Comme l’a souligné Paolo Verme dans un précédent billet, les organismes de statistiques des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) commencent à ouvrir l’accès à leurs séries de données brutes (microdonnées).
Si le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS) publie depuis longtemps une grande partie de ses microdonnées, l’Agence centrale égyptienne de mobilisation du public et des statistiques (CAPMAS), la Direction de la statistique au sein du Haut-Commissariat au plan (HCP) marocain, et l’Institut national de la statistique (INS) tunisien ne diffusent que depuis peu une partie de leurs données. Rompant avec leurs anciennes habitudes, ces organismes se sont mis à publier ces informations en ligne ou à les communiquer sur une base bilatérale. Comme Paolo Verme le soulignait, les pouvoirs publics craignaient que ces données soient mal utilisées, et les observateurs extérieurs exprimaient des doutes concernant leur qualité – ces craintes et doutes étaient répandus dans les pays de la région MENA mais aussi ailleurs dans le monde.
À présent que des évaluations indépendantes sont possibles, les microdonnées récemment publiées dans la région se révèlent de qualité globalement bonne, et conforme aux standards internationaux. Leur disponibilité aura des effets bénéfiques pour les pays concernés : dans le monde entier, les chercheurs pourront traiter ces données et en tirer des informations utiles aux responsables politiques. Le chemin menant à l’accessibilité totale aux microdonnées reste cependant long et difficile. Le processus a néanmoins été enclenché, ce qui témoigne d’un changement fondamental en matière d'orientation de la gouvernance et de l’attitude vis-à-vis de la transparence – précisément le changement demandé par les rues du Caire, de Sanaa ou de Tunis depuis 2010.
Afin d'appuyer ce changement, un groupe d'organisations internationales actives dans le domaine de la statistique (l’Organisation internationale du travail, le Réseau d’enquêtes auprès des ménages/IHSN-Paris21, la Commission économique des Nations Unies pour l’Asie de l’Ouest et différentes entités du Groupe Banque mondiale, à savoir les réseauxDéveloppement humain et Lutte contre la pauvreté et gestion économique, ainsi que leGroupe chargé des données au sein du département Économie du développement) s’est associé à des pays innovants (organismes statistiques, ministères régaliens et utilisateurs des données – en Égypte, au Koweït, au Maroc, dans les Territoires palestiniens et en Tunisie) afin de nouer un partenariat sans précédent visant à améliorer les données et l'accès à celles-ci. Baptisée DIQA (« précision » en arabe), cette initiative a été lancée au Centre pour l’intégration en Méditerranée (CMI) à Marseille (France).
Plateforme collaborative dédiée à la région MENA, le CMI rassemble acteurs internationaux, États membres et parties prenantes. Le Centre a fortement soutenu DIQA depuis sa genèse. Réaffirmant l’importance de l’accès aux données pour les processus de transformation à l’œuvre dans la région, Shanta Devarajan, économiste en chef pour la Région MENA à la Banque mondiale, a également encouragé les participants à l’atelier de lancement à persévérer dans la voie de la transparence.
Cet atelier avait pour principal objectif de définir une feuille de route pour DIQA pendant l’année prochaine, période de financement du projet. Organisations internationales et partenaires ont décidé de se concentrer sur trois thèmes fondamentaux : i) l’accessibilité, ii) la visibilité et iii) l’harmonisation des microdonnées sur l’emploi et le bien-être. En effet, l’accessibilité et la visibilité vont de pair : il faudra non seulement rendre les données plus accessibles, mais aussi s’efforcer de sensibiliser les citoyens à leur droit de consulter les données publiées.
Pour ce faire, un travail en amont devra être réalisé avec les organismes de statistiques afin d'améliorer leurs stratégies de communication et d’action (et notamment leurs sites internet), ainsi qu’en aval avec les utilisateurs des données, de façon à mieux cerner leurs besoins et les difficultés qu'ils pourraient rencontrer avec les données. L’harmonisation facilitera les analyses multi-pays, ce qui permettra des comparaisons reposant sur des éléments factuels entre pays participants. Les organisations internationales, et les partenaires, coopèreront afin d'apporter une assistance technique ponctuelle et d'organiser des ateliers visant à renforcer des capacités ciblées ; afin de favoriser les échanges et l’apprentissage par les pairs au sein de la région MENA ; ainsi que de mobiliser des financements destinés à compléter les (maigres) ressources existantes.
Ne manquez pas les prochains épisodes de la révolution silencieuse des données : DIQA ne s’arrêtera pas là et contribuera à plus d'accès aux microdonnées en région MENA !
Par Sebastian Trenner - Source de l'article menablog.banquemondiale.org.
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