L'éducation au Sud de la Méditerranée comme responsable des frictions sur le marché du travail

Léo Vincent veut "connecter les diplômés avec les entreprises" (photo : F.Dubessy)
Léo Vincent veut "connecter les diplômés avec les entreprises" (photo : F.Dubessy)

Une formation inadaptée au marché actuel de l'emploi se traduit par un fort taux de chômage, notamment chez les jeunes diplômés. Elle pousse les diplômés à choisir la fonction publique ou à émigrer. 

Chômage élevé chronique, spécifiquement chez les jeunes adultes, faibles taux d'emploi, changements dans les systèmes éducatifs, frictions sur le marché du travail et échecs des gouvernements à les aplanir, immigration fonctionnant comme une soupape de sécurité, les pistes ne manquent pas pour expliquer l'inadéquation entre formation et offres d'emplois constatée dans les pays du Sud de la Méditerranée. 
Elles ont été explorées lors de la conférence annuelle du réseau Emnes (Euro-Mediterranean network for economic studies) qui se tenait à Bruxelles le 27 juin 2019, avec comme question phare posée par le modérateur, Nooh Alshyab, de l'université de Yarmouk, "est-ce un problème de demande ou d'offre ?" 

"Ce n'est pas l'un ou l'autre, mais entre les deux", répond Nathalie Creste, conseillère à la direction mobilité des travailleurs à la Direction générale Emploi, affaires sociales et inclusion à la Commission européenne. Les frictions sur le marché du travail sont bien la conséquence de l'inadéquation des compétences, confortée par le constat que les études supérieures sont orientées vers la fonction publique et que, malgré une augmentation de la scolarisation, la mauvaise qualité de l'enseignement persiste. 

"Le principal problème reste le taux de chômage chez les très éduqués. Il atteint les 40% en Tunisie, et même 50% pour les femmes dans ce même pays", constate Cinzia Alcidi, chercheuse principale et cheffe de la politique économique du CEPS (Centre d'étude des politiques européennes). 
La formation ne correspond donc pas aux emplois disponibles. "L'éducation devrait générer de nouveaux emplois. Il est fondamental de penser un système d'éducation qui forme de bons salariés pour les entreprises privées et de nouveaux employeurs", lance Cinzia Alcidi.

Coopération nécessaire entre les deux rives

L'importance du secteur public et son attractivité (salaires plus élevés, meilleure protection sociale, garantie de l'emploi et statut), affecte les choix d'éducation. Et absorbe les plus talentueux.Quand ils ne sont pas tentés par l'immigration. Selon Eurostat (chiffres 2017), sur le million de jeunes de dix-huit à trente-quatre ans (Algériens, Egyptiens, Marocains et Tunisiens) présents sur le sol européen, 40% ont un emploi, 42% restent inactifs et 18% se trouvent au chômage. Preuve encore que leur formation ne correspond pas aux besoins des entreprises à l'étranger. 

"Sans coopération entre les deux rives, nous n'y arriverons pas", certifie Nooh Alshyab. D’où l'intérêt d'un programme comme HOMERe (Haute opportunité en Méditerranée pour le recrutement de cadres d'excellence). 
Son président, Léo Vincent, veut "connecter les diplômés avec les entreprises" en leur proposant des stages de six mois. 
L'appel à projets de la DG Migration et Affaires intérieures qu'il vient de décrocher va lui permettre de renforcer l'employabilité des jeunes méditerranéens du Maroc, de Tunisie et d'Égypte. 
"Le flot des migrations va se poursuivre, il est crucial d'assurer sa gestion", lance Cinzia Alcidi.


Par Frédéric Dubessy - Source de l'article Econostruminfo

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