Des centaines de laboratoires d’idées s’intéressent aux questions géopolitiques concernant la Méditerranée et le monde arabe. C'est le cas de l'Institut Amadeus dont l'édition 2010 des MEDays qui débute aujourd'hui à Tanger se penchera sur le rôle des pays émergents comme partenaires clefs du Nord pour relancer la croissance économique. Mais que font exactement ces laboratoires ?
On a souvent dit que le monde arabe restait à l’écart des grands circuits de la connaissance: il y aurait trop peu d’ouvrages traduits vers l’arabe, trop peu de centres de réflexion, ces fameux think tanks dont les Anglo-saxons sont les inventeurs, mais aussi les principaux animateurs. Et cela semble être démontré par les chiffres: si l’on s’en tient au Global Go-To Think Tanks 2009, -le classement de référence des think tanks publié au printemps dernier par le Foreign Policy Research Institute de l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis)-, la région Mena (Moyen Orient et Afrique du nord) est celle au monde qui compte le moins de centres de réflexion.
Il n’y en aurait donc que 273, lorsque les Etats-Unis en comptent 1.815 à eux seuls! Au total, le rapport américain dénombre 6.305 think tanks dans le monde.
Dans notre région, le rapport note que les pays hébergeant le plus de centres de réflexion sont, dans l’ordre, Israël, puis l’Egypte, l’Irak, l’Iran et la Turquie. Ces pays en comptent chacun entre 20 et 30, Israël, 52. Au Maghreb, les chiffres sont beaucoup plus modestes: le rapport relève l’existence de 9 centres au Maroc, autant en Tunisie et 4 en Algérie. Sur la rive nord, plusieurs centres s’intéressent aux problématiques communes à l’Europe et au monde arabe, tels que l’Ipemed (Paris), engagé en faveur de l’Union pour la Méditerranée, ou l’Iemed (Barcelone).
Encore faut-il définir ce qu’on appelle précisément think tank. En général, il s’agit d’une organisation permanente, qui émet des recommandations en matière de politiques publiques et qui produit des idées neuves. “Il s’agit d’une interface entre savoir, expertise et prise de décision”, explique Khadija Mohsen Finan, chercheuse et enseignante à Sciences Po Paris, et qui mène actuellement une recherche sur les think tanks.
Mais certains sont plus là pour justifier des politiques déjà menées, sortes de faire-valoir, bien loin des objectifs d’un véritable laboratoire d’idées.
Les think tanks sont-ils indépendants ?
Très rares sont les think tanks qui peuvent fonctionner sans recours à des ressources financières extérieures. “Personne n’est dupe, ni les observateurs, ni les acteurs des think tanks, qui considèrent que les Etats sont toujours tentés de les influencer: pour faire passer le message qu’ils sont en transition démocratique, pour renouveler leurs élites, pour coopter certains acteurs politiques ou encore pour donner l’illusion aux universitaires qu’ils ne sont pas coupés du monde réel”, explique un observateur du secteur.
Rares sont ceux qui abordent en toute liberté les questions problématiques comme la liberté de la presse, le respect des libertés ou encore le cas des conflits non résolus qui polarisent les crispations diplomatiques et politiques.
Reste à savoir pourquoi autant de cercles de réflexions sont aujourd’hui actifs de par le monde: Il y a clairement un besoin de débat d’idées. Il y a aussi un changement de comportement des élites et des citoyens qui pensent que le pouvoir se gagne par les idées, plus que les circuits traditionnels. Toutefois, Khadija Mohsen Finan souligne que cela suscite des points de vue divergents.
“Pour certains, c’est la fin de la démocratie participative, pour d’autres c’est une façon différente de participer à la vie démocratique. Enfin, pour d’autres encore, il s’agit d’une lutte vieille comme le monde pour avoir l’oreille du Prince.” Khadija Mohsen Finan, chercheuse et enseignante à Sciences Po Paris.
L’influence est en effet une question centrale pour les acteurs des think tanks. C’est même un véritable enjeu pour certains d’entre eux. Toutefois, comment mesurer l’impact des recommandations émises par tel ou tel groupe de réflexion? Pour certains, souvent les mieux classés, il faut s’en remettre au Global Go-To Think Tanks, qu’ils tiennent pour leur Bible en matière d’influence. Pour d’autres, le débat reste ouvert tant l’influence est impossible à mesurer de manière objective.
Quelques think tanks de la Méditerranée et du monde arabe
• Al Ahram Center for Political and Strategic Studies (Le Caire). Fondé en 1972, l’ACPSS consacre une large part de ses activités à l’étude de la société égyptienne d’un point de vue politique, économique, militaire et social. Ce think tank veut sensibiliser l’opinion publique arabe et égyptienne sur les questions stratégiques dans le but de contribuer au processus de prise de décision.
• Carnegie Middle East Center (Beyrouth). Créé en 2006 par le Carnegie Endowment for International Peace (Etats-Unis), ce think tank se fixe pour but de mieux informer sur le processus de changement politique au Moyen Orient et de mieux connaître l’impact des questions économiques et de sécurité.
• Dubai School of Government (Dubaï). DSG est une institution de recherche et d’enseignement spécialisée sur les politiques publiques dans le monde arabe. Fondée en 2005 en coopération avec la Harvard Kennedy School, elle veut promouvoir la bonne gouvernance à travers l’amélioration de l’efficacité des politiques menées dans la région.
• Iemed (Barcelone). L’Institut européen de la Méditerranée se définit comme un think tank spécialisé dans les relations euro-méditerranéennes. C’est est un acteur du dialogue entre l'Union européenne et les autres pays de la Méditerranée. L’Iemed est aussi un centre de réflexion et de débat sur les sociétés méditerranéennes qui a l’ambition de promouvoir la coopération
• Ipemed (Paris). L’Institut de prospective économique du monde méditerranéen est un think tank euro-méditerranéen créé en 2006. Fervent défenseur de la construction de la région méditerranéenne dans son ensemble, son action consiste à rapprocher, par l’économie, les pays des deux rives de la Méditerranée.
• Issam Fares Institute (Beyrouth). Né au sein de l’université américaine de Beyrouth en 2006, l’IFI se fixe pour objectif d’améliorer le niveau du débat politique et de la prise de décision dans le monde arabe et au-delà. Il se définit comme un espace de réflexion neutre capable de représenter tous les points de vue présents dans la société.
• Rand Qatar Policy Institute (Qatar). La mission de RQPI est d’améliorer la prise de décision à travers la recherche et l’analyse. Etablie en collaboration avec l’ONG américaine Rand, RQPI travaille sur des thèmes aussi variés que l’éducation, l’environnement, la santé, les technologies, la défense, la sécurité, la population, l’art ou la culture.
Par Cyril Bonnel - http://www.aufaitmaroc.com/ - le 9 novembre 2010
On a souvent dit que le monde arabe restait à l’écart des grands circuits de la connaissance: il y aurait trop peu d’ouvrages traduits vers l’arabe, trop peu de centres de réflexion, ces fameux think tanks dont les Anglo-saxons sont les inventeurs, mais aussi les principaux animateurs. Et cela semble être démontré par les chiffres: si l’on s’en tient au Global Go-To Think Tanks 2009, -le classement de référence des think tanks publié au printemps dernier par le Foreign Policy Research Institute de l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis)-, la région Mena (Moyen Orient et Afrique du nord) est celle au monde qui compte le moins de centres de réflexion.
Il n’y en aurait donc que 273, lorsque les Etats-Unis en comptent 1.815 à eux seuls! Au total, le rapport américain dénombre 6.305 think tanks dans le monde.
Dans notre région, le rapport note que les pays hébergeant le plus de centres de réflexion sont, dans l’ordre, Israël, puis l’Egypte, l’Irak, l’Iran et la Turquie. Ces pays en comptent chacun entre 20 et 30, Israël, 52. Au Maghreb, les chiffres sont beaucoup plus modestes: le rapport relève l’existence de 9 centres au Maroc, autant en Tunisie et 4 en Algérie. Sur la rive nord, plusieurs centres s’intéressent aux problématiques communes à l’Europe et au monde arabe, tels que l’Ipemed (Paris), engagé en faveur de l’Union pour la Méditerranée, ou l’Iemed (Barcelone).
Encore faut-il définir ce qu’on appelle précisément think tank. En général, il s’agit d’une organisation permanente, qui émet des recommandations en matière de politiques publiques et qui produit des idées neuves. “Il s’agit d’une interface entre savoir, expertise et prise de décision”, explique Khadija Mohsen Finan, chercheuse et enseignante à Sciences Po Paris, et qui mène actuellement une recherche sur les think tanks.
Mais certains sont plus là pour justifier des politiques déjà menées, sortes de faire-valoir, bien loin des objectifs d’un véritable laboratoire d’idées.
Les think tanks sont-ils indépendants ?
Très rares sont les think tanks qui peuvent fonctionner sans recours à des ressources financières extérieures. “Personne n’est dupe, ni les observateurs, ni les acteurs des think tanks, qui considèrent que les Etats sont toujours tentés de les influencer: pour faire passer le message qu’ils sont en transition démocratique, pour renouveler leurs élites, pour coopter certains acteurs politiques ou encore pour donner l’illusion aux universitaires qu’ils ne sont pas coupés du monde réel”, explique un observateur du secteur.
Rares sont ceux qui abordent en toute liberté les questions problématiques comme la liberté de la presse, le respect des libertés ou encore le cas des conflits non résolus qui polarisent les crispations diplomatiques et politiques.
Reste à savoir pourquoi autant de cercles de réflexions sont aujourd’hui actifs de par le monde: Il y a clairement un besoin de débat d’idées. Il y a aussi un changement de comportement des élites et des citoyens qui pensent que le pouvoir se gagne par les idées, plus que les circuits traditionnels. Toutefois, Khadija Mohsen Finan souligne que cela suscite des points de vue divergents.
“Pour certains, c’est la fin de la démocratie participative, pour d’autres c’est une façon différente de participer à la vie démocratique. Enfin, pour d’autres encore, il s’agit d’une lutte vieille comme le monde pour avoir l’oreille du Prince.” Khadija Mohsen Finan, chercheuse et enseignante à Sciences Po Paris.
L’influence est en effet une question centrale pour les acteurs des think tanks. C’est même un véritable enjeu pour certains d’entre eux. Toutefois, comment mesurer l’impact des recommandations émises par tel ou tel groupe de réflexion? Pour certains, souvent les mieux classés, il faut s’en remettre au Global Go-To Think Tanks, qu’ils tiennent pour leur Bible en matière d’influence. Pour d’autres, le débat reste ouvert tant l’influence est impossible à mesurer de manière objective.
Quelques think tanks de la Méditerranée et du monde arabe
• Al Ahram Center for Political and Strategic Studies (Le Caire). Fondé en 1972, l’ACPSS consacre une large part de ses activités à l’étude de la société égyptienne d’un point de vue politique, économique, militaire et social. Ce think tank veut sensibiliser l’opinion publique arabe et égyptienne sur les questions stratégiques dans le but de contribuer au processus de prise de décision.
• Carnegie Middle East Center (Beyrouth). Créé en 2006 par le Carnegie Endowment for International Peace (Etats-Unis), ce think tank se fixe pour but de mieux informer sur le processus de changement politique au Moyen Orient et de mieux connaître l’impact des questions économiques et de sécurité.
• Dubai School of Government (Dubaï). DSG est une institution de recherche et d’enseignement spécialisée sur les politiques publiques dans le monde arabe. Fondée en 2005 en coopération avec la Harvard Kennedy School, elle veut promouvoir la bonne gouvernance à travers l’amélioration de l’efficacité des politiques menées dans la région.
• Iemed (Barcelone). L’Institut européen de la Méditerranée se définit comme un think tank spécialisé dans les relations euro-méditerranéennes. C’est est un acteur du dialogue entre l'Union européenne et les autres pays de la Méditerranée. L’Iemed est aussi un centre de réflexion et de débat sur les sociétés méditerranéennes qui a l’ambition de promouvoir la coopération
• Ipemed (Paris). L’Institut de prospective économique du monde méditerranéen est un think tank euro-méditerranéen créé en 2006. Fervent défenseur de la construction de la région méditerranéenne dans son ensemble, son action consiste à rapprocher, par l’économie, les pays des deux rives de la Méditerranée.
• Issam Fares Institute (Beyrouth). Né au sein de l’université américaine de Beyrouth en 2006, l’IFI se fixe pour objectif d’améliorer le niveau du débat politique et de la prise de décision dans le monde arabe et au-delà. Il se définit comme un espace de réflexion neutre capable de représenter tous les points de vue présents dans la société.
• Rand Qatar Policy Institute (Qatar). La mission de RQPI est d’améliorer la prise de décision à travers la recherche et l’analyse. Etablie en collaboration avec l’ONG américaine Rand, RQPI travaille sur des thèmes aussi variés que l’éducation, l’environnement, la santé, les technologies, la défense, la sécurité, la population, l’art ou la culture.
Par Cyril Bonnel - http://www.aufaitmaroc.com/ - le 9 novembre 2010
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