S'il est un pays, dans le marasme de l'après-« printemps arabe », qui inspirait confiance et espoir, c'est la Tunisie. C'est d'ailleurs de Tunisie, rappelons-le, qu'est partie, en décembre 2010, cette grande révolte populaire contre les dictateurs et autocrates de la région. Le président Zine El-Abidine Ben Ali fut le premier à tomber, le 14 janvier 2011.
Pour ce nouveau départ, la Tunisie ne manquait pas d'atouts. Une population jouissant d'un bon niveau d'éducation, aspirant à la démocratie et à la liberté, et où le rôle des femmes était reconnu. Une armée qui, contrairement aux militaires égyptiens, n'a pas de tradition de prise de pouvoir et ne devrait pas céder à la tentation putschiste. Des islamistes prêts au dialogue. Un paradis touristique, doté d'une infrastructure attrayante. « Vous avez l'obligation de réussir, a lancé le président Hollande à Tunis en juillet. Votre réussite est majeure pour le monde arabe. »
Hélas, les difficultés politiques se sont multipliées cette année, paralysant les travaux de l'Assemblée constituante et minant la transition démocratique. L'assassinat, le 25 juillet, du député Mohamed Brahimi, après celui d'un autre opposant en février, a plongé la Tunisie dans une crise profonde.
Les islamistes d'Ennahda au pouvoir poursuivent avec l'opposition un « dialogue national » censé aboutir à la formation d'un gouvernement provisoire et à la tenue de nouvelles élections pour trouver une issue au blocage. Mais ce dialogue se déroule dans un climat sécuritaire très tendu, en raison d'attaques répétées, attribuées à des groupes djihadistes, contre des policiers et des gendarmes.
Mercredi 30 octobre, la violence a franchi un nouveau seuil avec l'attentat-suicide perpétré en pleine zone touristique à Sousse, par un jeune homme qui s'est faitexploser. C'est le premier attentat de ce type en Tunisie et, même s'il n'a pas fait d'autre victime que son auteur, il constitue un avertissement de très mauvais augure dans un pays dont l'économie dépend si fortement du tourisme.
Ces tensions sont sans doute inévitables dans un processus révolutionnaire, auquel s'ajoutent un contexte régional explosif et la composante terroriste islamiste. Mais la Tunisie est affligée d'une autre problème, celui de la faiblesse de sa classe politique, incapable de prendre conscience de la hauteur de l'enjeu et dedépasser ses petites querelles pour faire progresser la transition démocratique.
Abandonner la Tunisie à ses difficultés, aussi frustrantes soient-elles, serait une grave erreur. D'abord, parce que l'échec, ou même l'enlisement, seraient un signal désastreux pour l'ensemble des démocrates du monde arabo-musulman ; a contrario, la réussite ne pourrait avoir qu'un effet positif. Ensuite, parce que ce petit pays, si près de nous, de l'autre côté de la Méditerranée, ne doit pas devenir une nouvelle source d'exode et de tragédies comme Lampedusa en a offert autant ces dernière semaines.
Plus qu'en Egypte, l'Union européenne a un vrai rôle à jouer en Tunisie. Aider les Tunisiens à se relever et à bâtir l'avenir n'est pas seulement de leur intérêt, il est aussi du nôtre.
Source de l'article Le Monde
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