Depuis le début de ce millénaire, les dépêches se bousculent à une vitesse étourdissante. Tempêtes géantes, pollutions, conflits, crise des matières premières, crise économique, catastrophes humanitaires, incompréhensions Nord-Sud ; il semble irréel que toutes ces catastrophes à répétitions aient un dénominateur commun, et pourtant il est probable que la plupart auraient une ampleur bien moindre si les principes du Développement Durable étaient respectés, si les effets anthropiques était plus canalisés, et si toutes les parties prenantes étaient prises en compte dans la course effrénée à la mondialisation.
La mise à l’écart des classes sociales les plus défavorisées a participé à la formation du terreau sur lequel ont pu se développer le terrorisme, les guerres civiles, et les récentes émeutes, du sud de la Méditerranée à l’Angleterre[1].
Notre boulimie d’énergies fossiles est un des facteurs principaux de l’effet anthropique. En quelques mois, il y a eu la catastrophe de l’or noir au large des Etats-Unis, la catastrophe nucléaire au Japon, et l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières.
La mondialisation de l’économie par la financiarisation à l’extrême, a précipité le monde dans la plus grave crise économique depuis 1929. Depuis la crise des «subprimes» qui a éclaté aux USA en Aout 2007, la confiance s’est effondrée, entrainant dans le feu des critiques les hypothèses d’ «efficience du marché» et d’ «anticipation rationnelle» (donnant raison en partie au Keynésianisme)[2].
Et il n’est plus à démontrer l’effet anthropique sur le changement climatique et la désertification, entrainant par ricochet les migrations forcées.
Ces sujets qui font la une de l’actualité sont l’expression d’enjeux globaux, et nous questionnent sur les politiques de développement durable à mener à l’échelle mondiale et territoriale. Ils montrent la nécessité d’une implication réelle et durable des états développés dans la mise en place d’une régulation mondiale soutenable et la mise en place de programmes de coopération Nord-Sud durable.
Abordés dans l’Agenda 21, ces sujets complexes nécessitent une réflexion et une législation au niveau global mais doivent également être traités sous l’angle territorial. Afin d’aider à la réflexion globale, il est nécessaire comme pour toute analyse, de choisir un terrain d’expérimentation. Ce livre s’inscrit dans cette perspective en s’intéressant au cadre géographique «espace méditerranéen». Car la Méditerranée, compte tenu de ses asymétries sur les plans économique, environnemental, et social, constitue un véritable laboratoire régional d’innovation, d’expérimentation, et de coopération en matière de développement durable (DD).
Le bassin méditerranéen, zone d’échanges et de tensions entre trois continents, représente un ensemble économique cohérent, une «économie monde» tel que le décrivait Fernand Braudel. Mais contrairement à sa description[3], la Méditerranée n’est pas un «lac occidental» et le Sahara n’est pas la «contre Méditerranée».
Le bassin méditerranéen est une région ouverte sur le monde où se côtoient des espaces géopolitiques divers, porteurs de valeurs et d’intérêts souvent différents.
Le Sahara, séparant le Maghreb de l’Afrique sub-saharienne, fait apparaître le nord de l’Afrique comme une ile entourée de deux mers : la mer Méditerranée et la mer de sable. Cette vaste zone désertique, malgré ses apparences, comporte bien des atouts qui peuvent être mis au service du bassin méditerranéen, tel que son gigantesque potentiel d’énergie solaire.
La Méditerranée dispose quant à elle, d’atouts incontestables et offre des opportunités réelles de développement, grâce notamment à la coopération transméditerranéenne énergétique. La récession nous offre une rare opportunité d’effectuer de tels investissements, car les gouvernements étant conduits à dépenser davantage pour stimuler l’économie, ils peuvent tout aussi bien le faire en affectant certaines dépenses à des projets «verts».
Mais les enjeux financiers sont si énormes qu’ils peuvent attiser bien des convoitises et emmener les marchés financiers vers ce qu’on pourrait appeler une «bulle verte». A titre d’exemple, la chine a alloué 40 % de son plan de relance (586 milliards USD) à des projets verts, la transformant en premier marché mondial des énergies renouvelables, alors que Citigroup estime que faute d’interconnexions, 30% des centrales éoliennes chinoises n’étaient pas en service en 2009. Cela illustre la nécessité d’une stratégie de développement durable pour baliser tout chemin menant à une «économie verte».
L’UE a ainsi lancé sa stratégie pour une croissance verte. Encore faut-il une institution forte pour mettre en place une politique qui viserait à stimuler l’éco-innovation au service de la coopération transméditerranéenne tout en abordant les questions clés de la transition vers une économie verte, comme l’emploi, les compétences, l’investissement, la fiscalité, les échanges, le développement.
L’Union Pour la Méditerranée (UfM), a bien été créée dans cette optique, mais tourne au ralenti. Cette institution, appelée aujourd’hui «Secrétariat de l’Union Pour la Méditerranée», était censée être centrale, puisqu’elle regroupe l’Union Européenne (UE) et 15 pays de l’Adriatique et de la Méditerranée. Devant les difficultés rencontrées, ces pays se sont mis d’accord pour une institution légère, ce qui ne facilite guère la mise en œuvre d’une politique de développement durable dans un espace aussi tumultueux.
La politique de l’UfM met l’accent sur plusieurs programmes, dont la coopération scientifique et universitaire. Cette dernière pourrait s’intéresser à l’étude de la transposition des principes de l’Agenda 21 à un territoire aussi complexe que la Méditerranée, afin d’aider l’émergence d’un comité structuré en collèges, dans lesquels tous les acteurs de la société civile seraient regroupés. Sa mission serait de contribuer à la mise en œuvre d’Agenda 21 méditerranéens, d’assurer la cohérence de ces projets territoriaux de développement durable, et de renforcer la coopération entre les collectivités et les entreprises du bassin méditerranéen.
Quant au Plan Solaire Méditerranéen (PSM), autre programme d’importance, il a ouvert la voie à des initiatives industrielles prometteuses, mais qui ont du mal à se montrer convaincantes. Malgré leur côté pharaonique et extraordinaire, elles ne génèrent ni l’espoir des populations du Sud, ni l’enthousiasme du Nord. L’analyse du cas concret de la coopération énergétique solaire transméditerranéenne, a permis d’apporter des pistes d’amélioration de la politique de développement durable de ces initiatives, ce qui permettrait de gagner une adhésion élargie.
Par ailleurs, de ce balbutiement d’initiatives, un espoir européen nous illumine. Les citoyens européens vont-ils utiliser leur nouvel outil de démocratie participative pour remettre l’Union Méditerranéenne sur les rails, promouvoir des projets transméditerranéens durables, dans le but d’initier une « économie verte » dans le bassin Méditerranéen ?
De telles opportunités se présentent rarement.
Ce serait du gaspillage que de l’ignorer …
Source Enerzine.com
[1] DANIEL J.M., professeur d'économie à l'ESCP Europe, http://www.latribune.fr/opinions/20110216trib000601638/revoltes-frumentaires-et-printemps-arabe.html, 2011
[2] BLINDER A. S., Professor of Economics at Princeton University, « Keynesian Economics »,
[3] LIAUZU, C., « La méditerranée selon Fernand Braudel », Revues plurielles, Confluences Méditerranée - N°31, Paris, automne 1999, p. 186
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