Le début de l’année 2011 est déjà riche en rebondissements. En Tunisie, le sacrifice d'un vendeur ambulant, au nom de la liberté du commerce et du choix de nourrir sa famille, a suscité un mouvement populaire qui a entraîné la chute du pouvoir.
Toutes les capitales européennes ont été surprises par cette spontanéité. Notre histoire a souvent montré que la grandeur des nations s’est fondée sur la capacité des Etats modernes à tout mettre en œuvre pour encourager le développement du commerce, garantir la sécurité des échanges et protéger le droit au travail.
Mais au-delà de la Tunisie, qui doit pouvoir maintenant choisir librement sa voie, et que la France doit accompagner pour qu’elle redevienne une nouvelle Carthage, c’est notre perception économique du Maghreb qui est en question. Et chaque chef d’entreprise français qui a des attaches, des souvenirs ou des rêves de l’autre côté de la Méditerranée ne peut que se réjouir du retour prochain du règne du droit, de la transparence financière et de l’arrivée de nouveaux interlocuteurs dans les relations commerciales. En un mot, voir la fin de toute corruption publique et privée.
Si les PME françaises veulent investir en dehors de l’Europe, elles doivent être attentives à ce qui se passe aussi dans le cadre du projet ambitieux de développement d’une Union pour la Méditerranée (UpM). C’est une façon d’apprendre la notion de temps. Elle n’est pas la même partout. Et compte-tenu d’un certain nombre de mécanismes, les hommes de la Méditerranée sont attachés au verbe, à la confiance puis seulement à l’action. Nos PME appellent de leurs vœux, ce projet qui semble aujourd’hui marquer le pas, sous l’effet de la crise mondiale, du manque de volonté de certains Etats, de moyens financiers et tout simplement d’envie de se parler.
Le lancement, en mai 2010, d’un fonds d’appui d’un milliard d’euros pour les PME qui vise à encourager ces entreprises à investir dans des projets à dimension régionale dans le cadre de relations bilatérales, multilatérales ou mondiales est porteur d’espoirs. Les travaux de la Banque Européenne d'Investissement ont souligné l'importance de saisir les différentes opportunités de financement offertes et de dépasser les blocages nés en particulier du conflit israélo-palestinien. Mais, ne nous leurrons pas, pour avancer, il faudra des moyens et du temps. Beaucoup de temps.
En effet, la Méditerranée est grande, c’est un monde à elle seule, comme le soulignait Fernand Braudel. Elle est aujourd’hui le terrain d’influence des puissances nouvelles qui jouent les oppositions pour peser face aux nations historiques.
Les PME indépendantes n’ont pas les moyens de compter dans ce jeu-là. Elles préfèrent se tourner naturellement vers le Maghreb si proche et familier. Il abrite nos racines, notre diversité et c’est même un lieu privilégié de détente pour nos vacances à l’étranger.
Alors, dans ces conditions, pourquoi ne pas renforcer nos investissements PME au Maroc, en Algérie et en Tunisie ?
En réalité, nous n’avons pas à rougir de notre engagement. Les investissements des PME, France et Europe, progressent régulièrement puisqu’ils représentent 76 % des projets et 46% des montants contre 7% des projets et 43 % des montants* pour les pays du Golfe. Il est vrai que ces chiffres sont révélateurs de la réactivité des PME, de la faiblesse des montants investis et de leur atomisation dans un contexte difficile.
Pour expliquer cette situation, on pourra trouver mille réserves : le complexe de la colonisation, le risque assurantiel, les retards de paiement, l’obsolescence de certains outils de production, l’extrémisme religieux, la sureté des personnels et de leurs familles… Sans oublier la sécurisation du dispositif logistique, commercial et financier, une fois les contrats signés.
Mais la principale réticence - et acceptons enfin d’ouvrir les yeux – vient essentiellement de la sensation par les patrons de PME que ces pays que nous aimons, riches d’une jeunesse dynamique et enthousiaste restent, malheureusement, identifiés comme des zones d’instabilités politiques, économiques et sociales permanentes.
Et que, contrairement aux multinationales ou aux grands groupes, les PME françaises n’ont pas les moyens de jouer avec leurs investissements en tirant un trait sur des actifs, de recourir aux leviers internationaux pour toucher les réseaux au pouvoir, faire avancer l’administration et investir à long terme dans un relationnel mouvant. C’est ainsi et c’est bien dommage.
Alors un vent d’espoir et un souffle nourricier viennent de se lever en Tunisie. Espérons que ces signes touchent les esprits des entrepreneurs des deux rives de la Méditerranée pour faire tomber, prochainement, les obstacles et les préjugés. Et redécouvrons notre envie de travailler ensemble.
Par Bernard Cohen-Hadad - LesEchos.fr - le 2 février 2011
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Toutes les capitales européennes ont été surprises par cette spontanéité. Notre histoire a souvent montré que la grandeur des nations s’est fondée sur la capacité des Etats modernes à tout mettre en œuvre pour encourager le développement du commerce, garantir la sécurité des échanges et protéger le droit au travail.
Mais au-delà de la Tunisie, qui doit pouvoir maintenant choisir librement sa voie, et que la France doit accompagner pour qu’elle redevienne une nouvelle Carthage, c’est notre perception économique du Maghreb qui est en question. Et chaque chef d’entreprise français qui a des attaches, des souvenirs ou des rêves de l’autre côté de la Méditerranée ne peut que se réjouir du retour prochain du règne du droit, de la transparence financière et de l’arrivée de nouveaux interlocuteurs dans les relations commerciales. En un mot, voir la fin de toute corruption publique et privée.
Si les PME françaises veulent investir en dehors de l’Europe, elles doivent être attentives à ce qui se passe aussi dans le cadre du projet ambitieux de développement d’une Union pour la Méditerranée (UpM). C’est une façon d’apprendre la notion de temps. Elle n’est pas la même partout. Et compte-tenu d’un certain nombre de mécanismes, les hommes de la Méditerranée sont attachés au verbe, à la confiance puis seulement à l’action. Nos PME appellent de leurs vœux, ce projet qui semble aujourd’hui marquer le pas, sous l’effet de la crise mondiale, du manque de volonté de certains Etats, de moyens financiers et tout simplement d’envie de se parler.
Le lancement, en mai 2010, d’un fonds d’appui d’un milliard d’euros pour les PME qui vise à encourager ces entreprises à investir dans des projets à dimension régionale dans le cadre de relations bilatérales, multilatérales ou mondiales est porteur d’espoirs. Les travaux de la Banque Européenne d'Investissement ont souligné l'importance de saisir les différentes opportunités de financement offertes et de dépasser les blocages nés en particulier du conflit israélo-palestinien. Mais, ne nous leurrons pas, pour avancer, il faudra des moyens et du temps. Beaucoup de temps.
En effet, la Méditerranée est grande, c’est un monde à elle seule, comme le soulignait Fernand Braudel. Elle est aujourd’hui le terrain d’influence des puissances nouvelles qui jouent les oppositions pour peser face aux nations historiques.
Les PME indépendantes n’ont pas les moyens de compter dans ce jeu-là. Elles préfèrent se tourner naturellement vers le Maghreb si proche et familier. Il abrite nos racines, notre diversité et c’est même un lieu privilégié de détente pour nos vacances à l’étranger.
Alors, dans ces conditions, pourquoi ne pas renforcer nos investissements PME au Maroc, en Algérie et en Tunisie ?
En réalité, nous n’avons pas à rougir de notre engagement. Les investissements des PME, France et Europe, progressent régulièrement puisqu’ils représentent 76 % des projets et 46% des montants contre 7% des projets et 43 % des montants* pour les pays du Golfe. Il est vrai que ces chiffres sont révélateurs de la réactivité des PME, de la faiblesse des montants investis et de leur atomisation dans un contexte difficile.
Pour expliquer cette situation, on pourra trouver mille réserves : le complexe de la colonisation, le risque assurantiel, les retards de paiement, l’obsolescence de certains outils de production, l’extrémisme religieux, la sureté des personnels et de leurs familles… Sans oublier la sécurisation du dispositif logistique, commercial et financier, une fois les contrats signés.
Mais la principale réticence - et acceptons enfin d’ouvrir les yeux – vient essentiellement de la sensation par les patrons de PME que ces pays que nous aimons, riches d’une jeunesse dynamique et enthousiaste restent, malheureusement, identifiés comme des zones d’instabilités politiques, économiques et sociales permanentes.
Et que, contrairement aux multinationales ou aux grands groupes, les PME françaises n’ont pas les moyens de jouer avec leurs investissements en tirant un trait sur des actifs, de recourir aux leviers internationaux pour toucher les réseaux au pouvoir, faire avancer l’administration et investir à long terme dans un relationnel mouvant. C’est ainsi et c’est bien dommage.
Alors un vent d’espoir et un souffle nourricier viennent de se lever en Tunisie. Espérons que ces signes touchent les esprits des entrepreneurs des deux rives de la Méditerranée pour faire tomber, prochainement, les obstacles et les préjugés. Et redécouvrons notre envie de travailler ensemble.
Par Bernard Cohen-Hadad - LesEchos.fr - le 2 février 2011
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