Mon émotion a été grande au moment du vote de la nouvelle Constitution tunisienne, le mois dernier, quand, unis dans un esprit de solidarité, mes collègues et moi-même avons regardé les images des élus de l’Assemblée se levant et entonnant l’hymne national après avoir adopté un texte fondamental qui, non seulement garantit la transparence de l’État, mais aussi affirme l’égalité entre les sexes, en introduisant notamment la parité hommes-femmes dans les conseils élus.
Trois années se sont écoulées depuis ma première visite en Tunisie au lendemain de la révolution de janvier 2011. Trois années pendant lesquelles le monde a regardé ce pays avancer, difficilement mais sûrement, sur la voie de la démocratie. Le Quartet parrainant le dialogue national a, à cet égard, joué un rôle édifiant, tant par sa capacité de leadership que par son aptitude à négocier des compromis qui ont permis de sortir la nation de l’impasse politique. La société civile a retrouvé, sans atermoiements, sa fonction de surveillance et de médiation. De même, les associations et la presse ont joué un rôle clé en diffusant, auprès des citoyens, les travaux de l’Assemblée constituante et en poussant ses membres à en répondre, tweet après tweet. Les responsables politiques ont, de leur côté, fait passer la cohésion nationale et les objectifs communs avant leurs divisions et leurs querelles. Un chemin parcouru en outre sous le signe d’une grande résilience, alors que la Tunisie est parvenue à faire face aux nombreux écueils qui auraient pu faire échouer sa transition vers plus de responsabilité, d’expression citoyenne et d’inclusion.
Aujourd’hui, alors que je m’apprête à retourner en Tunisie, je tiens à saluer ces transformations et à rendre hommage au peuple tunisien tout en adressant mes félicitations au nouveau gouvernement et en assurant la Tunisie du soutien total de la Banque mondiale. Je veux aussi exprimer toute ma tristesse à la suite des événements tragiques qui ont endeuillé cette période, et notamment les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Si la Tunisie peut être fière du chemin parcouru, il faut à présent se pencher sur l’économie et sur une reprise qui n’est pas encore à la hauteur des formidables progrès enregistrés sur le plan social et politique. Je compte, au cours de ma visite, mettre l’accent sur l’importance de cet enjeu. Car c’est bien l’économie qui fournira aux Tunisiens des emplois et des débouchés. La reprise de l’économie est nécessaire au succès de la transition. Il faut à présent consolider les réalisations accomplies par la Tunisie en menant des réformes économiques audacieuses qui permettront d’accroître la transparence, la concurrence et l’égalité.
Si la Tunisie peut être fière du chemin parcouru, il faut à présent se pencher sur l’économie et sur une reprise qui n’est pas encore à la hauteur des formidables progrès enregistrés sur le plan social et politique.
Pendant trop longtemps, l’économie tunisienne a souffert d’un manque de compétitivité qui s’est traduit par une incapacité à créer les emplois de qualité dont les Tunisiens ont tant besoin et qui a eu pour conséquence d’affaiblir l’investissement et de grever les prix au détriment des consommateurs. Sous le précédent régime, le manque de concurrence a conduit au pillage du pays par l’élite dirigeante, en toute impunité et aux dépens de l’économie, des entreprises et des travailleurs tunisiens. Les fondations sur lesquelles reposait ce système sont encore largement en place aujourd’hui. Il est grand temps que la Tunisie engage des réformes profondes dans le domaine du droit de la concurrence, du code des investissements et du secteur bancaire. Ces réformes sont indispensables pour permettre à tous les Tunisiens d’être sur un pied d’égalité.
Aux yeux de beaucoup de mes amis tunisiens, cependant, il faudrait attendre que la situation politique se stabilise avant d’entreprendre ce chantier. On ne peut pas nier en effet que la Tunisie doit faire face à des exigences urgentes. Outre le défi majeur de la sécurité, le pays est confronté à des divisions qui mettront à l’épreuve sa capacité de consensus tandis que son économie reste vulnérable aux chocs internes et exogènes (comme le montre un rapport récent de la Banque mondiale).
Mais attendre pour quoi et jusqu’à quand ? Je suis convaincue que c’est en réformant son économie dès maintenant que le pays pourra consolider ses avancées politiques et sociales, accélérer son développement et réussir sur la scène régionale et internationale.
Grâce aux dispositions introduites dans la nouvelle Constitution, les dirigeants tunisiens ont désormais pour mission de veiller à ce que l’intérieur du pays se développe pleinement, afin que chaque habitant puisse avoir ainsi accès aux services essentiels et à un emploi convenable. Par ailleurs, en matière de décentralisation des pouvoirs, la Constitution ouvre la voie à un développement local qui, outre ses implications pour l’autonomisation des citoyens, pourrait transformer le développement des régions tunisiennes et devenir un modèle à l’échelle régionale. C’est maintenant qu’il faut saisir ces opportunités et préparer le terrain pour la reprise économique de demain.
Sur le plan du climat des affaires, le gouvernement a engagé, en partenariat avec le secteur privé, une réforme ambitieuse des réglementations et de la bureaucratie qui devrait avoir pour effet d’alléger le fardeau administratif qui pèse sur les entreprises tunisiennes, tout en laissant moins de place à l’arbitraire et en favorisant une transparence accrue sur le plan de la prise de décision publique. Les audits qui vont prochainement être conduits au niveau des banques publiques vont permettre d’étayer une réforme du secteur bancaire qui doit aller dans le sens d’une plus grande transparence, une meilleure gouvernance et une capacité accrue à financer les entrepreneurs du pays. Enfin, dans le domaine de la passation des marchés publics, la mise en œuvre de réformes claires et solides au regard des critères internationaux pourrait conduire à une hausse des investissements dans les territoires défavorisés, sachant que cet aspect figurait parmi les principales revendications de la révolution.
C’est dans ce contexte que je tiens à réaffirmer l’engagement de la Banque mondiale auprès de la Tunisie. Nous avons été aux côtés de ce pays tout au long de sa transition. Nous lui avons apporté soutien financier, conseils et assistance technique pour l’aider à gérer la transition et jeter les bases d’un avenir meilleur et plus florissant pour tous les Tunisiens. Nous avons poursuivi notre collaboration avec le gouvernement sur des réformes destinées à soutenir la croissance économique, la création d’emplois, la responsabilisation et la bonne gouvernance. La Banque mondiale restera un partenaire indéfectible du peuple tunisien.
L’adoption de la Constitution tunisienne a montré au monde ce que les Tunisiens savaient déjà : le consensus est possible et la transition peut réussir. À chacun de mes déplacements dans la « Tunisie nouvelle », mon message a été le même. Je le répète encore aujourd’hui : la Banque mondiale continuera de jouer le rôle qui lui incombe pour contribuer à la réussite de la transition tunisienne.
Par Inger Andersen - Source de l'article le Blog de la Banque Mondiale
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