Chakib Benmoussa : «La coopération entre le Maroc et l'Occitanie au service du développement»

Chakib Benmoussa, ambassadeur de Sa Majesté le Roi du Maroc en France, reçu par Jean Michel-Baylet président du Groupe Dépêche./ Photo DDM M. Labonne
Au cours de sa visite à Toulouse, jeudi, son Excellence Chakib Benmoussa, l’ambassadeur de Sa Majesté le Roi du Maroc en France, accompagné du consul général à Toulouse Meryem Nagi, a rencontré Carole Delga, la présidente de région, Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, ainsi que Pascal Mailhos, préfet de région. 
Il a été également reçu à la Dépêche du Midi par le PDG du groupe Jean-Michel Baylet. Entretien.
L'industrie aéronautique est un enjeu prioritaire pour le Maroc et l'Occitanie. Votre visite a-t-elle pour objectif de renforcer les coopérations, notamment entre Toulouse et Casablanca, en privilégiant  une approche de co-investissement entre les deux rives de la Méditerranée ?
Oui, car nous sommes convaincus que cette approche est profitable pour chacune des parties. C’est un rapport gagnant-gagnant. L’industrie aéronautique est un marché en forte croissance au sein duquel la concurrence est forte. L’enjeu, pour le Maroc, la France ou la région Occitanie, c’est de développer une compétitivité globale, de permettre aux entreprises de se développer et de créer de l’emploi. Le Maroc a mis en place des leviers pour accompagner ces investissements et créer les conditions de cette compétitivité. 
Ainsi, à Casablanca, des zones ont été spécialement créées pour accueillir des entreprises aéronautiques, et un écosystème favorisant les synergies et les complémentarités entre les opérateurs a été mis en place. Le Maroc a également développé un institut des métiers de l’aéronautique pour répondre aux besoins des compétences de ce secteur; cet institut est géré par des professionnels et donne des résultats très positifs. En 2017, l’activité de la filière aéronautique au Maroc a augmenté de près de 18%.


Lors d'une visite au Maroc en octobre 2017, Carole Delga, à la tête d'une délégation composée de chefs d'entreprise et d'universitaires de la région Occitanie, a noué des partenariats stratégiques avec les régions de Casablanca-Settat, l'Oriental et Fès-Meknès. Peut-on d'ores et déjà faire le bilan de ces coopérations décentralisées ?
Il serait prématuré de faire un bilan. Mais ce que je peux vous dire, c’est que la coopération décentralisée est considérée comme stratégique pour les deux pays comme cela a été indiqué lors de la dernière rencontre à Rabat entre les gouvernements français et marocain. Cette coopération entre l’Occitanie et plusieurs régions du Maroc porte sur les secteurs industriels, agroalimentaires, des nouvelles technologies et des énergies renouvelables, mais elle est aussi institutionnelle puisque Le Maroc est dans une dynamique de décentralisation dans le cadre de ce que l’on appelle la régionalisation avancée. 
Ainsi, lors de la visite de Mme Delga au Maroc, un accord a été  trouvé avec l’association des régions du Maroc pour la formation des cadres et des élus marocains, et renforcer ainsi la capacité des régions à mettre en œuvre leur plan de développement régional. Cette coopération qui concerne aussi des volets culturels ou de sauvegarde du patrimoine est très pertinente car elle est en prise avec la réalité des territoires.


En quoi la problématique du transport ou de la logistique, notamment avec les ports de Tanger et de Sète, représente-t-elle un enjeu de la relation entre le Maroc et la région Occitanie ? 
Ces questions de logistique et de connectivité sont essentielles. Leur efficacité repose sur un accroissement de la compétitivité, de la fiabilité mais aussi sur une  réduction des coûts. Pour ne prendre que l’exemple du port de Tanger Méditerranée, les investissements réalisés vont permettre de tripler la capacité d’accueil des conteneurs et, en même temps, de rendre cette plateforme portuaire plus compétitive. La connectivité, c’est aussi ce qui permet le transport  des passagers. Que ce soit pour le tourisme, ou pour permettre les déplacements de la communauté marocaine installée à l’étranger, des liaisons comme Sète-Tanger répondent à ces besoins à côté des liaisons aériennes qui se sont développés depuis Toulouse ou Montpellier. 
Le Maroc est une porte pour les entreprises françaises et d’Occitanie vers l’Afrique, notamment subsaharienne. L’objectif de votre pays est-il devenu un hub continental raccordant l’Afrique à l’Europe ?
Le Maroc a des liens historiques avec plusieurs pays du continent africain. Au cours des dernières années, le Royaume a déployé une politique africaine très active qui s’est traduite par de multiples déplacements de Sa Majesté le Roi en Afrique et par la signature d’un grand nombre de conventions. Cette dynamique a permis de développer une coopération multidimensionnelle sud-sud et une augmentation des investissements directs du Maroc en Afrique, au point que le Maroc est devenu le 2ème investisseur africain en Afrique et le premier en Afrique de l’ouest. 
Ces investissements ont concerné  les secteurs de la finance, des infrastructures, de l’agriculture, de l’énergie, des mines ou les télécommunications. Les banques marocaines sont présentes dans une trentaine de  pays du continent. Elles participent à l’augmentation du taux de bancarisation et à la transformation de l’épargne locale en investissement. Le développement de Casablanca Finance City ces dernières années en a fait la première  place financière africaine. De même que la multiplication des liaisons aériennes à partir de Casablanca fait du Maroc une plate-forme attractive pour de nombreuses entreprises européennes qui s’intéressent à l’Afrique et a son potentiel de développement. 


Un an après votre retour à l’UA, le Maroc a été récemment élu au Conseil de Paix et de Sécurité. Au-delà de son action en faveur du maintien de la paix en Afrique, quelles sont les ambitions du Maroc pour ce continent ?
Les ambitions du Maroc sont d’abord de contribuer à relever les défis du continent et de participer activement à la réalisation des objectifs de développement durable 2030 ou de l’agenda africain 2063. Le Maroc est actif sur les opérations du maintien de la paix et sur les médiations de sortie de crise dans certains pays. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a été désigné par ses pairs, rapporteur de l’agenda africain de la migration et a présenté un rapport avec un diagnostic et de nombreuses propositions sur le sujet. 
Sur le plan économique, le Maroc partage l’expérience qui l’a acquise dans sa politique de développement et dans la conduite de ses  réformes avec les autres pays, comme il participe à des projets de Co-développement. Sur le plan de la lutte contre les changements climatiques et en marge de la COP22 qui s’est tenue à Marrakech, de nombreuses initiatives ont été lancées comme celle de l’adaptation de l’agriculture africaine qui concerne une large partie de la population africaine ou comme les projets de l’énergie renouvelable qui répondent à des besoins d’électrification ou d’énergie propre. 
Enfin sur le plan culturel et cultuel, une coopération en matière de formation de jeunes est très active et concerne aussi la fondation des imams afin de lutter contre la radicalisation ou l’instrumentalisation de l’islam à d’autres fins.

Par Serge Bardy - Source de l'article La Dépêche

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