Méditerranée & Développement Durable - Tunisie, Egypte : quelles conséquences économiques et financières ?

Les conséquences économiques des révolutions démocratiques de la Tunisie et de l'Egypte sont -elles analysées différemment par les entreprises et les investisseurs engagés dans le développement durable ? Si la question mérite d'être posée, il n'est pas simple d'y répondre.
Face aux révolutions tunisiennes et égyptiennes, l’analyse financière dominante est la suivante : « A court terme, le coût économique de ces évènements sera considérable puisque les revenus provenant du tourisme vont s’effondrer et que les investissements réalisés par les entreprises étrangères vont également se réduire.

De plus, de nombreux commerces et habitations ont été endommagés ».
Conclusion : le cours des actions des entreprises égyptiennes cotées est en chute libre. L’Egypte, qui est le second marché financier africain après l’Afrique du Sud, va donc théoriquement vers des jours économiquement sombres. Dans le même temps, en Tunisie comme en Egypte, ceux qui ont fait la révolution appellent les investisseurs et les touristes à revenir en masse pour soutenir leur transition vers la démocratie.
Si leurs économies s’effondrent, celle-ci deviendra beaucoup plus difficile. Certains entrepreneurs occidentaux comme Jean-François Rial, le PDG du groupe Voyageurs du Monde, le comprennent puisqu’il a déclaré le 10 février sur France Info qu’il "fallait vite aller en Tunisie pour aider cette jeune démocratie à se développer".
Selon lui, « les mouvements de démocratisation sont positifs, d’abord pour les peuples mais aussi pour le secteur touristique français sur le long terme.»

Bénéfices sur le long terme
Cet optimisme est partagé par Gaëtan Herinckx, associé d’une société de gestion, spécialiste de l’investissement en Afrique selon des critères de développement durable. Créée en 2009, le fonds «African Sustainability » qu’il gère est investi à plus de 30 % dans des sociétés cotées sur le marché égyptien.
« Nous connaissons les entreprises dans lesquelles nous investissons » explique-t-il. « Nous retournons en Egypte en mars où nous sommes allés trois fois l’année dernière. Si la majorité de celles dont nous détenons des actions ont vu leurs activités à l’arrêt durant près de deux semaines, aucune n’a subi de réels dégâts matériels».
La baisse des cours, avant la fermeture du marché égyptien qui pourrait rouvrir mercredi 16 février, lui a même permis d’acheter à des prix intéressants les actions d’entreprises dont il pense que les performances économiques seront bonnes à long terme parce qu’elles sont comparables à des entreprises européennes, y compris sur le plan environnemental et social.
Ses clients, investisseurs majoritairement sud africains mais aussi Européens du Nord ne paniquent pas. « Etant donné notre approche d’investissement long terme, nos clients laissent passer l’orage car les évènements rendent plus que jamais d’actualité le pari de l’investissement en Afrique. Certains voient même ce type de situation comme une opportunité d’investir plus fortement, d’autres nous posent des questions sur les implications potentielles des changements en cours. »

Sanctions de court-terme
L’attitude des entreprises égyptiennes ou présentes en Egypte varient vis-à-vis des investisseurs. Les marchés boursiers orientés sur le court terme ont sanctionné le groupe Lafarge pour sa présence importante en Egypte, mais celui-ci se contente de communiquer sur son site Internet sur le fait que le rapatriement temporaire d’une trentaine d’expatriés n’a pas eu « d’impact direct sur les opérations de Lafarge » dans le pays.
Oriental Weavers, l’une des entreprises phares égyptiennes qui fabrique 6 millions de m2 de tapis par an, emploie 19 000 personnes en Egypte et fournit 80% des tapis vendus par le groupe IKEA, ne fait aucune allusion aux évènements sur son site mais laisse à disposition sa rubrique développement durable qui témoigne de son engagement dans le domaine. Orascom Construction industries, autre groupe éligible aux critères d’investissement environnementaux, sociaux et de gouvernance, affiche en revanche sur son site un communiqué du 7 février expliquant en anglais que ses activités liées aux infrastructures ne sont pas affectées par les évènements.
Par nature, l’Investissement Socialement Responsable (ISR) qui consiste à sélectionner des entreprises sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, rassemble des investisseurs qui ont un horizon de plus long terme dans leurs placements.

Ceci dit, les révolutions tunisienne et égyptienne sont à la fois trop récentes et trop rapides pour qu’ils aient pu l’intégrer à leur stratégie. Quant à lancer une offre de placements ISR orientée sur le soutien aux transitions démocratiques du Maghreb, cela semble tout aussi prématuré.

Google mieux noté sur les droits humains
« Liberté et solidarité », seul fonds ISR dédié exclusivement au respect des droits humains du marché français, géré par la Banque Postale AM avec la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), ne fait pas l’objet d’une campagne de promotion en lien avec les évènements.

A ceux qui y songeraient, Vigeo, l’agence de notation extra-financière, propose une piste. Elle a diffusé, le 4 février, à l’ensemble de ses clients une alerte positive pour annoncer qu’elle allait vraisemblablement rehausser la note de Google sur le respect des droits humains. Le service téléphonique mis en place en Egypte pour détourner le blocage d’Internet en permettant de diffuser les messages sur Twitter constitue pour Vigeo, une contribution à la liberté d’expression. Elle attend que Google déploie et systématise ce type d’offres dans tous les « territoires où la liberté d’expression est menacée » pour lui donner un score plus favorable.
Les pays émergents attirent de plus en plus les investisseurs. Parmi eux, ceux qui ont des politiques ISR orienteront-ils une partie de leurs placements vers le soutien à la transition démocratique de la Tunisie et l’Egypte ? L’appel leur est d’ores et déjà lancé. Y répondront-ils favorablement ? Réponse dans quelques mois.
Par A.C. Husson-Traore - Novethic média sur le développement durable
Source :http://www.novethic.fr/novethic/finance/acteurs/tunisie_egypte_quelles_consequences_economiques_et_financieres/132869.jsp
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