, et offriront dans cet accord sublime le symbole de l’association universelle que nous venons fonder».
C’était en… 1932. L’inventaire de ce qui a été tenté depuis les années 7O du siècle dernier pour la Méditerranée est à la fois impressionnant et désagréable: politique méditerranéenne globale dès 1972 devenue «rénovée» en 1990; Processus de Barcelone entre les 15 pays européens et les 12 pays du sud et de l’est de la Méditerranée en 1995; accords d’association pour une zone de libre-échange en 2010; fonds Meda en 1996 et en 2002 de la «facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat».
Sur le plan politique, création en 1990 d’un dialogue 5+5, d’un Forum méditerranéen en 1994 avec 11 pays à l’initiative de la France et de l’Egypte; «politique européenne de voisinage» pour les pays qui n’ont pas vocation à entrer dans l’UE en 2003; mise en œuvre en 2004 d’un instrument financier de voisinage et de partenariat. Vaste inventaire. Pourtant il laisse ce sentiment désagréable que l’automne politique dure toujours plus longtemps que les utopies du printemps dans ce bazar méditerranéen.
Relance par le haut
Le projet d’Union pour la Méditerranée a le mérite d’apporter de nouvelles approches engendrant lors de son lancement des signaux d’espoir, de bonnes intentions pour faire face aux urgences de l’homme méditerranéen. Car il s’agit d’une relance par le haut du Processus de Barcelone qui tarde à se concrétiser convenablement.
L’idée maîtresse est la parité. Parité dans les approches, parité dans les prises de décisions, parité dans la préparation et la gestion des projets et parité dans la gouvernance.
Contrairement à une idée reçue, l’UPM ne signifie pas la mort du Processus de Barcelone mais au contraire son enrichissement. L’acquis d’Euromed est réel mais il s’agit dans cette nouvelle perspective de rompre intégralement avec ce qu’il y a de paternaliste dans les démarches européennes. Cependant, depuis l’offensive israélienne contre Gaza en décembre 2008, des voix s’élèvent aujourd’hui pour décréter la mort de l’UPM.
D’aucuns disent que le Processus de Barcelone a été lancé dans le contexte optimiste des accords d’Oslo avant de subir de plein fouet son arrêt et par voie d’implication l’UPM va connaître le même sort. C’est faux! L’UPM n’est pas morte et ne doit pas mourir.
Partout dans le monde tout s’accélère et tout se recompose. L’histoire de la Méditerranée est à un tournant décisif. Elle est victime de cette pénurie de régionalisation alors qu’elle doit faire face à cinq transitions majeures: énergétique, climatique, démographique, économique et politique. L’alternative est très claire: nous unir ou nous marginaliser.
L’Europe doit changer sa politique étrangère pour définir une politique extérieure commune notamment en Méditerranée. Car le plus urgent reste le Proche-Orient. Une conférence de paix internationale doit être envisagée dans le cadre de l’UPM et qui obligerait le Quartet, à commencer par les Etats-Unis, à changer et à étudier raisonnablement la proposition de paix arabe proposée par le roi Abdallah d’Arabie saoudite, soumise depuis le Sommet arabe de Beyrouth de 2002 et réactivée par le dernier sommet arabe de Doha.
Par le Pr. Abdelhak Azzouzi- leconomiste.com - le 21 mai 2009
Par le Pr. Abdelhak Azzouzi- leconomiste.com - le 21 mai 2009
Abdelhak Azzouzi est le président du Centre marocain interdisciplinaire des études stratégiques et internationales (http://www.cmiesi.ma/). Il est professeur des universités et vient de diriger une publication en cinq volumes sur l’alliance des civilisations et la diversité culturelle (L’Harmattan 2009).
Il a publié l’année dernière « Autoritarisme et aléas de la transition démocratique dans les pays du Maghreb» (L’Harmattan). Il est très engagé dans le dialogue entre les cultures et les religions. Ses travaux portent sur les migrations, la politique étrangère des pays arabes, les rapports entre les Etats-Unis, l’Europe et les Etats arabes, sur le politique et la société dans le monde arabo-musulman (régimes politiques, société civile, élites partisanes, démocratisation…), sur le rapport entre le politique et le religieux.
Il est membre consultant auprès de plusieurs organismes nationaux et internationaux.
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