Si le caractère récent de l'urbanisation se prête au débat, le phénomène est en train de prendre une envergure indéniable et sans précédent. Les villes n'occupent que 2% infimes de la surface planétaire, et pourtant elles abritent déjà 50% de sa population, un pourcentage qui risque de s'élever à 70% d'ici 2050.
Cette croissance est encore plus prononcée en Afrique du Nord et en Asie occidentale - qui comprend le Moyen Orient, la Turquie et le Caucase -, où le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies estime que les citadins représenteront 66% de la population d'ici seulement dix ans.
Tous ces facteurs ont des incidences pour le moins stupéfiants. Les villes consomment 75% de la production d'énergie et sont responsables de 80% des émissions de carbone à l'échelle mondiale1. Au-delà de l'impact environnemental, la concentration massive des citoyens dans des poches urbaines rend encore plus difficile l'accès aux soins de santé, à l'éducation, aux services d'assainissement, aux transports, à l'eau et à l'électricité. Rien qu'à Paris, on estime que les automobilistes gaspillent quatre ans de leur vie à la recherche d'un parking. La situation est encore plus tendue dans les pays en développement, où 3 milliards de personnes vivent sans avoir accès aux services de base. Cela ne fait aucun doute sur la nécessité urgente d'un modèle de développement urbain nouveau et durable.
C'est là que la ville intelligente entre en jeu. En investissant dans des capitaux créatifs et sociaux et en incorporant les données numériques et les technologies, la ville intelligente soutient la compétitivité économique, gère efficacement ses ressources et ses infrastructures physiques et intègre les citoyens dans les problématiques de gouvernance. Elle promeut alors un développement urbain, durable et économique tout en garantissant une meilleure qualité de vie pour ses citoyens.
Ainsi, en réponse aux soucis de parkings de leurs citoyens, les villes de San Francisco et de Chicago ont introduit des systèmes de navigation qui permettent d'identifier les places vacantes, réduisant à la fois les embouteillages et les émissions de carbone. Durant la dernière décennie, les initiatives "intelligentes" ont aidé à réduire les taux de criminalité de 20%, à améliorer la consommation d'eau de 80% et à diminuer de moitié la consommation d'énergie. Il n'est donc pas étonnant que de nombreuses conférences sur ce thème se tiennent chaque année de Shanghai en 2010, à Québec en 2013, en passant par Barcelone en 2011.
Néanmoins, le modèle de ville intelligente n'existe pas "en taille unique". Les pays en développement ne font pas face aux mêmes défis que les pays développés. Comme l'explique la Banque Mondiale:
"Plusieurs des besoins des pays en développements concernent l'apport et le maintien d'infrastructures modernes (routes, centrales électriques, usines de traitement de l'eau, égouts, transports collectifs).
Comme cet environnement bâti dure longtemps, mettre en place l'infrastructure adéquate façonne la ville pour les décennies à venir. Planifier une ville avec les bonnes infrastructures, et non pas dupliquer vaguement des pratiques anciennes qui ont souvent été peu rigoureuses, revient à plus s'appuyer sur du factuel et des analyses qui montrent la durabilité avec laquelle les villes peuvent et devraient croître".
En cela, la situation peut sembler inextricable: une croissance durable basée sur des données et des faits avérés est nécessaire à la réduction des inégalités économiques, l'amélioration des taux d'alphabétisation et la création de services et d'infrastructures intégrées et inclusives. Mais ces inégalités économiques, ces faibles taux d'alphabétisation et ce manque d'infrastructures inclusives et connectées sont eux-mêmes des obstacles à cette croissance durable.
De ce point de vue, le Maroc a pu contourner l'obstacle. Durant les cinquante dernières années, le pays a introduit de nombreuses réformes politiques et sociales qui ont servi de base à la croissance économique. Le roi Mohamed VI a poursuivi de manière active une politique de décentralisation, renforçant les pouvoirs des provinces et des municipalités, pour mieux répondre aux besoins économiques, sociaux, culturels et environnementaux de leurs communautés et en encourageant les citoyens à participer activement à la gouvernance locale. Le gouvernement a aussi libéralisé les médias et a fait de l'accès universel aux technologies numériques un objectif, mettant en œuvre, en partenariat avec les institutions bancaires, l'ambitieux projet Maroc Numérique 2013.
Ces mutations politiques et institutionnelles ont déjà commencé à porter leurs fruits sur l'économie marocaine, qui est à son tour de plus en plus attractive pour les investisseurs étrangers et stimule ainsi sa croissance.
Le Maroc travaille actuellement sur plusieurs réformes majeures en matière d'urbanisme, d'énergies propres, de sécurité de l'eau, de développement agricole et de moyens de transports. Le moment est donc venu pour les responsables politiques de préparer des villes intelligentes qui aideront le pays à se moderniser et serviront d'exemple à l'ensemble de l'Afrique du Nord.
C'est donc à point nommé qu'aura lieu en juin 2014 le Premier Sommet International des Villes Intelligentes en Afrique du Nord. Donnant suite à la conférence de 2013 sur les villes intelligentes tenue à l'Institut des Technologies de l'Information et Sociétés (IITS) de Québec, cet événement de deux jours a pour objectif de trouver des solutions innovantes et réalisables à la vie en milieu urbain, en prenant en compte le contexte géopolitique propre à l'Afrique du Nord. Afin d'y parvenir, le Sommet s'est efforcé de mettre en lien des esprits illustres de la communauté internationale, notamment d'Amérique du Nord, avec des responsables politiques influents d'Afrique du Nord, en vue de travailler ensemble sur des problématiques clés telles que les technologies de l'information et des communications (TIC), l'innovation et la durabilité.
"Nous souhaitons apporter l'inspiration, l'expérience et l'encadrement nécessaires qui permettront au Maroc et à l'Afrique du Nord de développer leur propre modèle de Smart Cities".
"Nous estimons qu'il est important de considérer le contexte géopolitique de chaque région et d'engager le citoyen d'abord, de le mettre au centre des décisions, avant d'intégrer une initiative « intelligente » qui, pertinente dans un tout autre contexte, ne trouverait pas nécessairement d'analogue dans un schéma marocain stricto-sensu".
Kenza Kbabra, directrice du sommet
Pour cette première édition, le Sommet traitera des thèmes d'innovation et croissance économique, d'urbanisme et mobilité, de gestion des ressources et infrastructure, d'éducation, d'insertion numérique et de gouvernance. Les observations liminaires seront formulées par Moulay Hafid El Alamy, ministre marocain de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Économie numérique. Des orateurs du monde entier partageront aussi leurs expériences et leurs connaissances approfondies. Parmi eux figurent le renommé Louis A. Zacharilla, membre fondateur de l'Intelligent Community Forum (ICF) à New York, Carlo Ratti, directeur du MIT SENSEable City Lab, Nicole Lacasse, vice-présidente adjointe aux études et aux activités internationales, Université Laval, et Messaddeq Younès, titulaire de la chaire d'excellence en recherche du Canada sur l'innovation en photonique.Une initiative conçue par le Smart Initiatives Group basé à Montréal, le Sommet se tiendra à la prestigieuse Université Al-Akhawayn d'Ifrane les 9 et 10 juin. L'événement a été rendu possible grâce au soutien de plusieurs partenaires canadiens, américains et marocains, notamment l'Institut des Technologies de l'Information et Sociétés (ITIS). La directrice de l'ITIS, Marie-Andrée Doran, est Présidente de la Commission Consultative du Sommet.
Par Abdelhamid Kbabra - Source de l'article Huffpostmagreb
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