Soutien de l’Union européenne aux transitions au Sud de la Méditerranée

= Lettre cosignée par Michèle Alliot-Marie et cinq de ses homologues européens adressée à la Haute
Représentante
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Non-papier : Action de l’Union européenne en direction du voisinage Sud

Michèle Alliot-Marie a participé hier soir à une conférence téléphonique sur la réponse que l’Union européenne doit apporter au processus de transition au Sud de la Méditerranée, en particulier en Tunisie et en Egypte. Y participaient également le Commissaire européen en charge de la politique européenne de voisinage, Stefan Füle, le Ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, ainsi que les ministères espagnol et grec des Affaires étrangères.

Michèle Alliot-Marie a demandé que l’Union européenne procède à une refondation de sa politique de voisinage, pour disposer de moyens politiques et financiers pour accompagner et répondre globalement aux transitions en cours au Sud de la Méditerranée.

Dans ce contexte, l’Union européenne doit accorder une priorité politique claire pour disposer de moyens dans sa politique de voisinage avec la Méditerranée. Dans ce contexte, l’Union européenne doit renforcer ses financements en faveur des projets concrets de l’Union pour la Méditerranée : fonds d’appui aux PME, plan solaire méditerranéen, protection civile, enseignement supérieur et la formation professionnelle, etc afin que l’action de l’Union européenne puisse être très rapidement visible concrètement sur le terrain, en Tunisie et en Egypte, pour soutenir la transition démocratique. Le déplacement en Tunisie de Christine Lagarde et Laurent Wauquiez le 22 février constituera la première illustration dans ce sens.

L’Union européenne se doit d’agir dans le respect de la volonté exprimée par les peuples tunisien et égyptien, en proposant des solutions différenciées et adaptée aux priorités exposées par chaque partenaire du Sud le la Méditerranée. Les réponses de l’Union européenne devront bien sûr se concentrer sur l’appui à la démocratie, à la relance de l’économie et au partage équitable des fruits de la croissance, aux réformes sociales et au soutien à la société civile, sans oublier le soutien à l’investissement et le dialogue sur les migrations. Michèle Alliot-Marie a rappelé la volonté de la France de voir accélérer les discussions pour accorder à la Tunisie un statut avancé avec l’Union européenne, comme elle l’avait déjà demandé lors du dernier CAE du 31 janvier.

En vue du Conseil des Affaires étrangères qui se réunira les 20 et 21 février à Bruxelles, la France a adressé hier, à l’initiative de Michèle Alliot-Marie, une lettre avec des propositions concrètes à Catherine Ashton, la Haute Représentante de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité, exposant notre vision de l’action de l’Union européenne pour accompagner ces transitions en cours au Sud de la méditerranée.

Cette lettre française a été co-signée par les ministres des Affaires étrangères de l’Espagne, de la Grèce, de Malte, de Chypre et de la Slovénie.

Enfin Michèle Alliot-Marie a évoqué avec les participants les questions des nouvelles arrivées de migrants dans le contexte des récents événements comme vient de le connaître l’Italie.

Lettre cosignée par Michèle Alliot-Marie et cinq de ses homologues européens adressée à la Haute Représentante
Madame le Haut Représentant,
Comme le Conseil européen l’a souligné dans ses conclusions du 4 février, le profond mouvement populaire appelant aux réformes politiques, économiques et sociales en Tunisie et en Egypte plaide en faveur d’un renforcement de l’action de l’Union européenne en direction du voisinage Sud.
Le Conseil européen vous a invité, ainsi que la Commission, à préparer un ensemble de mesures visant à apporter le soutien de l’Union européenne aux processus de transition et de transformation dans la région. Nous souhaitons adapter dans les plus brefs délais, les instruments de l’Union européenne à cette nouvelle donne. A cet égard, la politique européenne de voisinage et l’Union pour la Méditerranée doivent être pleinement utilisées, de façon complémentaire, afin de permettre à l’Union européenne d’accompagner la transition et les réformes en cours dans la région.
Le dîner consacré à la situation dans le voisinage Sud, que vous avez souhaité organiser le 20 février, et le Conseil des Affaires étrangères du 21 février, seront l’occasion de réfléchir aux mesures et actions concrètes que l’Union européenne doit adopter.
Dans cette perspective, vous voudrez bien trouver ci-joint un non-papier que nous avons élaboré conjointement, pour alimenter notre réflexion commune.
Nous vous prions de croire, Madame le Haut Représentant, à l’assurance de notre considération distinguée.
Michèle Alliot-Marie
Dimitris Droutsas
Markos Kyprianou
Tonio Borg
Trinidad Jiminez
Samuel Zbogar

Non-papier : Action de l’Union européenne en direction du voisinage Sud
Au regard des évolutions en cours dans le voisinage Sud, le Conseil européen a marqué, dans ses conclusions du 4 février 2011, que « l’Union européenne est déterminée à apporter un appui sans réserve aux processus de transition conduisant à la gouvernance démocratique, au pluralisme, à de meilleures perspectives de prospérité économique et d’inclusion sociale ainsi qu’au renforcement de la stabilité régionale ».
Il a souligné son plein engagement en faveur d’un « nouveau partenariat impliquant un soutien plus efficace à l’avenir aux pays qui poursuivent des réformes politiques et économiques, y compris dans le cadre de la Politique européenne de voisinage et de l’Union pour la Méditerranée ».
Le Conseil européen a, dans ce contexte, invité la Haute représentante à préparer un « ensemble de mesures visant à apporter le soutien de l’Union européenne aux processus de transition et de transformation (renforcement des institutions démocratiques, promotion de la gouvernance économique et de la justice sociale, assistance en vue de la tenue d’élections libres et régulières) et à établir un lien plus étroit entre ces objectifs et la Politique européenne de voisinage et l’Union pour la Méditerranée ».
Le Conseil européen a par ailleurs invité la Haute Représentante et la Commission à « adapter, dans les plus brefs délais, les instruments de l’Union européenne » et à « proposer des mesures et des projets pour stimuler la coopération, les échanges et les investissements dans la région, dans le but de favoriser le développement économique et social ».
On trouvera ci-dessous des pistes d’action prioritaires destinées à nourrir le travail en cours.
I. Renforcer le volet méditerranéen de la Politique européenne de voisinage
1. Mieux utiliser le cadre général de la Politique européenne de voisinage
La Politique européenne de voisinage (PEV) est une politique qui n’a d’équivalent sur aucun autre continent. L’Union européenne propose à tous ses voisins, de l’Est comme du Sud, un même projet visant à la stabilité et à la prospérité partagée. L’unicité de la PEV est donc un élément essentiel en ce qu’elle garantit à tous les Etats du pourtour européen une même possibilité de rapprochement avec l’Union européenne.
Mais unicité ne signifie pas uniformité. Il convient de prévoir une plus grande différenciation des partenariats et, donc, des allocations entre les pays, fondée sur les attentes mais aussi les avancées des Etats partenaires dans le sens des valeurs de l’UE et des principes de la PEV.
La PEV doit également faire preuve de flexibilité. Nous avons tout intérêt à avoir des instruments dont l’utilisation soit flexible, qui nous permettent d’adapter nos actions en fonction de l’évolution des situations et qui puissent faire l’objet de revues rapides et substantielles. Cela implique également par exemple, la possibilité d’une programmation partielle des enveloppes pour une meilleure réaction aux développements de l’actualité.

2. Réévaluer l’offre européenne vis-à-vis des partenaires du Sud
a) L’Union européenne doit proposer à chacun des partenaires du Sud une offre globale et différenciée, qui combine :
- une aide à la transformation des modèles politiques, économiques et sociaux des pays du Sud, ainsi qu’à la réforme de leurs institutions, en prenant en compte les aspirations des peuples de ces pays à la bonne gouvernance et au respect des valeurs démocratiques et pluralistes (jumelages institutionnels, missions d’observation électorale, échanges de bonnes pratiques par exemple) ;
- une coopération avec les pays du Sud dans la lutte contre le crime organisé, les trafics illicites et l’immigration illégale ;
- un renforcement du dialogue politique permettant d’aborder l’ensemble des enjeux d’intérêt commun, notamment en matière de gouvernance et de sécurité mais aussi de questions globales. Les conseils d’association de l’UE avec les pays du voisinage, qui abordent insuffisamment aujourd’hui ces questions, devraient davantage être mis à profit et valorisés. Des visites plus fréquentes de la Haute représentante devraient également être encouragées ;
- un appui aux sociétés civiles. L’Union européenne devrait accroître les programmes en faveur des sociétés civiles en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’expertise juridique et économique, y compris en renforçant les réseaux entre acteurs non étatiques et en utilisant davantage les instruments financiers dédiés dont elle dispose. L’objectif de renforcement de la société civile devrait figurer dans la programmation des crédits IEVP
Cette approche permettrait d’aller plus loin avec les pays du voisinage Sud engagés sur la voie des réformes en consacrant une « logique pays », qui pourrait prendre la forme de « contrats de partenariat » différenciés.

b) Dans le même temps, on pourrait envisager de synthétiser et de mieux articuler l’ensemble des actions de l’Union européenne en direction de la Méditerranée dans le cadre d’une stratégie macro régionale (« macro-région méditerranéenne »), dans l’esprit de la stratégie macro régionale des régions de la Mer baltique ou de la stratégie pour le Danube, en intégrant les objectifs de l’Union pour la Méditerranée.

Cette stratégie permettrait de mieux coordonner, au niveau régional, les actions conduites par l’Union européenne et les Etats membres en direction de chacun des pays du voisinage Sud. La dimension externe des politiques internes de l’UE devrait, dans ce cadre, être mieux prise en compte (énergie, transports, environnement, etc.)

Une synergie pourrait ainsi être assurée entre cette stratégie, articulée avec les objectifs de l’Union pour la Méditerranée et les projets multilatéraux lancés dans le cadre de l’UpM (plan solaire méditerranéen, autoroutes de la mer, dépollution de la Méditerranée, éducation, sécurité civile, etc.).

3. Renforcer les moyens de la Politique européenne de voisinage, notamment vis-à-vis du Sud
La politique de voisinage reste le parent pauvre des politiques européennes, notamment en matière d’aide extérieure de l’Union. Elle connaît aussi une évolution peu compatible avec les enjeux en cours, due à un système d’empilement des priorités qui conduit à des asymétries. Les disparités d’enveloppe sont aujourd’hui difficilement justifiables et soutenables (1,8 €/hab/an pour l’Egypte ; 7 €/hab/an pour la Tunisie ; 25 €/hab/an pour la Moldavie par exemple).
Ces enveloppes devraient être revues à la lumière des événements en cours. Plusieurs pistes pourraient être envisagées :
- réexaminer, au sein de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), la programmation prévue pour 2011-2013, à la fois au niveau bilatéral et régional, pour tenir compte de nouvelles priorités et abonder (cf, entre autres, infra) les enveloppes afin de tenir compte des progrès effectués par certains de nos partenaires (incitations à la mise en œuvre de réformes) ;
- élargir le champ des instruments à utiliser :
* l’Instrument de stabilité, permettant un soutien à court et à long terme, ainsi que le budget PESC, devraient pouvoir être utilisés ;
- les instruments dédiés aux sociétés civiles (Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme ; volet non-étatique de l’Instrument de coopération au développement) pourraient renforcer les allocations prévues pour les pays du voisinage sud. Un volet démocratie locale, à travers la décentralisation et la réforme des autorités locales, pourrait également être envisagé, y compris au moyen du volet « autorités locales » de l’ICD ;
- réallouer certains fonds communautaires au bénéfice de la PEV au sein de la rubrique « action extérieure » des perspectives financières de l’UE. On pourrait notamment envisager de prélever des crédits au profit de la PEV sur le budget de l’Instrument de coopération au développement (ICD) ;
- rechercher une meilleure articulation entre les fonds structurels et la politique de voisinage, notamment en relevant le plafond de la contribution autorisée du FEDER aux opérations transfrontalières et au profit d’action relevant de programmes conjoints avec les régions du voisinage.
- mobiliser les fonds de la Banque européenne d’investissement.

A court terme, il apparaît nécessaire de renforcer les moyens d’investissement, notamment au moyen de mixages dons-prêts, à travers la FIV (Facilité d’Investissement du Voisinage) et la FEMIP (Facilité Euro-méditerranéenne pour l’Investissement et le Partenariat) de la Banque européenne d’investissement (BEI). Dans ce contexte, nous devons parvenir à un accord qui permettrait d’autoriser la BEI à recycler les flux de remboursement générés par la FEMIP (volant actuellement disponible de 120 M€).
- Par ailleurs, une augmentation du plafond des mandats extérieurs de la BEI pour la Méditerranée apparaît nécessaire afin de répondre aux nouveaux besoins de financement de la zone. Sur 8,7 Mds€ de mandat consacré à la région pour 2007-2013, il ne reste plus que 2,8 Mds€ pour 2011-2013. Il faudrait y ajouter 2,5 Mds€ pour simplement maintenir les activités de la FEMIP à leur niveau annuel moyen sur les deux dernières années. Alors que les mandats extérieurs sont actuellement en cours de négociation entre le Conseil et le Parlement européen, une mobilisation rapide apparaît nécessaire.

Il conviendrait d’explorer les pistes de renforcement des activités de la BEI au profit du développement du secteur privé, notamment des micro, petites et moyennes entreprises, et des infrastructures économiques et sociales.

II. Mettre l’accent sur la dimension « projets » de l’Union pour la Méditerranée
Comme les conclusions du Conseil européen du 4 février 2011 l’ont souligné, l’Union pour la Méditerranée, qui vise à développer des projets concrets entre les deux rives de la Méditerranée, touchant à la vie quotidienne des peuples, doit permettre d’accompagner les pays du voisinage Sud qui le veulent sur la voie de la transition et les aider à relever les défis auxquels ils sont confrontés.

1. A cet effet, l’UpM doit continuer à se concentrer sur des projets mobilisateurs, contribuant à accompagner la modernisation des pays méditerranéens, dans les domaines suivants :

économie (projets visant à renforcer la sécurisation des investissements ; réseaux d’aide aux PME du type Fonds d’Amorçage de Réalisation et d’Orientation, infrastructures régionales, notamment Plan solaire Méditerranéen et plus largement les initiatives visant à favoriser le financement du codéveloppement en Méditerranée) ;
- société (enseignement supérieur et formation professionnelle à travers un réseau d’établissements d’enseignement supérieur ; promotion du dialogue via la Fondation Anna Lindh, promotion du rôle des femmes à travers par exemple la Fondation des femmes pour la Méditerranée ; soutien à la société civile, notamment à travers la plate-forme Euromed des ONG) ;
- environnement (projets d’eau et d’assainissement pour la dépollution de la Méditerranée) ;
- culture et media (projet de chaîne euro-méditerranéenne ; réflexion sur la présence des chaînes européennes dans la zone) ;
- mobilité, dans le cadre d’une approche concertée avec nos partenaires (Observatoire méditerranéen de la jeunesse, dialogue sur les migrations).
Le portefeuille de la Secrétaire générale adjointe de l’UpM en charge des questions civiles et sociales devrait être redéfini pour tenir compte de ces nouvelles priorités. La mobilisation du Secrétariat sera, à cet égard, primordiale.

2. Il conviendrait d’accélérer, en lien avec le Secrétariat de l’UpM à Barcelone, la mise en œuvre des projets ayant un impact direct et visible pour les citoyens de la rive sud de la Méditerranée (Plan solaire méditerranéen, projet d’espace numérique ouvert de la Méditerranée, projet euro-méditerranéen d’école doctorale, Centre euro-méditerranéen de l’environnement et des risques, Réseau des procureurs et des enquêteurs pour la lutte contre la pollution maritime volontaire en Méditerranée).

3. Enfin, il conviendrait de continuer à garantir et développer un financement adéquat pour les projets de l’UpM et plus largement pour la zone méditeranéenne qui manque cruellement de financement (cf. constat du rapport de la Commission Milhaud sur les financements en Méditerranée) :
- en continuant la mobilisation de la BEI et la montée en puissance de la FEMIP ;
- en réfléchissant, entre autres options, à un élargissement du mandat de la Banque européenne de développement et de reconstruction (BERD) au Sud (faisant suite aux demandes égyptiennes notamment) ;
- en garantissant qu’une part plus conséquente des fonds régionaux de l’IEVP, et au moins un quart, soit consacrée aux projets UpM.
Le rôle du Secrétariat général de l’UpM et sa capacité à attirer des financements privés constitueront aussi un élément fondamental.
Source : http://www.rpfrance.eu/spip.php?article1349
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