Le directeur pour la coopération avec le voisinage Sud (zone MENA) à la Commission européenne, Michael Koehler, a présenté hier lors d’une conférence à l’hôtel Phoenicia le plan d’investissement extérieur européen (PIEE).
Lancé en septembre 2017, ce plan sera l’un des dispositifs de financement proposés au Liban lors de la conférence du Cèdre. Michael Koehler revient pour « L’Orient-Le Jour » sur son fonctionnement.
Qu’apporte le PIEE de nouveau aux financements européens déjà existants ?
Le PIEE a été créé pour répondre au besoin de mobiliser plus de financements pour le développement, notamment les infrastructures, dans des pays (comme l’Afrique subsaharienne et la zone MENA) qui sont à l’origine de nombreux mouvements de migration vers l’Europe. Il permet donc d’investir dans des infrastructures de base tout en aidant à lutter contre la migration irrégulière. Le PIEE est composé d’éléments déjà fonctionnels (au sein de la coopération internationale de la CE, NDLR) que nous renforçons, comme la combinaison de don et de prêt pour baisser le coût d’intérêt. Nous avons ajouté deux autres composantes. Primo, une garantie de risque des investissements privés. Ensuite, une assistance technique à la préparation de projets, qui était auparavant plutôt liée à la mise en œuvre.
Pouvez-vous décrire un projet type ?
C’est difficile, car ça dépend du projet. L’option la plus classique reste le financement d’infrastructures publiques. Par exemple, un partenaire public, qui peut être par exemple un ministère, va signer une convention de financement avec une banque (européenne), et le crédit sera moins cher grâce à la composante « don » que propose l’UE. Ce don représente autour de 8 % à 10 % de l’investissement total, mais il a par exemple atteint 50 % dans un projet d’approvisionnement en eau à Irbid, en Jordanie, car c’est un secteur peu rentable mais nécessaire. Les différentes banques européennes proposent également des lignes de crédit pour les PME (via des banques locales).
Dans votre discours, vous avez mentionné que le Liban bénéficie peu des prêts concessionnels européens, alors que d’autres pays de la région, comme l’Égypte, en attirent près de 20 %. Comment l’expliquez-vous ?
Je pense qu’il y a eu un manque de signaux clairs de la part du Liban aux investisseurs en ce qui concerne sa politique de gestion des ordures, des énergies renouvelables, et ainsi de suite. D’autres pays de la région ont pris le devant. Le plus grand parc éolien d’Afrique, très largement financé par l’UE, se trouve en Égypte. Comme l’a dit le vice-président du Conseil des ministres, Ghassan Hasbani (voir encadré), le Liban souffre encore de l’impact de la guerre civile. Ni le secteur public ni les investisseurs étrangers ne peuvent remplacer l’argent privé, donc nous essayons de conjuguer les deux pour que ce retard en investissements soit rattrapé, et de créer ainsi de meilleures conditions de vie pour la population libanaise.
Quels sont les secteurs au Liban qui peuvent bénéficier du PIEE ?
De manière générale, le PIEE se concentre sur cinq fenêtres d’investissement : l’énergie, les PME – les deux les plus intéressantes pour le Liban –, en plus de l’agriculture, les villes durables et le numérique. Mais nous ne connaissons pas les détails du plan d’investissement libanais (qui sera présenté à la conférence du Cèdre, NDLR), même si nous en avons vu des esquisses. Il faut d’abord que le plan soit adopté, présenté à la communauté internationale, puis nous nous assiérons ensemble et discuterons des détails.
Malheureusement, le Liban est toujours fortement endetté (NDLR : proche de 150 % du PIB). Il faut être très sélectif lors de la contractualisation d’une nouvelle dette. Les projets à potentiel d’investissement devront soit diminuer la charge sur le budget de l’État, soit générer un retour positif sur la communauté libanaise dans son ensemble. Mais ce ne sont pas juste quelques lignes de crédit qui résoudront les problèmes du Liban. Il faut des projets de qualité, qui inspirent confiance au secteur privé. On ne peut pas avancer avec seulement une partie du financement mais avec un cadre législatif qui n’est pas sain. C’est ça, le grand défi.
Vous êtes conscient que certaines lois prennent des années à être votées au Parlement. Comment allez-vous faire face à ce problème ?
Je ne vous cache pas que nous avons eu hier une très longue discussion avec les responsables du bureau du Premier ministre lors de laquelle différentes banques européennes ont évoqué ce sujet. Nous avons expliqué que nous voyons beaucoup de possibilités d’investissement au Liban, mais rappelé que les conventions de financement de plusieurs projets n’ont pas été signées depuis plusieurs années. Si vous voulez que nous nous engagions, il faut se débarrasser de ce poids du passé. Je pense que c’est un critère que les autorités ont tout à fait compris.
Le PIEE est un mécanisme de l’UE qui s’applique à plus de 70 pays. Si le Liban veut en profiter, il ne faut pas seulement la participation du secteur privé, mais surtout que le système politique se mette un petit peu à la hauteur, en votant des réformes. Sinon, le pays sera sous-représenté. Je vous donne un exemple : le Liban fait partie du nombre infime de pays dans le monde où une convention de financement doit être votée par le Parlement. En Égypte ou en Jordanie, le vote peut passer par différents ministères ou le Conseil des ministres. Je comprends qu’à partir d’un certain niveau d’endettement, le vote au Parlement soit nécessaire, mais il pourrait y avoir des règles en vertu desquelles les prêts de moindre importance, ou à fort impact (peuvent être votés par d’autres organismes publics).
Par Sunniva ROSE - Source de l'article l'Orient le Jour
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