Entretien avec Béligh Nabli : Tunisie, où en est la transition ?
1er mars Béligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS, répond aux questions d’Affaires-strategiques quant aux derniers événements qui se sont déroulés en Tunisie.
Face à la pression de la rue, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a démissionné. Qui est Béji Caïd Essebsi, son remplaçant ?
Avocat de formation, le nouveau premier ministre tunisien de transition, Béji Caïd Essebsi est un ex-militant du Destour et un homme d’Etat de l’ère Bourguiba : membre du premier gouvernement de l’indépendance, il a ensuite été à la tête de plusieurs ministères régaliens. Il ne s’agit pas pour autant d’une figure du « bourguibisme », en ce sens qu’il a pris ses distances de manière chronique vis-à-vis du père de l’indépendance, lorsque ce dernier était à la tête du pays. Nommé ambassadeur de Tunisie à Paris dans les années 70, c’est également un homme qui entretient des rapports forts avec la France.
Les manifestations ont-elles une chance de cesser avec le départ de Mohammed Ghannouchi ?
Certes, à la différence de Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi n’est pas associé au régime de Ben Ali : il a quitté la présidence de l’Assemblée nationale, cinq ans après l’accession au pouvoir de Ben Ali. Il n’est cependant pas certain que le choix de Béji Caïd Essebsi soit de nature à satisfaire les manifestants. Un décalage générationnel très important existe entre la jeunesse qui incarne la Révolution tunisienne et les figures politiques mises en avant pour assurer la transition : le nouveau premier ministre Béji Caïd Essebsi est âgé de 84 ans et le président de la République par intérim Fouad Mebazaa a 78 ans. L’expérience et la « sagesse » plutôt que des symboles révolutionnaires.
L’enjeu réside dans l’établissement d’un gouvernement de transition soutenu par la population, le temps de préparer les élections, pourvu qu’il y ait un Gouvernement qui ait leur confiance.
Des franges importantes de la population est portée par l’élan révolutionnaire et le vent de liberté. Il y a comme un réflexe critique et contestataire que symbolise parfaitement le slogan "Dégage".
Voilà un mois et demi que Ben Ali a quitté le pouvoir. Quels partis ou quelles forces se dégagent au sein de la nouvelle scène politique tunisienne ?
Les principales forces politiques, sociales et institutionnelles qui peuvent se targuer d’une assise populaire et d’une légitimité réelle sont incarnées par l’UGTT, l’armée et les islamistes (qui ne se résument pas à Ennahada). L’opposition de gauche est active et peut s’appuyer sur un noyau dur de militants, mais elle a encore du mal à s’organiser de manière efficace et suffisamment visible, dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Alain Juppé arrive au ministère des Affaires étrangères. Peut-il redorer le blason de la France en Tunisie, ou avec Michelle Alliot-Marie, Paris s’est définitivement déconsidéré aux yeux de la population tunisienne ?
Si la rigueur intellectuelle et l’expérience diplomatique d’Alain Juppé sont autant de signaux positifs, l’image de la France est profondément affectée par les dernières séquences où les maladresses et autres incompréhensions de la diplomatie française se sont accumulées et conjuguées. La démission de MAM ne suffira pas à effacer le fait que la France soit passée à côté de la Révolution tunisienne.
1er mars Béligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS, répond aux questions d’Affaires-strategiques quant aux derniers événements qui se sont déroulés en Tunisie.
Face à la pression de la rue, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a démissionné. Qui est Béji Caïd Essebsi, son remplaçant ?
Avocat de formation, le nouveau premier ministre tunisien de transition, Béji Caïd Essebsi est un ex-militant du Destour et un homme d’Etat de l’ère Bourguiba : membre du premier gouvernement de l’indépendance, il a ensuite été à la tête de plusieurs ministères régaliens. Il ne s’agit pas pour autant d’une figure du « bourguibisme », en ce sens qu’il a pris ses distances de manière chronique vis-à-vis du père de l’indépendance, lorsque ce dernier était à la tête du pays. Nommé ambassadeur de Tunisie à Paris dans les années 70, c’est également un homme qui entretient des rapports forts avec la France.
Les manifestations ont-elles une chance de cesser avec le départ de Mohammed Ghannouchi ?
Certes, à la différence de Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi n’est pas associé au régime de Ben Ali : il a quitté la présidence de l’Assemblée nationale, cinq ans après l’accession au pouvoir de Ben Ali. Il n’est cependant pas certain que le choix de Béji Caïd Essebsi soit de nature à satisfaire les manifestants. Un décalage générationnel très important existe entre la jeunesse qui incarne la Révolution tunisienne et les figures politiques mises en avant pour assurer la transition : le nouveau premier ministre Béji Caïd Essebsi est âgé de 84 ans et le président de la République par intérim Fouad Mebazaa a 78 ans. L’expérience et la « sagesse » plutôt que des symboles révolutionnaires.
L’enjeu réside dans l’établissement d’un gouvernement de transition soutenu par la population, le temps de préparer les élections, pourvu qu’il y ait un Gouvernement qui ait leur confiance.
Des franges importantes de la population est portée par l’élan révolutionnaire et le vent de liberté. Il y a comme un réflexe critique et contestataire que symbolise parfaitement le slogan "Dégage".
Voilà un mois et demi que Ben Ali a quitté le pouvoir. Quels partis ou quelles forces se dégagent au sein de la nouvelle scène politique tunisienne ?
Les principales forces politiques, sociales et institutionnelles qui peuvent se targuer d’une assise populaire et d’une légitimité réelle sont incarnées par l’UGTT, l’armée et les islamistes (qui ne se résument pas à Ennahada). L’opposition de gauche est active et peut s’appuyer sur un noyau dur de militants, mais elle a encore du mal à s’organiser de manière efficace et suffisamment visible, dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Alain Juppé arrive au ministère des Affaires étrangères. Peut-il redorer le blason de la France en Tunisie, ou avec Michelle Alliot-Marie, Paris s’est définitivement déconsidéré aux yeux de la population tunisienne ?
Si la rigueur intellectuelle et l’expérience diplomatique d’Alain Juppé sont autant de signaux positifs, l’image de la France est profondément affectée par les dernières séquences où les maladresses et autres incompréhensions de la diplomatie française se sont accumulées et conjuguées. La démission de MAM ne suffira pas à effacer le fait que la France soit passée à côté de la Révolution tunisienne.
Il y a une cassure entre notre Etat et ce "peuple frère" (selon l’expression de Nicolas Sarkozy). Un double canal devrait être suivi pour la reconstruction des rapports : la voie bilatérale des rapports interétatiques entre la France et la Tunisie, à travers en particulier le rôle de notre ambassade à Tunis ; la voie multilatérale, à travers une UPM refondée sur des bases étendues aux considérations politiques, et le soutien financier de l’UE particulièrement nécessaire dans un contexte de ralentissement voire de crise économique.
Toutefois, les propos tenus par le président de la République dans son allocution (dimanche soir) contiennent encore des sources de tension et d’incompréhension, puisque les évènements dans le monde arabe sont analysés sous le prisme de la sécurité et de l’immigration. Cette approche réductrice à viser électoraliste est de nature d’approfondir le désarroi des peuples arabes vis-à-vis de la France
Source http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article4719
Source http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article4719
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