Alors que la communauté internationale définit le programme de développement pour l’après-2015, l’exclusion de la jeunesse s’impose comme un problème de taille. Les jeunes n’ont jamais été si nombreux et, depuis 2011, leur désillusion nourrit des mouvements de protestation contre le statu quo au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), mais aussi en Europe et en Amérique latine.
La contestation populaire ne porte pas que sur l’emploi : elle remet en cause l’ordre établi, exige que l’avis des principaux intéressés soit pris en compte s’agissant de politiques qui concernent l’avenir de la jeunesse, et appelle à la justice, la liberté et la dignité.
Ces revendications ont retenti comme un avertissement dans le monde entier. Un nombre écrasant des 12-24 ans vit dans les pays en développement : 1,3 milliard sur 1,5 milliard[1]. Si la proportion de chômeurs chez les jeunes est considérable par rapport aux adultes, il existe un autre indicateur qui permet d’évaluer de façon plus complète le fléau de l’inactivité chez les jeunes : c’est celui du nombre de jeunes qui ne sont « ni scolarisés, ni en emploi ni en formation », qui inclut, en plus de ceux qui sont au chômage, ceux qui ont renoncé aux études ou au travail.. Plus d’un quart des 15-24 ans est considéré comme « inactif » dans le monde, les taux les plus élevés étant observés en Europe, en Asie et dans la région MENA[2].
Tant du côté des États et des institutions (ONU, UE, OCDE, Forum économique mondial…) que du secteur privé et des fondations, on considère désormais l’inactivité et l’insertion des jeunes comme une priorité. Le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau des Nations Unies sur le programme de développement pour l’après-2015[3] mentionne ainsi pour la première fois un objectif quantifiable en matière de développement chez les jeunes, en appelant à réduire de x % le nombre de jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni en emploi ni en formation.
La Banque mondiale a organisé récemment un vaste exercice de réflexion autour de l’action à mener pour l’insertion des jeunes, qui a permis de souligner deux aspects essentiels : l’importance d’une approche intégrée des problématiques liées à la jeunesse pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté et de partage de la prospérité, et la nécessité d’élaborer un cadre commun pour l’insertion des jeunes. Sans précédent en la matière, cet exercice a réuni diverses équipes au sein de la Banque mondiale, aux côtés d’experts et de représentants du secteur privé, de la société civile et de la jeunesse.
Il a permis d’appréhender la question de l’insertion des jeunes dans ses différentes dimensions : la dimension économique, avec tout ce qui touche au revenu, aux études, à l’emploi et à l’inactivité ; la dimension sociale, qui concerne des aspects tels que la démographie, le sexe, l’origine ethnique, les réseaux sociaux ou le handicap ; la dimension politique, à savoir les questions de sécurité, de conflit et de violence, d’engagement civique, de confiance dans les institutions, de participation aux prises de décision et d’expression ; et la dimension culturelle, enfin, qui a trait à la religion, à l’identité, aux valeurs et aux aspirations.
Les résultats d’une enquête mondiale réalisée par Gallup en 2013 ont souligné la nécessité de considérer la question au-delà des chiffres du revenu et du chômage. Cette étude comparait la perception que les jeunes ont de leur niveau de vie, leur propre appréciation de leur existence, leur bien-être social, leur attachement à la communauté, leur engagement dans le volontariat et leur degré de confiance dans l’État. La région MENA et l’Afrique subsaharienne ont systématiquement obtenu les moins bons résultats, notamment en ce qui concerne l’appréciation du niveau de vie. En outre, les jeunes habitants de la région MENA ont indiqué avoir un moins bon niveau de vie en 2013 par rapport à 2012, et affiché une confiance dans l’État inférieure à celles de leurs homologues en Afrique.
Il en est ressorti que la jeunesse est une catégorie sociale dont l’identité recouvre tout un éventail d’identités idéologiques, ethniques, sectaires, sexuelles et nationales. La jeunesse d’aujourd’hui englobe une diversité d’identités mais aussi une multiplicité d’existences : à la maison en famille, dans la sphère publique et dans la rue, par exemple.
Nous devons veiller à ce que nos interventions ne s’adressent pas seulement à une jeunesse urbaine, de la classe moyenne et qui sait s’exprimer. Pour les jeunes peu instruits et aux revenus faibles, en particulier ceux qui appartiennent à la tranche des 40 % les plus pauvres, le secteur informel reste la principale source d’emplois ; toute solution devra donc prendre en compte ce secteur économique.
Par ailleurs, les pouvoirs publics locaux et la communauté jouent un rôle capital dans l’engagement et la responsabilisation des jeunes. C’est à cet échelon que l’on peut mettre en place des services à la jeunesse plus durables : formation à la vie quotidienne, enseignement des TIC et des langues, apprentissage d’un mode de vie sain, parrainage, sports, etc. Ces services ont en effet un impact d’autant plus grand qu’ils associent les jeunes eux-mêmes et qu’ils reposent sur un partenariat avec les communautés et les autorités locales. Comme cela a également été souligné, il apparaît indispensable de ne soutenir que des interventions auxquels les jeunes s’identifient et de donner à ces derniers les moyens d’agir.
Enfin, nous devons créer des partenariats qui impliquent le secteur privé et la société civile dès le début, et pas seulement après coup. Et traiter de manière systématique les contraintes qui se posent au développement des jeunes, qu’il s’agisse du marché du travail et de la réglementation des entreprises, mais aussi des études, des droits de propriété et des droits de l’homme, ou encore du manque de possibilités d’intervenir dans la prise de décisions. Il s’agit là d’enjeux du développement plus larges, qui montrent bien que l’avenir des jeunes et celui de leur pays sont étroitement liés.
Pour la suite, selon les orientations suggérées, la Banque mondiale devra mettre en place un groupe thématique axé sur le partage des connaissances ainsi qu’un groupe de travail transversal recouvrant l’ensemble des pôles de pratiques mondiales de l’institution et chargé d’élaborer une structure commune pour l’insertion des jeunes, et identifier un petit nombre de pays où une approche plus multidimensionnelle pourrait être appliquée, avant sa reproduction à plus grande échelle ailleurs.
Par Gloria la Cava - Source de l'article Blog Banque Mondiale
[1] Rapport sur le développement dans le monde 2007, Le développement et la prochaine génération, Banque mondiale, 2006.
[2] Banque mondiale. Statistiques du Réseau pour le développement humain, 2013.
[3]Pour un nouveau partenariat mondial : vers l’éradication de la pauvreté et la transformation des économies par le biais du développement durable, Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau des Nations Unies sur le programme de développement pour l’après-2015 auprès du Secrétaire général, mai 2013.
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