Avec les fragilités de l'économie chinoise qui apparaissent de plus en plus, notamment avec le plongeon actuel de ses exportations, la crainte d'une nouvelle déstabilisation majeure de l'économie mondiale commence à se répandre.
Jean-Louis Guigou |
Mais ces changements en Chine constituent aussi une opportunité pour réindustrialiser des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (PSEM), ainsi que la France et l'Europe.
Le Gouvernement chinois a pris deux orientations nouvelles : sur le plan intérieur, il vise à favoriser l'augmentation des revenus, la consommation et le développement des classes moyennes, plutôt que l'exportation ; sur le plan extérieur, il cherche à renforcer l'intégration régionale par la production et l'investissement, avec la création de la Banque asiatique pour les investissements et les infrastructures (BAII)
85 millions d'emplois industriels vont quitter la Chine
Désormais, la Chine n'est plus favorable à l'arrivée des IDE étrangers qui vont capter le revenu et la consommation des Chinois. Compte tenu de l'augmentation des salaires, le différentiel avec les pays développés se réduit considérablement. Mieux, la Banque mondiale prévoit que, d'ici à quelques années, 85 millions d'emplois industriels vont quitter la Chine et se relocaliser soit dans les pays développés, soit dans des pays émergents.
Les PSEM bénéficient de nombreux avantages comparatifs
C'est là que les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée ont une chance considérable de pouvoir bénéficier de ces relocalisations. Les PSEM bénéficient de nombreux avantages comparatifs :
- ils ont une main d'œuvre qualifiée relativement peu onéreuse et de grande qualité ;
- le coût des énergies fossiles et renouvelables constitue un avantage indéniable ;
- les pays méditerranéens sont sur le parcours maritime des échanges venant d'Asie et à destination de l'Occident : Amsterdam, Rotterdam peuvent être des lieux d'assemblage et de transformation industrielle ;
- les pays du Sud de la Méditerranée sont les voisins immédiats du grand marché commun européen de 500 millions de consommateurs aisés ;
- les PSEM peuvent s'industrialiser en utilisant le modèle de la coproduction avec les pays européens.
À l'exemple du Japon et de l'Allemagne
Au même titre que le Japon industriel s'est développé dans les années 1960-2000 en faisant bénéficier de son développement les Dragons et les Tigres du sud-est asiatique ;
au même titre que l'Allemagne a maintenu son activité industrielle de pointe, tout en entraînant dans son sillage de coproduction les pays d'Europe centrale et orientale ;
au même titre que l'Amérique du Nord est en train de se réindustrialiser en entraînant dans son sillage le Mexique à travers ses usines de maquiladoras (création de 2 millions d'emplois en huit ans) ;
au même titre, les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée pourraient se réindustrialiser, en coopération avec l'industrie européenne et chinoise sur des fragments de production haut de gamme. Peugeot (PSA) en est un bel exemple : depuis que les Chinois sont entrés au capital de Peugeot, cette société met le cap au Sud avec une ou deux importantes implantations au Maghreb, pour aller plus loin vers le Moyen-Orient, l'Égypte et l'Afrique subsaharienne.
Accélérons la coproduction sur des chaînes de valeur haut de gamme permettant aux trois pays du Maghreb, en priorité, de devenir des pays émergents (passage d'un taux de croissance de 4% à un taux de croissance de 10% sur la durée), en accompagnant avec nous l'évolution prévisible de la politique industrielle chinoise.
L'Algérie, en particulier, a une carte extraordinaire à jouer, car, avec les sources d'énergie qu'elle possède, elle pourrait entraîner les autres pays du Maghreb à devenir la Ruhr de l'Europe.
Par Jean-Louis Guigou, (Délégué général de l'IPEMED Paris). - Source de l'article La Tribune
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