L’Espagne prépare sa présidence européenne en janvier prochain et veut faire de l’espace Méditerranée un vrai relais de la croissance perdue. Les entreprises suivront elles ?
L’histoire à succès du modèle de croissance espagnol est finie. Jordi Vaquer, directeur du CIDOB, un think-tank basé à Barcelone et fort écouté par Miguel Angel Moratinos, le ministre espagnol des Affaires étrangères, est venu l’expliquer à Alger, devant un parterre de chefs d’entreprise et de journalistes, à l’occasion du petit déjeuner « le Care-Les Afriques » (voir encadré).
Non sans avoir évoqué le contenu de « la décennie prodigieuse » et son indicateur clé « le revenu par habitant espagnol a dépassé l’italien en 2006 ». « L’Espagne souffre de la crise avec une intensité qui nous surprend tous les jours ». 1,7% de prévision de récession. Le modèle s’est retourné : second déficit commercial le plus fort du monde, avec 55 milliards d’euros en 2008, et immense bulle de l’immobilier, avec un parc de 1,3 million d’appartements invendus. Le spécialiste catalan des relations internationales a surtout dû répondre à une interrogation lancinante : « Y a-t-il une place plus grande pour le Maghreb dans la stratégie d’internationalisation de l’Espagne ? »
« Ce n’est pas l’idée des patrons espagnols »
Pour le directeur du CIBOD, il ne fait pas de doute qu’une bonne partie de la croissance future est à chercher dans « les pays encore à faire ». Les pays du Maghreb arrivent alors en tête, « ils peuvent aujourd’hui jouer le rôle tenu par la Pologne, la Roumanie et dernièrement la Turquie, en offrant un nouvel espace de croissance forte.
« Ce n’est pas l’idée des patrons espagnols »
Pour le directeur du CIBOD, il ne fait pas de doute qu’une bonne partie de la croissance future est à chercher dans « les pays encore à faire ». Les pays du Maghreb arrivent alors en tête, « ils peuvent aujourd’hui jouer le rôle tenu par la Pologne, la Roumanie et dernièrement la Turquie, en offrant un nouvel espace de croissance forte.
Mais il faut bien admettre que ce n’est pas l’idée qui est dans la tête des grands chefs d’entreprise espagnols en ce moment ». En particulier lorsqu’il s’agit de l’Algérie, traitée en large décalage – comme le démontrera Abdelaziz Rahabi, ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid – par rapport à ses voisins Tunisiens et Marocains, alors qu’elle est, et de loin grâce au gaz naturel, le premier partenaire commercial de l’Espagne sur les rive Sud et Est de la Méditerranée. Les entreprises espagnoles ont fait un miracle au niveau international en quelques années, mais restent peu attirées par le Maghreb tout proche.
Comment y pallier ? La présidence espagnole de l’Union européenne, qui débutera en janvier prochain, est « une occasion unique » pour renforcer le tropisme maghrébin de l’Espagne et de toute l’Europe du Sud, prévient Jordi Vaquer, « elle intervient entre deux présidences de pays du nord de l’Europe ». Madrid veut mettre plus de contenu dans l’Union pour la Méditerranée, et demande à ses partenaires du Sud d’exprimer leur attentes, or « Nous savons ce que veut le Maroc, qui insiste sur le statut avancé, et aussi la Tunisie ; mais l’Algérie n’a pas exprimé de demandes claires » a déploré Jordi Vaquer, qui a précisé que l’agenda de la présidence espagnole est en phase de bouclage.
Il précise une fois de plus, que les énergies renouvelables sont le premier chantier d’un nouveau partenariat entre les deux rives : l’Espagne est le troisième marché mondial d’énergie solaire et compte, avec Zytec, comme l’un des leaders mondiaux de fabrication de panneaux solaires. En outre, de grands chantiers d’énergie renouvelable sont prévus dans son plan de relance.
« Nous savons ce que veut le Maroc, qui insiste sur le statut avancé, et aussi la Tunisie ; mais l’Algérie n’a pas exprimé de demandes claires. »
Le gaz, produit marchand comme les autres ?
Le débat avec les chefs d’entreprise algériens, et le contrepoint apporté par M. Rahabi, ont rappelé la réalité historique « pleine de désillusions » du partenariat de la « prospérité partagée ». « Le marché algérien s’est ouvert, les investisseurs européens ne sont pas venus.
Le débat avec les chefs d’entreprise algériens, et le contrepoint apporté par M. Rahabi, ont rappelé la réalité historique « pleine de désillusions » du partenariat de la « prospérité partagée ». « Le marché algérien s’est ouvert, les investisseurs européens ne sont pas venus.
Nous le savions, mais l’équipe actuellement aux affaires avait besoin de signer l’accord d’association avec l’Europe » a notamment affirmé l’ancien ambassadeur, spécialiste du monde ibérique. Le président du Care, Nassim Kerdjoudj, a soulevé une problématique qui fait son chemin dans le patronat algérien, l’expansion à l’international des entreprises algériennes à la faveur de la crise : « Comment réagirait le gouvernement espagnol si une entreprise ou un fonds algérien venait recapitaliser le numéro un de l’immobilier ibérique, terrassé par la crise ? », une question d’autant plus actuelle, que l’exposé de Jordi Vaquer a bien évoqué « l’accès aux financements des pays émergents » comme un des éléments de la stratégie de redéploiement espagnol à l’international.
« Je crois que la réponse ne dépendra pas de la nationalité de l’entreprise qui viendra faire une acquisition en Espagne, mais des règles de marché auxquelles elle obéit. Si elles sont semblables à celles de l’Union européenne alors il n’y aura pas de problème.
Si ce n’est pas le cas, alors le gouvernement refusera comme avec le Russe Loukoil » qui voulait acquérir 30% de Repsol en novembre dernier. Jordi Vaquer a d’ailleurs répondu à Abdelaziz Rahabi, qui déplorait que les Algériens étaient encore « les seuls à considérer que le gaz naturel était un produit marchand et non un produit stratégique », « la Russie a choisi cette stratégie de faire du gaz autre chose qu’une marchandise. Est-ce que c’est la bonne voie ? Je vous laisse en faire le bilan… »
Par Ihsane El Kadi - Lesafriques.com - le 15 mars 2009
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