L'Union pour la Méditerranée manque le train de l'histoire

Cette polémique sur les propos tenus par Michèle Alliot-Marie proposant une coopération policière entre la France et la Tunisie à la veille du départ de Zine El-Abidine Ben Ali est une terrible illustration des errements stratégiques de la politique extérieure française et signe le deuil de l'ambition euroméditerranéenne du chef de l'Etat. Depuis le lancement en grande pompe de l'Union pour la Méditerranée (UPM), en juillet 2008, Nicolas Sarkozy s'est, en effet, constamment pris les pieds entre diplomatie, enjeux économiques et droits fondamentaux, décrédibilisant un peu plus le rôle revendiqué par la France dans cette région.
Il faut dire qu'en rassemblant, sans distinction aucune, l'ensemble des dirigeants de la Méditerranée pour amorcer une nouvelle forme de coopération euroméditerranéenne, Nicolas Sarkozy s'était déjà mis à rebours de l'histoire. Par cette initiative, non seulement il tournait le dos au processus de Barcelone, qui fixait, lui, des exigences en matière de droits fondamentaux, mais il se mettait aussi à revers des aspirations démocratiques croissantes des peuples de la Méditerranée. A propos de la création de cette UPM, l'opposant tunisien Moncef Marzouki rappelait avec raison que l'entrée de l'Espagne ou du Portugal dans l'Union européenne n'aurait pu se faire avec des hommes tels que Franco ou Salazar.
Près de trois ans plus tard, l'UPM s'embourbe dans cet étrange attelage mêlant démocraties occidentales et régimes autoritaires. Son bilan se résume à une succession de séminaires et d'études visant à renforcer la convergence économique des deux rives de la Méditerranée. Et le prochain sommet des chefs d'Etat a encore été reporté à une date inconnue. Quant à la France, elle n'a cessé de patauger, contenant ses ambitions entre exigence de stabilité et lutte contre le terrorisme.
Pourtant, l'intuition française d'une ouverture de l'Europe au Sud pouvait être le moteur d'une dynamique régionale face à l'émergence de nouvelles puissances mondiales. Car, comme l'écrivait dès 2004 Dominique Strauss-Kahn dans son rapport remis au président de la Commission européenne Romano Prodi : "Personne ne peut croire que l'instituteur qui, dans cinquante ans, montrera à ses élèves les grandes cohérences de la planète (…) trouvera un crayon assez fin pour séparer les deux rives du détroit de Gibraltar ou du Bosphore et délimiter ainsi l'Union européenne."

Aspirations démocratiques
Mais si tout concourt aujourd'hui à rapprocher au Sud deux rives encore distantes, encore faut-il poser les principes sur lesquels construire une communauté ayant la Méditerranée comme mer intérieure. Pas plus que Zine El-Abidine Ben Ali, Bachar Al-Assad, Kadhafi ou Hosni Moubarak ne pourront être les moteurs d'une communauté de destin, qui ne peut que s'inscrire dans l'Etat de droit pour devenir légitime.
A l'heure où les aspirations démocratiques se font entendre dans de nombreux pays du Maghreb, c'est bien vers les sociétés civiles qu'il faut rechercher les acteurs de l'alliance euroméditerranéenne. C'est ce qu'ont bien compris de nombreuses organisations d'Europe et du Maghreb qui n'ont de cesse de construire des ponts entre leurs militants respectifs. C'est aujourd'hui ce que refusent de comprendre Nicolas Sarkozy et son gouvernement.
Par Maxime des Gayets, membre des instances nationales du Parti socialiste
Article paru dans l'édition du Monde.fr du 02 février 11

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