« Langues et méditerranéité : Conjonction-disjonction ». Voilà une problématique qui s’impose d’elle-même pour faire verdir les racines de la création et de la pensée face au mur de la haine et des intégrismes qu’ils soient au sud ou au nord de la Méditerranée.
La conjonction des langues et de la méditerranéité, c’est la reconstitution permanente de ce que l’on devient par les mots aux couleurs de la Méditerranée. C’est aussi le dépassement critique de tous les dogmatiques de l’achèvement, du repli sur soi et de toutes prétentions à l’immuable. Toutes les langues méditerranéennes sont porteuses d’idéaux, de valeurs et de visions du monde.
Elles convergent toutes pour exprimer le désir d’une Méditerranée autre. Et pour exprimer le sentiment d’appartenance de ceux qui les parlent non pas seulement géographique, mais aussi et surtout humain à cette aire géopolitique où s’entremêlent les cultures et se fécondent mutuellement. La méditerranéité débouche sur une perception de la Méditerranée non comme héritage préservé, mais comme œuvre des hommes, quotidienne, objet de luttes, de création et de pensée, inséparablement.
Vecteur de modernité, de connaissance et d’universel, la méditerranéité conduit à éviter toute clôture à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des sociétés méditerranéennes, et, positivement, d’instaurer l’homme méditerranéen dans une relation universelle. La conjonction des langues et de la méditerranéité et leur interaction positive à travers le soi-même et l’autre auront pour effet culturel le dépassement d’une ipséité opposée à toute intrusion d’éléments extérieurs. Les trente chercheurs qui ont pris part, du 21 au 23 novembre courant à Tunis, au colloque international sur les langues et la méditerranéité ont engagé un questionnement intellectuel fondateur pour la mise en mouvement de nombreux chantiers de recherche et de coopération entre les universités méditerranéennes.
C’est de cette façon que l’université tunisienne contribue à tailler des brèches dans la tristesse et dans l’inquiétude causées par les chantres de la mort et à porter le message d’une Tunisie ouverte et attachée aux idéaux de la modernité. L’idée-force qui se dégage de cette rencontre scientifique est que, dans ou malgré leurs diversités, les langues et les imaginaires de la Méditerranée ne s’opposent pas sur le fond, mais qu’ils sont les diverses manifestations de l’universel humain. Toutes les langues et les cultures de la Méditerranée nourrissent mutuellement la polyphonie méditerranéenne.
Elles s’articulent les unes sur les autres. C’est pourquoi, la méditerranéité est synonyme de lutte contre toutes les hégémonies: d’une langue sur l’autre, d’une société sur d’autres. D’un sexe sur l’autre. La conjonction des langues et de la méditerranité est devenue de l’ordre de ces enjeux eux-mêmes, fin et moyen tout à la fois, participant à la constitution d’une culture méditerranéenne ouverte s’attaquant sans merci aux vérités les plus exclusives.
Tels sont les enjeux de la méditerranéité, pour peu que les créateurs, les intellectuels et les chercheurs s’en emparent pour transgresser les frontières, non seulement des pays méditerranéens, mais aussi des disciplines à partir desquelles ils posent les questions qui engagent la région de la Méditerranée. Le projet sociétal tunisien à mettre en mouvement dans la Tunisie de l’après 14 janvier 2011 n’aura son sens et sa consistance que lorsque l’élite politique aura sauvegardé la dimension méditerranéenne de la tunisianité dans la nouvelle Constitution qui peine à voir le jour. Une utopie ?
Par Omar Ben Gamra - Source de l'article Tunivisions
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