Flavia Palanza : « Nous constatons un inquiétant déséquilibre entre les besoins des pays du sud et leurs capacités à emprunter »

Crises politiques et militaires obligent, après un niveau de financements très soutenu les deux années précédentes, 2013 a vu un ralentissement du taux d’engagement de la BEI sur les rives sud et est de la Méditerranée. 

La FEMIP (Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat) rassemble l'ensemble des interventions de la BEI à l'appui du développement socio-économique des pays partenaires méditerranéens (Algérie, Égypte, Gaza-Cisjordanie, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, et bientôt Libye). 
Sa directrice, Flavia Palanza, dispose de moyens de financement substantiel, mais la réactivité des pays partenaires dans la mise en place de nouveaux concours connaît un fléchissement.

Econostrum.info : Depuis trois ans, les crises politiques et économiques se succèdent en Méditerranée. Comment vous êtes-vous adaptée à cette situation parfois chaotique ? 
Flavia Palanza : « La BEI reste très présente dans la plupart des pays de la région Femip. Depuis les printemps arabes, nos capacités de prêts ont augmenté de 2 mrds € pour arriver à 10 mrds € sur la période 2007-2013. L'Union Européenne a ajouté à cette enveloppe 2 mrds € pour subventionner l'assistance technique des projets que nous finançons. Nous avons ainsi prêté 3 mrds € en 2011 et 2012 et consacré sur la même période plus de 30 M€ en assistances techniques ». 

Les projets de coopération ont-ils été mis en sommeil dans certains pays ? 
« Bien que disposant d’une capacité de prêt importante et d’une réserve de projets significative, nous sommes tenus par le rythme d’avancement du débat démocratique dans la plupart des pays et, hélas, par les évènements dramatiques en Syrie et Libye. Ainsi, nous avons suspendu toute activité en Syrie depuis 2011, à la demande du Parlement européen et du Conseil. Nous y étions le plus important bailleur de fonds. En Libye, nous attendons la signature d'un accord-cadre avec les nouveaux dirigeants de ce pays. La situation y reste encore très floue, ce qui a entraîné une baisse considérable de l’activité économique. Jusqu’en 2012, nous avons beaucoup travaillé avec l’Égypte et la Tunisie, moins aujourd'hui. Nous ne nous sommes pas retirés d’Égypte, mais nous attendons les résolutions du Conseil de l'UE sur la portée de nos actions. En Tunisie, les responsables politiques engagent avec prudence des prêts internationaux à la veille d'élections dont la date reste à déterminer ». 

Certains pays bénéficient-ils au contraire d'un accès facilité aux crédits et actions de la BEI ? 
« Nous avons répondu à hauteur d'un milliard d'euros aux sollicitations du Maroc pour la seule année 2012. Tramway, métro, réhabilitation de quartiers défavorisés, irrigation.... nous avons financé de nombreux projets en Tunisie, Égypte, au Maroc, en Jordanie. » 

Un système de garantie des PME

Pensez-vous que l'instabilité politique de certains pays détourne les acteurs de la coopération économique de la Méditerranée ? 
« Pas pour l'instant. Nous voyons arriver de nouveaux intervenants comme la Berd. Les besoins sont importants et il y a de la place pour tous les acteurs du développement qui restent mobilisés. Mais nous constatons un inquiétant déséquilibre entre les besoins de ces pays et leurs capacités à emprunter. Je serais plus prudente sur le moyen terme, car, après une période de grand enthousiasme, je constate une certaine « fatigue politique », une déception des pays du nord par rapport à la Méditerranée. La transition démocratique n'est pas aussi facile que certains l'espéraient et elle sera nécessairement longue. Dans un tel contexte, deux écueils sont à éviter : l’indifférence et le rejet. Nous nous y employons avec nos partenaires multilatéraux et bilatéraux du développement, nous restons à l’écoute des gouvernements de transition et la coopération internationale reste très active, au niveau Euro Med à Bruxelles, au CMI à Marseille, comme au sein de l’Union pour la Méditerranée à Barcelone et dans le cadre du partenariat de Deauville. 

Nous allons continuer à développer le plus possible les missions d'assistance technique avec les pays qui en font la demande. Par exemple, nous assistons la Tunisie, le Maroc, le Liban et l’Égypte sur des sujets comme la planification de leurs systèmes logistiques, la formation professionnelle, le passage au modèle concessif et aux PPP (partenariats publics privés). Nous souhaitons également aider les investisseurs privés à venir ou à revenir sur cette région. Nous participons à la mise en place d’un système de garantie en faveur des PME au niveau régional et nous réfléchissons à un mécanisme de partage des risques dans la cadre de PPP ». Last but not least, en parallèle à nos lignes de crédit proposées aux banques de la place pour le financement des PME, nous étudions activement la mise en œuvre de moyens d’assistance technique sur le terrain et de mentoring visant à accompagner ces PME dans le développement de leurs projets. 

Article réalisé en partenariat avec la BEI
Par Gérard Tur - Source de l'article Econostruminfo

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