Des 'rivières sous-marines' pour transporter de l'eau douce entre pays

Que pourrait faire la rive nord de la Méditerranée pour aider la rive sud, assoiffée d'eau ? A cette question, souvent posée au 5e Forum mondial de l'eau, qui se déroule jusqu'au 22 mars à Istanbul, Félix Bogliolo donne une réponse surprenante : 'C'est simple, elle peut lui envoyer de l'eau. Techniquement, c'est possible.' M. Bogliolo, un polytechnicien de 55 ans, fondateur de la start-up française Via Marina, veut créer des 'rivières sous-marines'.
L'idée est de transférer de l'eau douce par des tuyaux flexibles de quatre mètres de diamètre, posés au fond de l'océan. L'eau serait prélevée à l'embouchure de fleuves, 'quand elle retourne à la mer et ne peut plus être utilisée par personne', afin d'être transportée sur des centaines de kilomètres.
Cette technologie n'a jamais été utilisée. Les transferts d'eau ont habituellement lieu par voie terrestre, via des pipelines ou des canaux. Quelques transports se font par bateaux, comme en 2008, entre Marseille et Barcelone.
Construire des pipelines en acier comparables à ceux utilisés pour le transport du pétrole coûterait trop cher pour véhiculer de l'eau, dont le prix est très inférieur à celui de l'or noir.
La start-up parie plutôt sur la stratégie du roseau, grâce à l'utilisation de fibres plastiques souples et moins coûteuses. Le débit pourrait atteindre des dizaines de mètres cubes/seconde, avec un coût de revient inférieur à 40 centimes d'euro par mètre cube, soit moins qu'à la sortie d'une usine de dessalement. Le dispositif consommerait de l'énergie, mais là encore, moins que pour dessaler.
Quel impact environnemental ? 'En prélevant moins de 10 % du débit d'un fleuve à l'embouchure, on ne crée pas de désordre écologique majeur, affirme M. Bogliolo. Et on approvisionne des régions arides qui ont grand besoin d'eau pour les populations et l'agriculture.'
La start-up n'a pas encore signé de contrat. Mais son fondateur annonce être en discussion avec une trentaine de pays, notamment avec la Turquie, pour l'alimentation en eau de Chypre nord. M. Bogliolo préfère ne pas citer ses clients potentiels, le sujet des transferts d'eau entre régions, a fortiori entre pays, étant très sensible. Malgré tout, des sceptiques font déjà remarquer que les zones bien arrosées auraient intérêt à garder leur eau, alors que la ressource se fait plus rare.
Le Monde - le 21 mars 2009

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