Lancé, comme l’on s’en souvient, pendant la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, ce projet a commencé à prendre corps, en octobre 2007, avec la nomination d’un Ambassadeur responsable, Alain Leroy, et la visite officielle du Président de la République au Maroc. Par la suite, le 20 décembre 2007, à Rome, la France a réussi à convaincre l’Italie et l’Espagne de lancer à ses côtés un appel pour une Union qui doit avoir « pour vocation de réunir l’Europe et l’Afrique autour des pays riverains de la Méditerranée et d’instituer un partenariat sur un pied d’égalité entre les pays du pourtour méditerranéen ».
En dépit de ces premiers pas, le projet n’a pas encore convaincu. Si la majorité des pays concernés lui ont réservé un accueil poli, il suscite encore la méfiance ou tout au moins l’indifférence de plusieurs partenaires potentiels. Désormais, le prochain objectif est de réunir les chefs d’Etat ou de gouvernement des pays qui accepteront de s’engager, lors d’un sommet, à Paris, qui devrait se tenir en juillet prochain.
D’ici là, les responsables du projet doivent s’employer à convaincre de la pertinence de la nouvelle Union. Le premier problème posé, en l’occurrence, est un problème d’identification. Partenariat euro-méditerranéen, politique européenne de voisinage, forum méditerranéen, sans parler des multiples réseaux thématiques méditerranéens… il existe déjà de nombreuses institutions en Méditerranée, dont les résultats ont été le plus souvent décevants. Dès lors, pourquoi ajouter cette instance supplémentaire ? Le projet d’Union pour la Méditerranée se présente comme une valeur ajoutée, dont l’objectif est de donner à la coopération dans cette zone un nouvel élan politique, en favorisant la conduite de projets concrets, autour d’un certain nombre d’axes prioritaires (environnement, transports, protection civile, éducation, énergie, traitement des eaux…). L’idée n’est donc pas, à court terme, de créer une nouvelle organisation régionale, mais avant tout de réveiller une coopération méditerranéenne endormie, en se concentrant sur des dossiers qui apparaissent comme des urgences et en « boostant » les investissements. Les responsables du projet font observer notamment qu’alors même que les pays d’Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada) et le Japon réalisent plus de 20% de leurs investissements vers le Sud, les Européens n’investissent que 2% en Méditerranée.
C’est la raison pour laquelle, l’Union pour la Méditerranée s’adresse autant aux acteurs privés qu’aux institutions publiques. En privilégiant l’économique au détriment du politique, la démarche se veut donc très fonctionnaliste et prétend appliquer la méthode « Jean Monnet » à un espace trop longtemps négligé.La dimension politique de l’affaire n’est pourtant pas mineure. Le premier volet de l’aspect politique de ce dossier concerne la place que doivent y tenir l’Union Européenne et ses membres.
Présenté au départ comme ne devant concerner que les pays riverains et trois pays de voisinage immédiat (Portugal, Mauritanie, Jordanie), le projet a inquiété les pays européens du Nord, qui ont craint de se retrouver dans une situation où ils seraient exclus de ce dossier méditerranéen, tout en restant sollicités pour son financement. Pour sa part, l’Union Européenne (notamment des institutions comme la Commission ou le Parlement) y a vu carrément un risque de concurrence à sa politique étrangère (processus de Barcelone et politique de voisinage).
La France a donc travaillé à rassurer les institutions communautaires et les grands pays de l’Union Européenne (en particulier l’Allemagne), en promettant récemment une place à part entière, dans le processus, à l’ensemble des 27 pays de l’Union.La question turque
L’autre volet politique du dossier est bien évidemment la position de la Turquie. Depuis octobre dernier, la France s’est employée à découpler l’Union pour la Méditerranée de la candidature turque à l’Europe, un exercice difficile puisque le projet était surtout apparu, à l’origine, dans le contexte de la campagne des présidentielles françaises, comme une sorte d’alternative à l’adhésion pleine et entière de ce pays à l’Union Européenne.
L’autre volet politique du dossier est bien évidemment la position de la Turquie. Depuis octobre dernier, la France s’est employée à découpler l’Union pour la Méditerranée de la candidature turque à l’Europe, un exercice difficile puisque le projet était surtout apparu, à l’origine, dans le contexte de la campagne des présidentielles françaises, comme une sorte d’alternative à l’adhésion pleine et entière de ce pays à l’Union Européenne.
Depuis, l’Appel de Rome, auquel nous faisions allusion précédemment, a explicitement déclaré que l’Union pour la Méditerranée ne devait pas interférer « dans le processus de négociation en cours entre l’Union Européenne et la Croatie, d’une part, entre l’Union Européenne et la Turquie, d’autre part ».
L’ambassadeur Leroy n’a cessé de réitérer cet engagement, au début du mois de février dernier, lors d’un séjour qu’il a effectué en Turquie, pour convaincre Ankara de s’investir dans le projet et de participer au prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement.
Le problème est aujourd’hui que les Turcs n’ont pas oublié les propos du candidat Sarkozy pendant la campagne présidentielle et qu’ils demandent au Président des gages quant au caractère définitif de la dissociation établie entre l’Union pour la Méditerranée et leur candidature à l’UE.
Le problème est aujourd’hui que les Turcs n’ont pas oublié les propos du candidat Sarkozy pendant la campagne présidentielle et qu’ils demandent au Président des gages quant au caractère définitif de la dissociation établie entre l’Union pour la Méditerranée et leur candidature à l’UE.
S’exprimant le 6 mars 2008, au siège de l’OTAN, à Bruxelles, lors d’une conférence de presse, le Ministre turc des Affaires étrangères, Ali Babacan, qui est chargé du dossier européen, a publiquement souhaité avoir sur le projet méditerranéen des assurances plus fortes que celles qui ont été transmises par les canaux diplomatiques traditionnels. Interrogé sur l’engagement de la Turquie dans le projet et notamment sur la participation de son pays au sommet des chefs d’Etat, Ali Babacan a notamment répondu :
« Nous n’avons pas fermé la porte, mais tout d’abord nous avons besoin de recevoir de la France un solide message de garantie nous prouvant qu’il n’y a pas de lien avec notre candidature à l’Union Européenne. Cet engagement fort doit être formulé au plus haut niveau politique »
Article publié sur le site de l’OViPoT - le 10 mars 2008
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