Créer 1.500 centrales au Maghreb et au Moyen-Orient implique de nouveaux rapports entre les deux rives de la Méditerranée et plus de stabilité réglementaire et d'homogénéité en Europe.
Quelque 400 milliards d'euros d'investissement, 1.500 centrales solaires géantes implantées dans le désert, 100 gigawatts (GW)... Desertec frappe par sa démesure. Initialement imaginé par des scientifiques allemands, le projet est soutenu par des financiers et des industriels (allemands pour la moitié) regroupés au sein de la DII (Desertec Industrial Initiative). Il vise à l'horizon 2050 la production de 100 GW d'électricité renouvelable ? solaire, éolien, biomasse ? au Maghreb et au Moyen-Orient, et l'exportation d'une partie de cette électricité vers l'Europe, pour environ 15 % de ses besoins.
La faisabilité technique du projet, le risque d'instabilité politique au sud de la Méditerranée ou encore les conditions de son financement, régulièrement évoqués, sont mentionnés dans l'étude que consacre le cabinet BearingPoint aux facteurs clés du succès de ce type de projets. Mais il est plus rare que l'instabilité réglementaire encadrant les projets solaires européens ou le manque d'homogénéité entre États membres soit présenté comme de possibles freins à son développement.
« Pour des investissements de 20 à 50 ans, le manque de stabilité des réglementations en Espagne, en France ou en Italie constitue un risque supérieur à celui des printemps arabes », affirme pourtant Lynn Nahmani, experte en financement de projets. Emmanuel Autier, associé de BearingPoint, souligne pour sa part la nécessité d'une réglementation cohérente à l'échelle européenne, d'un mode de collaboration nord-sud profitable aux deux parties, d'un véritable marché européen de l'électricité verte qui serait ouvert aux pays extra-européens... autant de points qui impliquent une meilleure coordination entre États membres et l'invention de nouveaux types de rapports entre les deux rives de la Méditerranée.
Emmanuel Autier évoque par exemple des coopérations « sur le mode chinois », faisant la part belle aux transferts de technologies. Et ce, pour ne pas reproduire l'exemple du secteur pétrolier et gazier, dans lequel, selon un expert, aucun des pays producteurs du sud ne serait aujourd'hui capable de reproduire de façon autonome la technologie d'exploitation.
Pistes de financement
Une vision « moins exportatrice », dans laquelle la production serait plus massivement consacrée aux besoins locaux, commence aussi à être évoquée. Et même un rôle de « grenier d'énergie verte » que pourrait jouer l'Afrique du Nord, y compris vers le reste du continent. Mais l'absence de politique énergétique coordonnée au sein du Maghreb demeure un frein.
Côté financement, les choses ne sont pas plus simples. Preuve de son gigantisme, le montant nécessaire au projet Desertec représente près de la moitié des fonds aujourd'hui mobilisés pour les énergies renouvelables d'ici à 2020. Pour favoriser le financement, Jean Christophe, de la Pfandbrief Bank, préconise un partenariat public-privé (PPP) très public au départ et se privatisant au fil du temps. Il rappelle que les banques régionales et les financements islamistes constituent des pistes à ne pas négliger, surtout en période de crise, lorsque les agences multilatérales, traditionnellement mises à contribution sur ce type de projets, sont très sollicitées par ailleurs.
Dominique Pialot - LaTribune.fr
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