Un demi-siècle après la décolonisation, la Méditerranée tourne sous nos yeux une nouvelle page de son histoire. Les événements politiques spectaculaires à l'œuvre dans plusieurs pays du Sud du bassin méditerranéen ouvrent une période riche d'espoirs, mais aussi d'incertitudes. Car si la révolution l'a emporté en Tunisie et en Égypte – et peut-être demain en Libye ou en Syrie – ces pays doivent encore relever le plus grand des défis : construire la démocratie, après des décennies de dictature. Ce qui suppose d'abord et avant tout de rebâtir un véritable espace public, garant d'un débat ouvert et pluraliste où puissent s'exprimer toutes les opinions et toutes les sensibilités.
C'est dire l'importance cruciale que revêt la question des médias, et plus particulièrement des médias audiovisuels, qui ont un rôle majeur à jouer dans ce processus. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les insurgés libyens ont très vite initié un projet de chaîne de télévision, Libya Horaa, afin de contrer la propagande officielle du régime Kadhafi. Chacun a pu l'observer en Tunisie ou en Égypte : pendant que la révolte populaire battait son plein sur Internet et les réseaux sociaux, les télévisions et radios des pays concernés n'ont généralement pas su ou pu porter un discours indépendant et crédible sur les événements en cours. Aujourd'hui, ces structures doivent se réinventer dans leur mode de fonctionnement même, pour assurer leur transformation de médias d'État en médias de service public.
Pour y parvenir, les personnels concernés expriment un besoin de soutien, notamment dans le domaine de la formation : formation pour les jeunes journalistes et réalisateurs, formation à la production de documentaires, au reportage… En tant que professionnels de l'audiovisuel de la Méditerranée, il est de notre devoir de les accompagner. Pour autant, cette aide ne saurait se limiter à quelques subsides des pays du Nord à destination de ceux du Sud. En effet, c'est avant tout dans un cadre multilatéral réunissant le plus grand nombre possible d'acteurs de l'audiovisuel méditerranéen que des solutions pourront être trouvées.
C'est là tout le rôle de la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (COPEAM), dont l'assemblée générale annuelle se réunira du 12 au 15 mai dans la ville chypriote d'Ayia Napa. Fédérant depuis quinze ans les professionnels des deux rives de la Méditerranée, cette organisation indépendante est le lieu par excellence où peuvent s'épanouir de nouvelles formes de coopération. La COPEAM est ainsi porteuse d'un vaste projet d'"Université audiovisuelle de la Méditerranée", destinée à devenir un espace euro-méditerranéen de mutualisation et d'échange des ressources pour l'enseignement et la formation à nos métiers. Si un solide réseau d'universités et d'écoles de toute la région a d'ores et déjà été constitué, le projet est encore en attente de financements. Nul doute que sa réalisation prendrait tout son sens dans le nouveau contexte actuel.
Au-delà, il s'agit de fonder un espace audiovisuel méditerranéen partagé, dans la tradition d'échanges culturels et d'enrichissement mutuel qui a toujours caractérisé la mare nostrum. S'il a vu naître de nouveaux élans de solidarité internationale, le "printemps arabe" a en effet aussi trahi des incompréhensions persistantes entre les rives nord et sud, voire une certaine méconnaissance de l'autre. Le moment est donc venu d'intensifier le dialogue entre nos sociétés et nos cultures, dont l'audiovisuel demeure un vecteur essentiel.
Pour avancer dans cette direction, la COPEAM s'est engagé ces dernières années dans une action concrète et fédératrice, axée autour de projets précis. Ceux-ci visent notamment à créer un cadre économique et juridique favorisant les coproductions méditerranéennes et la circulation des œuvres entre nos différents pays, mais aussi à inventer de nouveaux espaces où puisse s'exprimer la diversité et la richesse de nos cultures. C'est le cas de MedMem, site Internet promouvant le patrimoine audiovisuel de la zone euro-méditerranéenne, actuellement en cours de réalisation sous le pilotage de l'Ina. De même, un projet ambitieux de chaîne de télévision méditerranéenne a fait l'objet d'une étude de réalisation détaillée et est prêt à être lancé si un consensus politique se fait jour.
Il ne s'agit pas là d'utopies ni de déclarations de principe, mais bien d'initiatives concrètes qui, chacune à leur niveau, peuvent faire bouger les horizons. À nous de les porter avec enthousiasme et détermination.
Mathieu Gallet, président de la COPEAM, président-directeur général de l'Ina
Source LeMonde.fr
C'est dire l'importance cruciale que revêt la question des médias, et plus particulièrement des médias audiovisuels, qui ont un rôle majeur à jouer dans ce processus. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les insurgés libyens ont très vite initié un projet de chaîne de télévision, Libya Horaa, afin de contrer la propagande officielle du régime Kadhafi. Chacun a pu l'observer en Tunisie ou en Égypte : pendant que la révolte populaire battait son plein sur Internet et les réseaux sociaux, les télévisions et radios des pays concernés n'ont généralement pas su ou pu porter un discours indépendant et crédible sur les événements en cours. Aujourd'hui, ces structures doivent se réinventer dans leur mode de fonctionnement même, pour assurer leur transformation de médias d'État en médias de service public.
Pour y parvenir, les personnels concernés expriment un besoin de soutien, notamment dans le domaine de la formation : formation pour les jeunes journalistes et réalisateurs, formation à la production de documentaires, au reportage… En tant que professionnels de l'audiovisuel de la Méditerranée, il est de notre devoir de les accompagner. Pour autant, cette aide ne saurait se limiter à quelques subsides des pays du Nord à destination de ceux du Sud. En effet, c'est avant tout dans un cadre multilatéral réunissant le plus grand nombre possible d'acteurs de l'audiovisuel méditerranéen que des solutions pourront être trouvées.
C'est là tout le rôle de la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (COPEAM), dont l'assemblée générale annuelle se réunira du 12 au 15 mai dans la ville chypriote d'Ayia Napa. Fédérant depuis quinze ans les professionnels des deux rives de la Méditerranée, cette organisation indépendante est le lieu par excellence où peuvent s'épanouir de nouvelles formes de coopération. La COPEAM est ainsi porteuse d'un vaste projet d'"Université audiovisuelle de la Méditerranée", destinée à devenir un espace euro-méditerranéen de mutualisation et d'échange des ressources pour l'enseignement et la formation à nos métiers. Si un solide réseau d'universités et d'écoles de toute la région a d'ores et déjà été constitué, le projet est encore en attente de financements. Nul doute que sa réalisation prendrait tout son sens dans le nouveau contexte actuel.
Au-delà, il s'agit de fonder un espace audiovisuel méditerranéen partagé, dans la tradition d'échanges culturels et d'enrichissement mutuel qui a toujours caractérisé la mare nostrum. S'il a vu naître de nouveaux élans de solidarité internationale, le "printemps arabe" a en effet aussi trahi des incompréhensions persistantes entre les rives nord et sud, voire une certaine méconnaissance de l'autre. Le moment est donc venu d'intensifier le dialogue entre nos sociétés et nos cultures, dont l'audiovisuel demeure un vecteur essentiel.
Pour avancer dans cette direction, la COPEAM s'est engagé ces dernières années dans une action concrète et fédératrice, axée autour de projets précis. Ceux-ci visent notamment à créer un cadre économique et juridique favorisant les coproductions méditerranéennes et la circulation des œuvres entre nos différents pays, mais aussi à inventer de nouveaux espaces où puisse s'exprimer la diversité et la richesse de nos cultures. C'est le cas de MedMem, site Internet promouvant le patrimoine audiovisuel de la zone euro-méditerranéenne, actuellement en cours de réalisation sous le pilotage de l'Ina. De même, un projet ambitieux de chaîne de télévision méditerranéenne a fait l'objet d'une étude de réalisation détaillée et est prêt à être lancé si un consensus politique se fait jour.
Il ne s'agit pas là d'utopies ni de déclarations de principe, mais bien d'initiatives concrètes qui, chacune à leur niveau, peuvent faire bouger les horizons. À nous de les porter avec enthousiasme et détermination.
Mathieu Gallet, président de la COPEAM, président-directeur général de l'Ina
Source LeMonde.fr
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