La première étape de l’après Ben Ali a été franchie avec la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’annonce de la libération de tous les prisonniers d’opinion. Un processus suivi de près par une Europe qui commence à revoir sa politique méditerranéenne.
Trois jour après le départ précipité du président Ben Ali, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé la composition de son gouvernement. Une équipe qui doit assurer la transition avant des élections législatives et présidentielles prévues dans six mois, selon une déclaration du Premier ministre à la chaine Al-Arabiya.
Trois jour après le départ précipité du président Ben Ali, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé la composition de son gouvernement. Une équipe qui doit assurer la transition avant des élections législatives et présidentielles prévues dans six mois, selon une déclaration du Premier ministre à la chaine Al-Arabiya.
Trois membres de l’opposition, tolérée durant l'ère Ben Ali, intègrent le nouveau cabinet, soit Najib Chebbi, chef de file du Parti démocratique progressiste (PDP) qui prend le poste de ministre du Développement régional, Moustapha Ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et la liberté (FDTL), et Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid. Mais huit membres du dernier gouvernement sous Ben Ali ont aussi été reconduits.
Parmi eux le Premier ministre, ainsi que ceux des Affaires étrangères, de l'Intérieur, des Finances et de la Défense. Des nominations suscitant d’emblée la critique parmi ceux qui ne veulent pas de représentants de l’ancien régime dans cette équipe de transition.
«Le Premier ministre n’avait guère de meilleures possibilités pour assurer la transition. C’est un gouvernement par défaut», estime pourtant l’analyste genevois Hasni Abidi. Et le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) de préciser: «Reconduit dans ses fonctions, le ministre de l’Intérieur Ahmed Kriaâ risque bien d’être contesté.
Mais c’est une personnalité indépendante et respectée, nommée par Ben Ali deux jours avant son départ pour précisément tenter de satisfaire les Tunisiens».
Un ami de la Suisse
Quant aux Affaires étrangères, un autre poste clé du gouvernement, il reste aux mains de Kamel Morjane, une personnalité également respectée. «C’est un ami de la Suisse. Une relation forgée lorsqu’il était le numéro 2 du Haut commissariat aux réfugiés», relève au passage Hasni Abidi.
Dans la foulée de l’annonce du gouvernement, le Premier ministre a aussi annoncé la libération de tous les prisonniers d’opinion, une «liberté totale de l'information» et «la levée de l'interdiction» de toutes les organisations non gouvernementales dont la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH).
Mohamed Ghannouchi a également promis que tous les partis politiques qui le demandent seront légalisés. Les heures qui viennent permettront de voir si cette première étape de l’après Ben Ali répond aux fortes attentes des Tunisiens ou s’ils partagent l’avis de l’opposant Moncef Marzouki, qui dénonce une «fausse ouverture».
Un gouvernement contesté
«Je pense que le peuple tunisien ne va pas se laisser faire par cette espèce de mascarade et que très vraisemblablement ce gouvernement devra accepter le verdict du peuple, pour que ce soit un vrai gouvernement d'union nationale, ce qui n'est pas le cas actuellement», a lancé sur une chaîne française le dirigeant du Congrès pour la république, qui vit en exil en France.
Ce qui, après tout, correspond à des prises de position caractéristiques en démocratie, même si le processus en Tunisie n’en est qu’à ses débuts et que les menaces à son encontre sont loin d’être écartées. Mais, selon Hasni Abidi, l’Europe a déjà tout intérêt à redéfinir ses relations avec ses voisins de la rive sud de la Méditerranée.
«Cette question est d’ailleurs à l’ordre du jour de l’Union européenne. Car un constat est en train de s’imposer: la politique de l’Union européenne à l’égard du sud de la Méditerranée est un échec total», souligne le chercheur genevois qui rappelle au passage que sous l’impulsion de la France, l’Union européenne devait octroyer le statut du "pays le plus avancé" à la Tunisie. Un statut uniquement accordé jusqu’ici au Maroc.
L’échec de l’Union pour la Méditerranée
C’est également la France qui a poussé à la création de l’Union pour la Méditerranée, le dernier cadre institutionnel des relations de l’Union européenne avec ses voisins du sud. «C’est une politique improvisée et bricolée par le président français Nicolas Sarkozy», assène Hasni Abidi. Avant de préciser:
«Selon cette approche, il faut mettre de coté les questions qui fâchent, à savoir l’ouverture politique et les droits de l’homme, pour se concentrer sur des projets techniques qui pourraient à terme stabiliser ces pays. Une option vouée à l’échec: ces projets aussi techniques soient-ils ne peuvent en eux-mêmes apporter des améliorations économiques et sociales, sans un partage équitable du pouvoir et des richesses».
L’autre enseignement que peuvent tirer les pays européens des événements en Tunisie, c’est l’absence de revendications qui se réfèrent à l’Islam politique, même si l’intégration du parti islamiste tunisien Ennahdha est un des enjeux importants de l’avenir politique de la Tunisie.
«Là aussi, ce qui s’est passé en Tunisie est un cas d’école. Il permet de confirmer que des initiatives comme le ‘dialogue des civilisations’ masquent les vrais enjeux. Au nom de la spécificité culturelle et des particularismes, les partenaires occidentaux de ce dialogue ont en effet mis la sourdine sur la question de la démocratisation et l’universalité des droits de l’homme.
Or, les manifestants tunisiens n’invoquaient rien d’autre que ces valeurs en réclamant la liberté d’expression, la fin de la corruption et la justice sociale», relève Hasni Abidi.
Par Frédéric Burnand, swissinfo.ch - le 18 janvier 2011
Par Frédéric Burnand, swissinfo.ch - le 18 janvier 2011
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