Au Maghreb, la percée des femmes chefs d’entreprises

En Tunisie, au Maroc et en Algérie, plus de 90 % des fillettes sont désormais scolarisées en primaire ; en Tunisie et Algérie, les filles sont aussi nombreuses que les garçons dans le secondaire, et même plus nombreuses que ceux-ci à l’université, puisque dans ces deux pays 60 % des étudiants... sont des étudiantes !
Dans les trois pays, le taux de participation économique des femmes a grimpé ces dernières décennies : en Algérie, le nombre de femmes actives est passé de 625 000 en 1994 à près de 2 millions aujourd’hui. Le taux d’activité des femmes marocaines est de 28 % – le même qu’en Espagne il y a trente ans. En Tunisie, les femmes représentent à présent 28 % de la population active – contre 19 % en 1979. Et elles constituent un tiers des magistrats, des avocats et des journalistes, et 40 % des enseignants du supérieur.
Premier des trois pays à avoir encouragé l’éducation des filles et à avoir promu les droits de la femme, c’est en Tunisie que s’est créée la première association de femmes chefs d’entreprise : la Chambre nationale des femmes chefs d’entreprise (CNFCE), qui existe depuis 1990. Une étude réalisée en 2009 par le CAWTAR (Center for Arab Women Training and Research) recensait 18 000 femmes chefs d’entreprise (dont 1 500 dirigeantes d’exploitations agricoles), employant plus de 100 000 personnes. L’étude révélait que les femmes sont à la tête de PME qu’elles ont en général créées, et dont elles sont, à 55 %, l’unique propriétaire. 37 % de ces PME oeuvrent dans les services ; 33 % dans l’industrie ; 13 % dans le commerce et 12 % dans l’artisanat.

Représentative des femmes chefs d’entreprise en Tunisie, la présidente de la CNFCE, Faouzia Slama, diplômée en économie, dirige avec son époux, Ali, le groupe Slama. Celui-ci emploie 500 salariés et réalise quelque 70 millions d’euros de chiffre d’affaires, en fabriquant des huiles et des matières grasses et en les exportant jusqu’en Afrique noire et au Brésil. Le groupe développe à présent des activités en bureautique et informatique. Les femmes tunisiennes ont été les premières à investir des secteurs traditionnellement « masculins », à commencer par l’industrie, mais aussi des activités comme le transport maritime – c’est le cas, par exemple, de Amel Chérif Abbès avec son entreprise Fisher Maritime – ou l’organisation de foires internationales, en tirant parti des nouvelles possibilités d’Internet, comme Leïla Belkhiria Jaber qui, avec Stelfair.com.tn, a créé la première Foire internationale de Tunisie ... sur le net ! Les femmes n’ont pas beaucoup de capitaux, mais fourmillent souvent d’idées.

Saloua Karkri-Belkeziz dirige l’entreprise GFI Informatique Maroc, qu’elle a créée, qui emploie 200 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 55 millions de dirhams – soit quelque 12 millions d’euros. GFI vend des solutions informatiques aux entreprises. Orpheline de père à 2 ans, ayant une mère illettrée, Mme Karkri-Belkeziz a fréquenté l’école publique. Elle fut l’une des premières femmes à étudier l’informatique au Maroc, et à créer son entreprise. C’était en 1987, elle avait 25 ans. En 2000, elle fonde l’Association des femmes chefs d’entreprise au Maroc – AFEM, qui regroupe alors une dizaine de membres. En septembre 2010, l’AFEM a fêté ses 10 ans et compte à présent près de 500 adhérentes, dans tous les secteurs de l’industrie, des services et de l’agroalimentaire.

« Quand j’ai commencé, il n’était pas courant de rencontrer des femmes chefs d’entreprise au Maroc. Et il n’était pas facile d’avoir des rendez-vous ni de convaincre un président. Quand j’appelais au téléphone, on me prenait souvent pour la secrétaire ! Aujourd’hui, on entend de plus en plus parler de femmes chefs d’entreprise dans mon pays. L’on sait maintenant que la femme est présente dans l’activité économique et pas seulement au niveau du social. Nous avons estimé à 11 % le taux national d’entreprises créées par des femmes, contre 5 % en 2004 », nous raconte-t-elle dans son bureau de Casablanca.

Diplômées mais pas aidées

L’Association des femmes algériennes chefs d’entreprise (SEVE) a été créée en 1993 et la première étude les concernant a été réalisée en 2009, par le CRASC, le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle. Elle dénombrait 3 300 femmes chefs d’entreprise en 2007, contre 1 300 en 1990. 81 % d’entre elles sont diplômées, et seules 16 % ont eu accès à un crédit bancaire.

Dans les trois pays du Maghreb, les études révèlent que les femmes chefs d’entreprise sont majoritairement diplômées, avec une expérience professionnelle antérieure, mais qu’elles se heurtent au problème de l’accès au crédit, contraintes de faire appel à leurs fonds propres et à leur famille pour les capitaux initiaux. Khadidja Belhadi, créatrice en 1985 de EDECOR, entreprise de BTP qui installe des équipements sportifs, est l’une des femmes d’affaires les plus célèbres en Algérie, ayant même été proposée en 2009 pour faire partie des « 100 femmes de l’année » au niveau mondial. « Une femme a sa place dans le monde de l’entreprise algérienne quand elle démontre sa capacité à gérer et ce, au même titre que les hommes », aime-t-elle répéter.

En 2005, elle a créé l’AME – l’Association des algériennes managers et entrepreneurs. Car, au Maghreb comme ailleurs, les femmes ne sont pas seulement plus nombreuses à créer leur entreprise, mais elles occupent aussi des postes élevés dans de grands groupes. Telle la toute jeune Sonia Ziamni, chef de projet au sein d’Alger Médina, un programme de développement immobilier qui pèse un milliard de dollars, dans la baie d’Alger... « Les entreprises en Algérie préfèrent maintenant recruter une femme plutôt qu’un homme. Parce que la rentabilité va être meilleure : elle est plus sérieuse, elle va travailler plus. À la sortie de l’université, une femme en Algérie a plus de chances de trouver du travail qu’un homme », explique Samira Bendris, jeune femme cadre à Alger. Cette réputation de « sérieux » se vérifie aussi dans les pays voisins. Voilà qui laisse augurer de belles perspectives pour les femmes ambitieuses, qui rêvent d’acquérir une solide expérience... avant de créer leur propre société !

Source Afrik.com
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Article publié dans Africa24 Magazine : Les 500 qui font l’économie du continent

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