L’Union pour la Méditerranée : la Méditerranée en partage

L’idée de créer une « Union pour la Méditerranée », est chère au Président de la République. En plusieurs occasions, notamment avec nos partenaires allemands encore tout récemment à Hanovre et au cours du Conseil européen du jeudi 13 mars, il a été mis en évidence combien la forme de ce projet nécessitait une explication de texte approfondie, afin de ne pas compliquer davantage un empilement déjà dense d’espaces de dialogue, de partenariats, d’associations et de politiques de voisinages solidement ancrés dans l’espace méditerranéen…
Désormais le calendrier semble mieux balisé. Une réunion autour de la vision prospective de ce que seront les grands défis de la Méditerranée à l’horizon 2030 se tiendra à Tanger en mai prochain, préambule au Sommet de Paris, qui se tiendra au Grand Palais, le 13 juillet prochain.
Entre temps, la participation plus « en amont » des 27 Etats membres de l’UE semble actée et l’on évoque désormais une co-présidence paritaire partagée entre représentants des Etats de la rive Nord comme de la rive Sud. Ce co-pilotage va de pair avec une approche très souple quant au secrétariat exécutif qui assurera la mise en place et le suivi effectif des 5 à 6 projets retenus (Plan Horizon 2020 visant à la dépollution de la Méditerranée, Plan solaire méditerranéen, autoroute maritime reliant Tanger à Alexandrie, création d’un espace méditerranéen scientifique et de formation, création d’un centre méditerranéen de protection civile, constitution d’une agence financière spécifique à gouvernance paritaire, la mise en place d’un Office méditerranéen de la Jeunesse, sur le modèle de l’OFAJ existant…).
Outre le changement sémantique autour du projet, l’Appel de Rome, le 20 décembre dernier, à l’initiative des chefs d’Etat et de Gouvernement français, italien et espagnol semble également donner au projet une nouvelle impulsion, apte à rappeler à nos partenaires, notamment les Etats européens non riverains, la complémentarité de cette « union de projets », qui se veut caractérisée par une souplesse d’action et une intelligence pragmatique tant dans son élaboration que sa mise en œuvre.
Il rappelle surtout la vocation de l’UpM de privilégier la coopération entre les 25 pays du pourtour méditerranéen concernés plutôt que de viser à leur intégration.
La première légitimité du projet réside incontestablement dans le besoin de mieux structurer cet espace méditerranéen, fort de 22 Etats riverains (auquel on a coutume d’intégrer la Mauritanie, le Portugal, la Jordanie), à la fois carrefour et passerelle de civilisations, peuples, religions historiquement imbriquées mais non dénouées de facteurs de tensions chroniques et de conflits récurrents.
Cela réside dans des solidarités concrètes et de complémentarités transméditerranéennes, notamment quant aux acteurs financiers et modalités d’action et d’impulsion. Il est ainsi souvent rappelé que la « valeur ajoutée » du projet réside dans les complémentarités transméditerranéennes, notamment pour ce qui est des acteurs économiques et financiers méditerranéens comme périphériques.
Les pays de la rive sud étant déjà liés par leurs appartenances à d’autres organisations transnationales et subrégionales, en premier lieu desquelles l’Union africaine (UA), la Ligue arabe, l’appartenance des Etats musulmans, l’Organisation de Coopération Islamique (OCI), ou encore l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), un des principaux objectifs résidera dans la conciliation de l’UpM avec ces logiques infra-méditerranéennes. Les pays du Maghreb insistent, à cet effet, sur la nécessité de profiter de la nouvelle dynamique en Méditerranée née de ce projet pour renforcer l’Union du Maghreb arabe (UMA, laissé quelque peu « en jachère » depuis 1989).
A cet égard, plusieurs autres exemples de coopération économique et de politiques régionales existent à travers le monde, notamment dans le voisinage immédiat des pays concernés par le projet, à l’instar de la zone de coopération économique de la mer Noire, du Conseil de coopération des Etats du Golfe (CCG) ou encore de la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens.
L’on évoque, d’ailleurs, de plus en plus fréquemment le modèle que pourrait constituer le Conseil des Etats de la mer Baltique, qui permet à l’UE de définir dans ce cadre une politique d’intérêt septentrional. Le parallèle semble pertinent pour le versant méridional…
C’est aussi la sauvegarde de la stabilité et de la paix globale, les conditions d’existence de la sécurité des échanges des biens et des personnes, le développement des intérêts économiques croisés et la gestion des flux migratoires de part et d’autres du bassin qui sont principalement en jeu.La spécificité de chacun des pays concernés devrait ainsi être mise collectivement à contribution pour la stabilité, la sécurité et le développement équilibré de l’ensemble de la région, sur la base d’une perspective stratégique élaborée en premier lieu par les riverains eux-mêmes, et dans le but de sécuriser leur cadre de vie au quotidien.
Tous ces éléments semblent ainsi légitimer le concept innovant de « sécurisation du développement », propre à rappeler qu’il existe de part et d’autres du bassin de nombreux facteurs communs d’insécurités, notamment environnementales, qui vont affecter durablement le cadre de vie méditerranéen.
Ce destin collectif pour la Méditerranée doit ainsi permettre de saisir toutes les opportunités de croissance et de développement, qui accompagnent les exigences de stabilité, de sécurité et de développement économique et humain équilibré, préalable à un développement durable de part et d’autres du bassin.
Forum de Paris - Par Emmanuel Dupuy, le mercredi 19 mars 2008
Emmanuel DUPUY est Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) et membre du GRUM (Groupe de Recherche sur l’Union pour la Méditerranée)
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GRUM (Groupe de Recherche sur l’Union pour la Méditerranée)Pour approfondir le volet sécurité du projet d’Union pour la Méditerranée lancé par le candidat Nicolas Sarkozy à Toulon en février 2007 et largement développé depuis par le président de la République, notamment dans son discours de Tanger (23 octobre) et l’Appel de Rome du 20 décembre dernier, le Centre d’études et de Recherche de l’Ecole militaire (CEREM) a lancé un groupe de recherche sur l’Union méditerranéenne. Ce groupe est animé par Jean Dufourcq (Contre-amiral en 2ème section, ancien de la DEG, du CAP, de l’IHEDN et de la RP.UE) qui a quitté la direction de l’équipe de chercheurs du collège de l’OTAN à Rome pour intégrer le CEREM comme directeur de Recherche. Il est assisté dans cette tâche par Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe - IPSE (www.ipse-eu.org), Alain Ramseyer et Cécile Cahour. Ce groupe rassemble des experts de la Méditerranée parmi lesquels Sébastien Abis, Mustapha Benchenane, Agnès Levallois, Christophe Pipolo, Albert Mallet, Paul Clairet, Antoine Sfeir, Benjamin Stora, Catherine Wihol de Wenden, Jean Vergès, Karim Sader, Yacine Tekfa, Saïda Bedar, Dorothée Schmidt, Rafic Khoury, Sophia Chikirou…

Les travaux conduits doivent permettre de proposer un objectif global de sécurité pour la Méditerranée et d’œuvrer pour la sécurisation du développement, capable d’épauler les autres volets de l’Union pour la Méditerranée. Ces travaux seront suivis par la Revue Défense nationale et Sécurité collective (www.defnat.com) et exposés les 16, 17 et 18 avril au cours d’une conférence qui se déroulera à l’Ecole militaire (document joint) dans la perspective du sommet fondateur de l’UpM du mois des 13 et 14 juillet 2008.

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