Le cas du Maroc constitue le noyau dur du rapport de la commission des affaires européennes au Sénat français sur la politique méditerranéenne de l’Union européenne après le Printemps arabe. Une bonne partie de ce document a été consacrée, en effet, au Royaume et à ses relations avec l’UE.
Le document souligne que le Maroc est aujourd’hui le premier pays bénéficiaire des crédits accordés dans le cadre du volet méditerranéen de la politique européenne de voisinage. Et qu’il dispose de fait d’une «position singulière». «Les relations entre le Royaume et le Vieux Continent sont plus denses que celles nouées par ses voisins de la Rive-Sud de la Méditerranée, voire que celles mises en place par certains pays du Partenariat oriental, à l’image de l’Arménie», lit-on dans le document élaboré par les sénateurs français.
Le rapport rappelle par ailleurs que le Statut avancé vient reconnaître la singularité des relations qu’entretiennent les deux parties. «Il répond aussi à une demande de la part du Maroc pour se distinguer des autres pays de la Rive-Sud, qu’il estime moins en pointe», dit le rapport, ajoutant que le Statut avancé «a également permis de mettre en place une réelle concertation sur les questions de défense et de sécurité. Le dialogue bilatéral dans ce domaine porte notamment sur la question de l’insécurité au Sahel ou la guerre civile en Syrie». Mieux encore, l’Union européenne et le Maroc ont également décidé de travailler ensemble à la préparation d’un accord-cadre sur la participation du Royaume aux missions civiles et militaires européennes de gestion de crise.
La convergence réglementaire a été également évoquée dans le rapport des sénateurs français qui estiment que l’adaptation complète de la législation marocaine à la norme communautaire «est tout à la fois inédite, vaste et complexe». C’est dire toute la difficulté de ce chantier et le temps nécessaire pour sa réalisation. Les jumelages institutionnels constituent avec l’assistance technique et l’échange d’expertise financés par l’Union européenne le moyen d’intervention privilégié en vue de mettre en œuvre la convergence réglementaire. Le rapport indique ainsi que depuis 2005, 30 contrats de jumelage ont été signés par des institutions marocaines. Plusieurs secteurs sont concernés : finances publiques, commerce, énergie, recherche, propriété intellectuelle, sécurité routière, aviation civile, pêche, emploi et formation professionnelle. La France est intervenue dans plus des trois quarts des jumelages.
La situation politique et socioéconomique au Maroc après le Printemps a été analysée également par les sénateurs français qui estiment que, «la donne politique n’a aucune conséquence sur le Statut avancé, qui bénéficie d'un consensus au sein du pays». Toutefois, ils considèrent que l’UE doit prendre en compte, dans ses négociations avec le Maroc, deux paramètres : les difficultés économiques et sociales qui peuvent impacter les échanges autour de l'Accord de libre-échange complet et accompli et la question du Sahara «qui n'est pas sans conséquence sur le souhait européen de favoriser l'unification économique du Maghreb».
Concernant les défis sociaux, le rapport des sénateurs français estime qu’ils sont susceptibles «d’affecter à terme la dynamique dans laquelle le Maroc semble s'être placé». Il relève ainsi les disparités entre les populations du milieu urbain et celles du monde rural, subissant la pauvreté et l’analphabétisme. «Il s’agit d’un élément à ne pas mésestimer», note le rapport tout en mettant en relief «la modernisation économique accélérée de la région de Tanger». L’éducation n’est pas en reste. «Une politique éducative ambitieuse apparaît comme une priorité». Celle-ci devrait notamment répondre à trois défis, à savoir la prévalence de situations de rentes et l'insuffisante valorisation de la méritocratie, le faible taux d'activités des femmes qui atteint à peine 25% et l'insuffisance de la formation professionnelle.
S’agissant du dossier du Sahara marocain, les sénateurs français soulignent qu’il s’agit d’une question qui continue de peser sur le partenariat avec l’UE. À cela s’ajoute son impact indéniable sur l’Union du Maghreb arabe. «Il n'en demeure pas moins que ce problème fragilise directement l'Union du Maghreb arabe. Si l'Union européenne entend agir en faveur d'un Maghreb unifié au moins économiquement, elle ne pourra ignorer cette question», pour reprendre l’expression utilisée dans ledit rapport dont les rédacteurs sont conscients des bienfaits de l’unification de la zone maghrébine, notamment pour l’accès aux marchés africains.
La nouvelle politique méditerranéenne appelée à s’adapter à la réalité de chaque pays
Le rapport du Sénat français révèle clairement que «la politique méditerranéenne de l’UE a été profondément bouleversée par le Printemps arabe». Et pour cause, «l’UE s’est concentrée, jusque-là, sur les aspects commerciaux ou le lancement de grands projets. Elle n'a pas anticipé les profondes mutations sociopolitiques qui ont conduit à l'explosion de janvier 2011». Selon ce document, «la réaction de l’UE a cependant été efficace avec le développement de nouveaux instruments financiers et la mise en œuvre de programmes destinés à consolider les réformes démocratiques».
Les rédacteurs du rapport estiment que «la nouvelle politique méditerranéenne devra être affinée et adaptée à chacun des pays qui peuplent la Rive-Sud, tant il serait inopportun d'appréhender la zone comme un bloc». Ils ont également mis l’accent sur le caractère distinctif des processus de transition démocratique de ces pays et qui appellent des réponses ciblées». Quant au volet économique, le rapport attire l’attention sur la nécessité de bien évaluer les économies des pays de la Rive-Sud, notamment à la lumière du souhait de l’UE d’instaurer définitivement une zone de libre-échange couvrant tout le bassin méditerranéen. Ainsi, le rapport estime qu’il est judicieux pour l’UE de «poursuivre son action en faveur du développement politique, économique et social de la région à travers des formules innovantes, à l'instar du Statut avancé mis en œuvre avec le Maroc».
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