Un forum sous le signe de la « diplomatie économique » en Méditerranée Occidentale


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Le premier Forum Économique de la Méditerranée Occidentale, organisé au Palau de Pedralbes de Barcelone le 23 octobre 2013, réunissait les dix pays du groupe « Dialogue 5 + 5 ». 

Le sommet (coordonné par l'Union pour la Méditerranée, l'IEMed et la Casa Mediterraneo) a réuni pour la première fois les représentants des ministères des Affaires étrangères et les hauts responsables du monde de l'entreprise. Objectif: concilier développement et sécurité en Méditerranée à travers une « diplomatie économique ».

Représentants des ministères des Affaires Étrangères et grands
responsables économiques réunis à Barcelone (photo UpM)
Barcelone accueillait, mercredi 23 octobre 2013, le premier Forum Économique de la Méditerranée Occidentale. Un rendez-vous coordonné par l'Union pour la Méditerranée (UpM), avec l'appui de l'IEMed et la Casa Mediterraneo. Cette prise en charge par l'Union pour la Méditerranée est en soi un événement. 
Car ce premier Forum Économique s'inscrit dans le cadre du « dialogue 5 + 5 », un groupe d'échange intergouvernemental créé à Rome en 1990 pour faciliter les relations et la coopération entre dix pays du sud et du nord de la Méditerranée (1). 
L'UpM élargit donc le champ de ses responsabilités, « le champ des possibles », pour reprendre l'expression de son secrétaire général, Fathallah Sijilmassi : « Le Secrétariat général de l'Union pour la Méditerranée devient une plate-forme de coordination des projets qui naissent des échanges entre les différents pays »... et les différents acteurs économiques, peut-on ajouter. Puisque l'originalité de ce premier Forum concerne l'implication des représentants du monde de l'entreprise aux côtés des dix membres des ministères des Affaires étrangères. Dont le Français Laurent Fabius, qui résume cette évolution dans la façon de considérer l'intégration méditerranéenne : « Il n'y a pas de développement économique sans sécurité, et il n'y a pas de sécurité sans développement économique ». La formule fait évidemment penser au drame des naufragés au large de Lampedusa, devenu le symbole funeste d'une fracture entre deux mondes. 

Des échanges plus intenses

Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a réclamé davantage
de solidarité à l'ensemble des pays européens pour le contrôle des
frontières en Méditerranée (photo UpM)
Le spectre d'une Méditerranée transformée en fosse commune dit toute l'urgence de transformer en actes les discours de bonnes intentions sur le développement des pays du sud. Ce qui implique d'abord de prendre en compte une réalité exposée à Barcelone, où le président du Forum Algérien des Chefs d'Entreprises, Reda Hamiani, a reproché à l'Europe de se construire « comme une citadelle assiégée » : « On nous avait annoncé une prospérité partagée lors du processus de Barcelone de 1995, et on peut se sentir trompés en voyant l'ouverture commerciale tous azimuts qui a conduit à une désindustrialisation de l'Algérie ». Rappelant les écarts de richesses flagrants entre les rives nord et sud de la Méditerranée, le responsable économique a mis en garde contre un « schéma colonial » à travers une organisation des échanges qui se partagerait entre productions à valeur ajoutée au nord et exploitation de matières premières au sud. 
Il ne faut pas pour autant occulter les responsabilités des pays du Maghreb, aujourd'hui la région la moins intégrée au monde sur le plan économique, puisque le commerce international entre les différents pays de la zone ne représente que 3 à 4% des échanges. A contrario, le ministre portugais des Affaires étrangères, Rui Chancerelle de Machete, rappelle que les échanges entre les deux façades de la Méditerranée Occidentale atteignent 7,1% du commerce international, sur un marché regroupant 273 millions de personnes. En 2012, la tendance s'est accentuée avec une augmentation de 20% des exportations depuis l'Europe vers le Maghreb, et une croissance de 40% des exportations dans l’autre sens ! « Ce n'est pas assez », estime Juan Rosell, président du principal syndicat patronal espagnol (CEOE), qui plaide de son côté pour élargir les coopérations commerciales à l'ensemble de l'Afrique. 

« Davantage d'argent que de projets »

Fathallah Sijilmassi, Secrétaire de l'Union pour la Méditerranée, qui
coordonnait le premier Forum Économique de la Méditerranée Occidentale (photo UpM)
La prise de conscience croissante d'un espace économique méditerranéen restera sans doute comme le point le plus positif de ce premier Forum Économique de la Méditerranée Occidentale, pour conforter d'abord « les complémentarités dans les deux segments d'échanges les plus dynamiques, à savoir les exportations et le tourisme », comme le signale Sener Florensa, président de l'IEMed. 
D'autant que, malgré la crise, les moyens de soutenir les investissements existent : la baisse des financements européens est compensée par l'arrivée de nouveaux investisseurs, en provenance notamment des pays du Golfe. L'implication de la Norvège (qui n'est pas membre de l'UE) dans le projet « Med4Job » de l'UpM, visant à améliorer l'employabilité des jeunes et des femmes, est un autre exemple de l’intérêt suscité par l'espace économique méditerranéen. Des soutiens nécessaires aux efforts en matière d'infrastructures (transport, énergies...) et d'éducation, indispensables pour consolider les économies du sud de la Méditerranée. 
Au point que le secrétaire général de l'UpM estime qu'il existe toujours sur la table « davantage d'argent que de projets ». C'est ici qu'intervient la valeur ajoutée de l'Union pour la Méditerranée, dans le rôle notamment d'interface entre les ONG et les bailleurs de fonds (BEI, Banque Islamique du Développement, Banque Mondiale, Commission Européenne...). Avec toute une capacité d'expertise et de « diplomatie économique » permettant aussi de renforcer la collaboration entre États, à l'instar du projet de coopération hispano-algérien pour élaborer une « stratégie de l'Eau », pour une gestion durable des ressources. 
Mais le véritable intérêt de la réunion des dix pays de la Méditerranée Occidentales se mesurera dans les faits : « Les échanges que nous avons confortés à travers cette rencontre doivent nous permettre de faire émerger 17 ou 18 projets concrets d'ici le prochain forum Économique de la Méditerranée Occidentale », estime Juan Rosell. Ce deuxième rendez-vous est prévu en 2014, à Lisbonne, où l'ensemble des acteurs se retrouvera pour tirer un bilan de la coopération économico-politique initiée à Barcelone. 

(1) Les membres du groupe 5 + 5 sont : l'Algérie, la France, l'Italie, la Libye, Malte, la Mauritanie, le Maroc, le Portugal, l'Espagne et la Tunisie. 

Par Francis Mateo - Source de l'article EconostrumInfo

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