Sécurité alimentaire - Riposte collective face à la pénurie d’eau

«La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires», dit un proverbe français. De même, la gestion de l’eau est une chose trop sérieuse pour être confiée seuls aux agronomes ou hydrauliciens. 

Voilà le principal message de «L’Initiative régionale pour faire face à la pénurie d’eau dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord (MENA)», lancée dernièrement par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), lors d’un atelier de consultation, organisé à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat.

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Ce projet interdisciplinaire et fédérant à l’échelle nationale tous les acteurs de l’eau et qui concerne six pays pilotes (Maroc, Tunisie, Égypte, Jordanie, Yémen et Oman) est initié en partenariat avec le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime, le ministère délégué auprès du ministre de l’Énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement ainsi que le Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD). 
Pour les organisateurs, «l’initiative régionale sur la rareté de l’eau vient soutenir les pays membres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en vue d’identifier les domaines d’action prioritaires dans la gestion de l’eau dans le domaine agricole qui peuvent contribuer sensiblement à accroître la productivité agricole, améliorer la sécurité alimentaire et utiliser durablement les ressources en eau.»

Pour Jean-Marc Faurès de la division des terres et des eaux de la FAO, «cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une série de rencontres qui se dérouleront dans les six pays pilotes. La région Mena soufre d’un déficit alimentaire et la gestion de l’eau devient centrale. Quelque 80% des prélèvements d’eau vont à l’agriculture.»
Abderrahim Houmy, secrétaire général du HCEFLCD, ne dit pas le contraire. «Les ressources en eau se font rares et la demande ne cesse d’augmenter dans la région méditerranéenne. La rive Sud ne dispose que de 6% des ressources en eau de la région. À l’avenir, nous devons assurer une production agricole durable dans un contexte de pénurie d’eau.»


Trois méthodes d'évaluation

L’objectif de cette initiative de la FAO est de procéder à une évaluation nationale en utilisant trois méthodes d’évaluation novatrices pour analyser les coûts associés à l’approvisionnement alimentaire national, en fonction de la disponibilité et de l’utilisation des ressources en eau. Primo, une comptabilité rapide de l'eau qui passera en revue les ressources en eau du pays, les possibilités pour l’amélioration de l’utilisation efficace de l'eau dans l'agriculture, combinée à une révision de la politique et de l’environnement institutionnel qui soutiennent la gestion des ressources en eau. Secundo, une approche de la courbe des coûts de l'approvisionnement alimentaire qui analyse les options nationales d'approvisionnement alimentaire et examine les options de gestion de l'eau agricole en termes de coûts et d'avantages attendus. Tertio, une analyse de l’écart des connaissances, en se concentrant sur les conclusions fondées sur des preuves, des causes des succès ou des échecs des politiques, stratégies et programmes antérieurs relatifs à la gestion de l'eau pour l'agriculture.
Pendant que les experts se penchent pour apporter des solutions à la pénurie d’eau au Maroc qui se profile à l’horizon 2020 selon le Plan bleu, les fossoyeurs de l’environnement continuent leur besogne.
L’irrigation via le goutte-à-goutte dans des zones côtières a aussi fait des dégâts. La réduction des nappes phréatiques a favorisé l’avancée des eaux marines souterraines entraînant une salinisation des sols. Une situation qui a poussé plusieurs villageois à quitter leurs terres. Ce spectacle qui s’est déroulé dans la région d’El-Jadida devrait se renouveler dans la région de «Mnasra» près de Moulay Bouselham et dans les plaines du Haouz et de Saïz. «Depuis 30 ans, l’agriculture marocaine s’est orientée vers l’exploitation des eaux souterraines tandis que l’alimentation des nappes phréatiques n’a pas suivi. Si les exploitants agricoles continuent dans ce rythme, la nappe phréatique de la région d’El Haouz va être épuisée dans les dix ans à venir. Il ne faut pas insister sur la productivité, mais il faut voir ce que ce mode de production engendre comme dégâts environnementaux», a indiqué Christine Werner, experte de la coopération technique allemande (GIZ) au programme d’appui à la gestion intégrée des ressources en eau (AGIRE) au Maroc.

Les conclusions et recommandations de cette initiative régionale seront présentées à la 32e Conférence régionale de la FAO pour le Proche-Orient en février 2014. «Notre initiative s’inscrit dans le nouveau Cadre stratégique de la FAO, spécialement l’objectif stratégique 2 à savoir “Intensifier et améliorer l’apport de bien et de services issus de l’agriculture, de la foresterie et des pêches”. Elle répond au premier défi identifié à la 31e Conférence régionale de la FAO pour le Proche-Orient tenue à Rome en 2012 pour identifier les domaines d’action prioritaires pour la gestion de l’eau dans le domaine agricole qui peuvent améliorer la sécurité alimentaire et utiliser durablement les ressources en eau», a indiqué Michael George Hage, représentant de la FAO au Maroc. Et d’ajouter : «Je lance un appel aux cadres ici présents à cet atelier de consultation pour s’inscrire auprès de points focaux nationaux et faire partie du groupe marocain qui sera chargé de finaliser le rapport national de cette initiative.» 


Renforcement des institutions locales

«La pénurie d’eau augmente les conflits entre utilisateurs, ainsi que les possibilités de répercussions négatives sur les groupes sociaux vulnérables et l’environnement. L’importance croissante de la gestion de la demande exige des institutions plus fortes pour garantir une distribution équitable des bénéfices et le maintien des services environnementaux. Plus la pénurie d’eau se fait sentir, plus il devient important de mieux définir les rôles et les responsabilités, de donner de pouvoir aux institutions locales, de réviser les politiques, d’adapter les lois et d’utiliser judicieusement des dispositifs d’incitations», indique le rapport de la FAO sur l’eau «Faire face à la pénurie d’eau».
Les auteurs de ce rapport ajoutent que «dans la plupart des cas, la principale manière de gérer la demande en eau de l’agriculture consiste à augmenter la productivité agricole par rapport à l’eau. L’augmentation du rendement des cultures est la plus importante source d’augmentation de la productivité de l’eau en agriculture. L’augmentation des rendements est réalisable par l’association d’une meilleure maîtrise des eaux avec une gestion améliorée des terres et de meilleures pratiques agronomiques.»

par Rachid Tarik - Source de l'article Le Matin

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