La protection de la biodiversité méditerranéenne devient une priorité

Un plan quinquennal visant à renforcer la préservation des espèces du pourtour méditerranéen a été signé hier.
Le responsable de la Commission environnement au Sénat italien Antonio d’Alli l’a encore rappelé ce mois-ci en marge de la nouvelle controverse qu’a suscité l’insatiable groupe BP, lequel devrait forer dans ses eaux profondes au large des côtes libyennes d’ici la fin de l’année : la Méditerranée est l’une des mers les plus polluées de la planète. Entre dégazages pétroliers, scandales écologiques locaux et tourisme balnéaire décomplexé Mare Nostrum a en effet, par endroits, des airs de poubelle bleu-noir à ciel ouvert.
Avalisées par Tripoli, les aspirations de la multinationale britannique pourraient encore aggraver la situation et ainsi fragiliser des écosystèmes marins déjà passablement abimés. Les stocks de nombreuses espèces diminuent, les rebuts et autres substances toxiques rejetées par les usines s’accumulent et une question se pose : les scientifiques finiront-ils par détecter un sinon des continents de déchets semblables à ceux déjà constatés dans le Pacifique nord et l’Atlantique nord ?

Six zones prioritaires
Si on peut reprocher aux autorités concernées une certaine passivité et que la biodiversité aquatique n’a selon toute vraisemblance pas fini de subir, l’Agence française de développement (AFD), la Banque Mondiale, l’ONG Conservation International, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), la John D. and Catherine T. MacArthur Foundation mais aussi le gouvernement japonais ont toutefois décidé de prendre les choses en main pour au moins éclaircir l’avenir des espèces animales et végétales terrestres.
En témoigne le partenariat qu’ils ont paraphé hier à Paris, auquel les fondations Mava et Prince Albert II de Monaco ont en outre apporté un soutien financier, à la suite de la publication d’une étude aux conclusions sans équivoque. Réunis sous l’appellation Critical Ecosystem Partnership Fund (CEPF), un organisme créé en 2000, les signataires ont procédé à d’importantes investigations pour finalement rédiger un rapport exhaustif de deux cent cinquante et une pages- « constitué avec l’appui de groupes issus de la société civile », a précisé l’AFD - dans lequel ils ont déterminé quelque mille cinq cent soixante-sept zones-clefs.
Six zones prioritaires ont en particulier été définies. Parmi elles la péninsule Cyrénaïque (Libye), les montagnes de l’Atlas (Maroc); les montagnes, plateaux et zones humides du Tell algérien et de Tunisie ainsi que la vallée du fleuve Oronte et les montagnes du Liban (Liban, Syrie, Turquie). Les Balkans du sud-ouest (Albanie, Grèce, Macédoine, Monténégro, Serbie) et les montagnes du Taurus (Turquie) sont eux aussi dans un état environnemental jugé préoccupant et feront de fait eux aussi l’objet de mesures de protection.
Celles-ci devraient être appuyées par des investissements non négligeables, le CEPF ayant annoncé son intention de débloquer quinze millions de dollars (environ onze millions d’euros) au cours des cinq prochaines années.

Des pratiques à bannir
Le 29 septembre 2010 est une date à marquer d’une pierre blanche dans la mesure où aucun plan international de ce type n’avait encore été élaboré. Il s’imposait d’autant plus que « près d’un demi-milliard d’être humains vivent autour du bassin méditerranéen et que deux cent-vingt millions de touristes viennent chaque année visiter la région », a fort à propos rappelé l’AFD, selon laquelle « il est crucial de réduire les menaces qui pèsent sur l’écosystème méditerranéen ».
Les initiateurs de ce « Grenelle de la Méditerranée » ont par ailleurs insisté sur les nécessités de maîtriser l’usage de l’eau douce et d’être particulièrement attentif au fait « que le tourisme apporte des atouts économiques sans pour autant détruire les écosystèmes qui font de la Méditerranée une zone de tourisme privilégiée ». Chef de projet à l’AFD, Gilles Kleitz a de son côté souligné que des dizaines de millions d’habitants sont actuellement tributaires – directement ou non – de l’écosystème du bassin. Aussi « nous nous devons de veiller à la restauration et à la préservation de cette région naturellement riche et fragile pour le bien des générations futures ».
Il n’est peut-être pas trop tard pour bien faire, même si Güven Eken, membre de l’ONG turque Doga Dernegi (qui a conduit le recensement précité), a déploré que « 5 % seulement de l’écosystème originel subsiste » aujourd’hui. Un pourcentage d’une faiblesse inquiétante qui s’explique par les dérives liées au tourisme massif mais aussi par une extraction de l’eau insuffisamment encadrée et donc mal maîtrisée.
Le financement « ciblera les pays situés hors des frontières de l’Union Européenne (UE) qui ont un accès plus limité à d’autres sources de financement pour la protection de la biodiversité », a indiqué le CEPF, qui octroiera aussi « des subventions aux associations locales qui se mobilisent sur des projets de protection de la nature ».
Le CEPF vient d’initier un mouvement. Les États du littoral se doivent maintenant de prendre le relais.
Par Guillaume Duhamel - Zegreenweb.com - le 1 octobre 2010
Crédit photo : Flickr - AdamAxon

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