Le Maghreb peine toujours à s'intégrer

Si Renault et Nissan viennent de s'installer dans la zone franche de Kenitra, au Maroc, les deux constructeurs auront du mal à commercialiser leurs véhicules dans le reste de la région. Un rapport de l'Institut Thomas More dénonce le coût économique du « non-Maghreb » et milite pour une résolution européenne du conflit au Sahara occidental.
Avantages fiscaux, régime administratif allégé, aide directe à la formation, appui à l'investissement : le nouveau parc industriel de Kenitra tente d'attirer les investisseurs. Avec un certain succès, puisque deux grands constructeurs automobiles, Renault et Nissan, viennent d'y prendre leurs quartiers. Déjà installé à Tanger, Renault compte sur ce nouveau développement pour commercialiser ses véhicules au Maroc. À terme, évidemment, c'est tout le reste du Maghreb que vise le constructeur. Mais comment transporter des véhicules du Maroc en Tunisie ? La frontière entre le Maroc et l'Algérie est fermée depuis cinquante ans, en raison du conflit au Sahara occidental. Si le commerce entre la France et l'Allemagne représente 60 % du total de leurs activités dans ce domaine, les échanges intra-Maghreb ne s'élèvent qu'à 1,5 %.

Flux migratoires
« La non-intégration régionale rogne environ 2 points de PIB par pays », souligne Jean-Baptiste Buffet, chercheur associé à l'Institut Thomas More, et auteur d'une étude assortie de recommandations sur ce thème. Pour la Tunisie, cela représente un manque à gagner de 20.000 emplois par an, et un montant annuel d'investissements directs étrangers perdus de 2 milliards de dollars, poursuit ce spécialiste. Les répercussions, notamment en termes de flux migratoires, sont évidentes. Alors que des lignes de chemin de fer reliaient la région de façon horizontale, du temps de la colonisation, ce sont des réseaux Nord-Sud qui se développent dans chaque État aujourd'hui. « Pourtant, il suffirait d'une signature pour relier ces pays, d'autant que les rails, des deux côtés de la frontière algéro-marocaine, sont déjà construites ! », s'exclame Jean-Baptiste Buffet.

Dépasser la politique
Bref, il faut, pour les chercheurs de l'Institut Thomas More, que le dossier du Sahara occidental remonte en bonne position sur le bureau de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. « L'économie doit dépasser la politique », insiste Jean-Baptiste Buffet. Il faut, selon lui, faire avancer le projet de TGV trans-maghrébin, par exemple, et rendre caduque une expression utilisée par les spécialistes comme par les habitants de la région eux-mêmes, celle du « non-Maghreb ». « L'Europe, un groupement de 27 pays, de même que l'Asean, en Asie, ou le Mercosur, en Amérique latine, sont bien placés pour illustrer les vertus de l'intégration régionale », ajoute-t-il. Pour l'heure, cependant, les pays de l'Union européenne se contentent de développer des accords bilatéraux. Quant aux ambitions de l'Union pour la Méditerranée, chère au président Sarkozy, elles sont, selon le chercheur, trop larges, et devraient se concentrer d'abord sur des coopérations sous-régionales.
Lien : http://institut-thomas-more.org/showNews/415
Par Lysiane J. Baudu - Latribune.fr - le 29 mai 2010

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