Romain Pigenel, cofondateur associé de l’agence d’innovation Futurs.io. © Bruno Fanucchi |
Ancien directeur adjoint du Service d’Information du Gouvernement (SIG),chargé du numérique sous la présidence de François Hollande, Romain Pigenel est cofondateur associé de Futurs.io, une agence d’innovation durable qui accompagne les sociétés dans leur transformation digitale.
Spécialiste de la digitalisation de l’État et de l’information, cet addict au numérique est intervenu en ouverture des Xes Rencontres économiques de l’Institut du Monde Arabe (IMA) qui se sont déroulées le 13 février à Paris, sur le thème de « La transformation digitale du monde arabe ».
Plantant le décor du débat de cette conférence matinale, Romain Pigenel a énuméré sept défis qui se posent aujourd’hui au monde arabe et que celui-ci se doit de relever s’il veut rester dans la course d’une mondialisation efficace, et qui est une source de revenus et de développement pour toutes les sociétés qui réussissent à s’adapter aux progrès technologiques.
Le premier défi – fondamental – est de « passer de la transformation à la production digitale » qui, dans le monde arabe, se fait souvent aux couleurs anglo-saxonnes. Sous-entendu : il faut que le français reprenne ses droits... même dans le secteur des affaires.
"Quand les femmes arabes entreprennent plus que les Américaines"
Le deuxième défi est culturel. « Dans le monde arabe, le milieu de la culture n’est pas propice à la prise de risque », relève d’emblée Romain Pigenel qui souligne cependant – pour s’en réjouir – un élément très positif : « 25 % des stratsups du monde arabe sont fondées par des femmes, alors que la proportion n’est que de 17 % aux États-Unis ». Et les choses bougent. « Aux Émirats Arabes Unis, note-t-il par exemple, une loi novatrice sur la banqueroute des sociétés, qui vient d’être décriminalisée, est désormais beaucoup plus favorable à la prise de risque et à l’entrepreneuriat ».
Le troisième défi à relever, c’est l’inclusion. « Il y a un risque, affirme-t-il en effet, que cette révolution numérique ne profite qu’à une élite riche, “anglo-saxophile” et urbaine », et que cette élite ne parvienne pas à entraîner derrière elle l’ensemble des pays arabes.
« Avoir des contenus adaptés aux besoins des utilisateurs »
Le quatrième défi est tout simplement celui de la connexion Internet. Si « en Afrique du Nord, il n’y a pas de problème d’accès à internet », ce n’est pas le cas dans une bonne partie de l’Afrique sub-saharienne, où le taux d’usage est parfois inférieur à 15 % et où les entreprises ne bénéficient pas souvent d’une data disponible et fiable à un faible coût.
Le cinquième défi du monde arabe, c’est d’« avoir des contenus adaptés en langue arabe et pas seulement en anglais » pour répondre vraiment « aux besoins des utilisateurs » et réussir ainsi la « digitalisation du business ». L’objectif, c’est aussi d’avoir des services publics qui soient plus actifs et présents, par exemple pour la mise à disposition de services en ligne.
Le sixième défi est éducatif. « Il faut bien évidemment, souligne Romain Pigenel, augmenter le taux de connexion dans les écoles et les universités, ainsi que l’interconnexion entre les universités pour accroître le diffusion des connaissances », l’éducation étant sans conteste l’une des priorités pour former les nouvelles générations.
Le septième défi auquel tous les pays du monde arabe restent confrontés, c’est celui de la confiance.
« Il faut créer de la confiance en Internet » pour que les gouvernements puissent s’en servir, tout en évitant les monopoles étatiques et les situations de fait.
« Le monde arabe n’a pas inventé l’Internet, mais le souk », un organisme vivant où tout le monde se parle, et qui en quelque sorte est la préfiguration de l’Internet, observe encore Romain Pigenel avant de conclure, pour lancer les débats : « La culture arabe peut franchir rapidement les étapes de la transformation digitale en cours, et qui va encore s’accélérer ».
Par Bruno FANUCCHI - Source de l'article Africa Presse
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