Sans compter le processus interminable qui lie la Turquie à l’Union Européenne, Ankara est engagée de même dans d’autres organisations internationales. La première a été initiée par José Luis Zapatero et Tahip Erdogan (prononcez «erdohan») , premier ministre et ancien premier ministre d’Espagne et de Turquie.
La deuxième fait suite au processus de Barcelone visant à réunir les deux côtes de la Méditerranée et les membres de l’Union Européenne, lancée par Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la précédente présidence de l’UE, qui était, et cela ne vous aura pas échappé, française ! Ces deux initiatives sont toutes les deux d’inspiration « européenne » mais la Turquie y joue un très grand rôle dans chacune d’entre elles. D’où la question soulevée lors d’un colloque le 11 juillet dernier à l’ENS rue d’Ulm : « Alliance des civilisations ou union pour la méditerranée : deux processus compatibles ou concurrents ? »
Une relation bilatérale mise à mal qui tente de se reconstruire
De nombreux spécialistes ont été amenés à disserter sur ce sujet d’actualité, dans la langue de Molière, de Shakespeare ou celle de Nasrettin Hodja (personnage mythique turc) ! Ainsi, les deux parties qui ont organisé ce colloque (Center for Global Political Trend d'Istanbul Kultur University et le centre de Géostratégie de l’Ecole Normale Supérieure) se sont attelés à redonner des couleurs aux relations houleuses qui existent depuis 2007 entre la Turquie et la France. La France est effectivement vue depuis l'accession de Sarkozy comme hostile à la Turquie, qui le lui rend bien.
De nombreux spécialistes ont été amenés à disserter sur ce sujet d’actualité, dans la langue de Molière, de Shakespeare ou celle de Nasrettin Hodja (personnage mythique turc) ! Ainsi, les deux parties qui ont organisé ce colloque (Center for Global Political Trend d'Istanbul Kultur University et le centre de Géostratégie de l’Ecole Normale Supérieure) se sont attelés à redonner des couleurs aux relations houleuses qui existent depuis 2007 entre la Turquie et la France. La France est effectivement vue depuis l'accession de Sarkozy comme hostile à la Turquie, qui le lui rend bien.
Une question identitaire inévitable
Parmi les nombreux intervenants, Franck Debié, directeur général de la fondation Chirac, ainsi que dirigeant du centre de géostratégie de l'ENS, s’est illustré pour ses capacités d’analyse et de synthèse. Pour cet agrégé de géographie, les relations houleuses entre l’UE et la Turquie s’expliquent par un problème de représentations. Il y a en effet un déficit d’interactions réelles entre les peuples et les économies européennes et turque.
Il faut donc avancer plus rapidement que lors du processus de Barcelone, pour répondre aux défis communs. Parmi ceux-ci, l’intervenant s’est focalisé sur la politisation des identités post-nationales et de l’identité européenne qui pourrit le dialogue entre les deux parties.
Ces politisations qui entraînent des discriminations notamment à l’égard des populations turques immigrées en Allemagne ou en France, troublent le jeu de représentation entre les deux parties (UE et Turquie) puisque ces discriminations sont ressenties aussi en Turquie, du fait de la hausse des interactions médiatiques. La politisation des identités européennes et turco-musulmane appauvrit de fait le contenu des échanges et détruit l’idée d’une civilisation méditerranéenne commune alors que les évidences historiques sont là pour le rappeler.
C’est d’autant plus regrettable puisque l’on assiste à un rattrapage économique sans précédent du côté oriental de la Méditerranée, et l’influence de la Turquie va s’accentuer dans cette zone. Istanbul va en devenir le nouveau centre, comme c’était le cas quelques siècles auparavant.
Ainsi, le conférencier croit disposer de trois instruments pour travailler ensemble et lutter contre ces phénomènes de rejet. L’alliance des civilisations tout d’abord qui entend combattre la crainte de l’Islam et la haine de l’occident, en proposant des garanties réciproques. D’autre part, Franck Debié met en lumière le processus d’européanisation de la Turquie : le pays a en effet fait un choix clair, celui d’un modèle de société qui repose sur le capitalisme et un système politique démocratique.
La Turquie a d’or et déjà fait le choix d’une certaine culture qu’on le veuille ou non. Enfin, l’Union Pour la Méditerranée qui présente de nombreux projets concrets, même si le problème des visas et la question de l’asile doivent faire l’objet de plus d’effort de la part de l’UE pour instaurer une confiance maximale entre les deux rives.
Parmi ceux-là, figurent la dépollution de la Méditerranée, le développement durable, la réorganisation des façades portuaires et la possibilités pour les étudiants du sud d’aller étudier dans les universités du nord. L’UPM, c’est notamment un investissement de 5 millions d’euros par la BEI (banque européenne d’investissement) et de 7 millions par la BCE. Pour mettre à bien ces projets, la Turquie dispose notamment d’un secrétaire général au sein de l’UPM.
Le jeu de miroir
Toujours dans le domaine des représentations, Jean François Bayard, célèbre spécialiste de la Turquie, met en exergue le rôle de l’imaginaire ordinaire et freudien. Ainsi, l’imaginaire constituant des relations franco-turc, relèverait d’un délire constituant aux dimensions fantasmatiques », selon le chercheur.
Toujours dans le domaine des représentations, Jean François Bayard, célèbre spécialiste de la Turquie, met en exergue le rôle de l’imaginaire ordinaire et freudien. Ainsi, l’imaginaire constituant des relations franco-turc, relèverait d’un délire constituant aux dimensions fantasmatiques », selon le chercheur.
On peut le ressentir, lorsque l’on sait que Giscard d’Estaing, qui se prononce contre l’entrée de la Turquie dans l’UE, n’a jamais mis les pieds dans ce pays. Lorsque Nicolas Sarkozy affirme que « la Turquie n’appartient pas géographiquement à l’Europe », cette citation procède de même d’un imaginaire très français. C’est en fait dû à l’image du fantasme hexagonal, consigné à l’école, et le Président de la République reconstitue cet imaginaire au goût terriblement IIIe république.
Un imaginaire à déconstruire
Ainsi, la bataille pour l’adhésion passe par trois points qui ont à voir inévitablement avec cet imaginaire qui perturbe les relations franco-turques. Premièrement, au niveau de l’histoire la Turquie fait partie de l’espace civilisationnel européen. En effet, les historiens de l’Empire ottoman ont démontré que l’Empire a participé à la renaissance occidentale. Cette histoire partagée a encore des ramifications aujourd’hui.
Ainsi, la bataille pour l’adhésion passe par trois points qui ont à voir inévitablement avec cet imaginaire qui perturbe les relations franco-turques. Premièrement, au niveau de l’histoire la Turquie fait partie de l’espace civilisationnel européen. En effet, les historiens de l’Empire ottoman ont démontré que l’Empire a participé à la renaissance occidentale. Cette histoire partagée a encore des ramifications aujourd’hui.
Par exemple, l’affaire ERGENEKON (tentative de coup d’Etat avortée récemment) n’est qu’un phénomène de l’OTAN importée en Turquie. Deuxièmement, cet imaginaire entraîne une certaine ambivalence dans les rapports UE/Turquie. Par exemple, ce pays n’est perçu qu’à travers l’immigration, les crimes d’honneur ou Tarkan le chanteur ? ou Fati Akin ? le célèbre réalisateur du film De L’autre côté.
Enfin, citons deux figures centrales du malentendu franco-turc. Tout d’abord l’image du despotisme oriental qui avait été initiée par les philosophes français (cf Les lettres persanes de Montesquieu) qui, pour échapper à l’absolutisme occidental dénonçaient le despotisme oriental. Or cette « technique » a été prise au sérieux lors des siècles suivants, en l’érigeant en tant que vérité.
Ainsi, le film Midnight Express n’en est qu’un avatar. Enfin, il s’agirait de dissiper l’illusion de la ressemblance entre la laïcité turque et française. Pour le premier cas, il s’agit plus d’une pratique césaro-papiste de l’Etat par rapport au religieux.
C’est à dire que l’Etat encadre la religion islamique, car l’Islam demeure la matrice de la citoyenneté turque. Tandis que pour le second cas, la loi de 1905 assure la stricte séparation entre le pouvoir et le religieux. En conclusion, cette frontière fantasmatique fait de la France "l’autre" de la Turquie et vice versa. Les conceptions ethnico-nationalo-conferssionelles exclusives dans chaque pays font que les dirigeants actuels osent des phrases comme «La France ( ou la Turquie), tu l’aimes ou tu la quitte».
Cependant, d’autres courants de pensée, certainement plus favorables à une intégration de la Turquie dans l’UE existent. Par exemple, et c’est un symbole fort, à l’occasion de la mort d’Hrant Drink (Directeur turco arménien du journal Agos assassiné en 2007) de nombreux citoyens et intellectuels turcs se sont écriés « Nous sommes tous des Arméniens »
Ils sont loin les 35 chapitres de négociation
Le processus de négociation, qui a débuté en octobre 2005, et qui regroupe 35 chapitres afin d'intégrer l'Union Européenne semble effectivement ne pas prendre en compte la question identitaire sous-jacente. En effet, d'après l'intervenant Fuat Keymani, après 50 ans de construction communautaire, l'UE traverse sa crise identitaire de la cinquantaine. «Nous somme arrivés à un moment ou nous devons répondre à cette question: dites moi vos valeurs, et je dirais qui vous êtes".
La Turquie, architecte de l'Alliance des civilisations, et partenaire incontournable de l'Union Pour la Méditerranée, fait un retour en force sur la scène européenne. Son intégration ou non dans l'UE aura un impact énorme et redéfinira de facto l'identité de l'UE, plus que jamais «cet objet constitutionnel non identifié», d'après Jacques delors.
Par Henri Lacour - Paris.cafebabel.com - le 25 juillet 2009
Par Henri Lacour - Paris.cafebabel.com - le 25 juillet 2009
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