Hydrogéologue, vice-président de l’Institut méditerranéen de l’eau et du Plan Bleu, auteur de plusieurs ouvrages sur l’hydrologie, Jean Margat aborde aujourd’hui ans le cadre du Medfel de Perpignan (salon international d’affaires de la filière fruits et légumes de l’Euroméditerranée), la délicate question de la ressource en eau et de sa gestion à l’échelle du bassin méditerranée.
Quelle est la situation aujourd’hui des sources d’approvisionnement des pays méditerranéens ?
La grosse majorité des sources d’approvisionnement provient des ressources naturelles. Mais quelques pays utilisent des ressources dites non renouvelables, à savoir des réseaux fossiles.
C’est essentiellement la Lybie et en partie l’Algérie. D’autres commencent à utiliser des ressources « non conventionnelles », c’est-à-dire la réutilisation des eaux usées comme le font Israël ou la Tunisie, ou encofe le dessalement d’eau de mer. L’Egypte elle, utilise l’eau de drainage. L’eau qu’elle reçoit du Nil sert deux ou trois fois.
Qu’appelle-t-on exactement les ressources non renouvelables ?
Il s‘agit d’eaux souterraines, en réseau dans des grandes couches profondes, on les appelle aussi eaux fossiles. Ce sont de gros stocks qui ne se renouvellent plus, un peu comme les réserves de pétrole. D’ailleurs on les exploite de façon minière
Autour du bassin Méditerranéen, la ressource est-elle suffisante ?
Les ressources en eau des pays méditerranéens représentent 400 milliards de mètres cubes par an. Mais ce n’est pas à l’échelle globale qu’il faut analyser les problèmes, c’est pays par pays. Il y a en effet de grandes disparités. Par exemple la France n’exploite même pas le dixième de ses ressources, la Turquie est le pays le plus riche en eau, mais il y a au Sud des pays qui ont déjà des besoins en eau supérieurs à leurs ressources. Ce sont ceux-là qui vont s’alimenter en prenant sur les eaux non renouvelables, ou qui vont utiliser le dessalement ou la récupération des eaux usées.
Est-ce que les eaux non conventionnelles représentent une solution pour ces pays ?
Elles représentent un palliatif essentiellement pour l’eau potable. Le dessalement coûte trop cher pour l’irrigation. Certes, on constate un certain nombre de progrès sur le plan technologique, on utilise de moins en moins d’énergie pour le dessalement. Mais le problème de l’énergie demeure quand même. Aussi, les pays qui utilisent le plus le procédé sont soit ceux qui ont des ressources pétrolières comme la Lybie et l’Algérie, soit ceux qui n’ont pas d’autre solution du fait de leur situation géographique comme Chypre ou Malte.
Quelles sont les menaces qui pèsent sur les approvisionnements ?
Il y a les pollutions. Les arrêter relève de l’ordre du possible à condition qu’il y ait une volonté politique et des moyens. Mais le plus préoccupant aujourd’hui ce sont les effets du changement climatique. Même si on ne sait pas les chiffrer précisément, on est sûr que la situation va aller en se dégradant avec des ressources moyennes annuelles de plus en plus faibles et de plus en plus irrégulières.
Ce phénomène va d’abord toucher les pays du Sud de la Méditerranée, mais les pays du Nord ne sont pas à l’abri. Le changement de climat surviendra petit à petit au cours du 21e siècle. On pense que des diminutions de l’ordre de 15 ou 20% des moyennes sont possibles d’ici la fin du siècle. Cette situation touchera aussi les barrages, surtout dans les pays du Maghreb.
Ces ouvrages subissent déjà un processus d’envasement. Beaucoup ne dureront pas plus d’un siècle. Le Maghreb perd en raison de cet envasement l’équivalent d’un barrage de 120 millions de m3 par an. AU 22e siècle il n’y aura probablement plus de barrage contenant de l’eau au Maghreb.
Votre travail c’est aussi de faire de la prospective, est-ce qu’on peut estimer aujourd’hui les impacts de l’urbanisation, de la pression démographique, du développement économique et social ?
On peut faire de la prospective jusqu’à l’horizon 2025, et on commence à essayer d’aller au-delà jusqu’à 2050. Mais, nos seules certitudes concernent l’évolution démographique. Dans les pays du Sud on estime que la croissance démographique sera de l’ordre de 31% d’ici à 2025.
Par ailleurs, autour de la Méditerranée, plus de la moitié de la population est urbanisée et ça va aller jusqu’à 70%. L’autre problème lié à l’augmentation de la population est celui de l’alimentation. Or, les pays du Sud dépendant tous des importations, la demande en eau virtuelle, c’est-à-dire celle utilisée pour nourrir les plantes ou élever le bétail importés, ne cessera d’augmenter.
Que va-t-il advenir de l’activité agricole dans ce contexte ?
Il est vrai que l’agriculture, à l’exception de la France, est dans tous les pays méditerranéens le premier consommateur d’eau. Pour l’avenir, l’objectif est de rationaliser l’utilisation de l’eau à usage agricole. Il y a encore trop de pertes d’eau dans les canaux. On pourrait aussi réduire de moitié les quantités d’eau utilisées pour les cultures en mettant en oeuvre d’autre pratiques d’irrigation comme le goutte à goutte. Si les ressources diminuent, on peut aussi diminuer les besoins en les gérant mieux. Notons aussi qu’il y aura toujours une priorité à l’eau potable par rapport à l’eau d’irrigation.
Est-ce que cela veut dire qu’à moyen ou long terme, on risque de voir dans certains pays des diminutions significatives des productions ?
Il y aura sans doute des choix drastiques à faire. Certains choisiront peut-être d’importer plus de produits alimentaires de base pour continuer de faire de l’agriculture destinée à l’exportation. Chaque pays devra faire ses choix.
Que peut-on attendre des techniques et des technologies, et dans quels domaines ?
On trouvera sans doute des plantes qui consomment moins d’eau, notamment grâce aux recherches sur les OGM, cela fait partie des objectifs de recherche même s’il n’y a pas encore de résultat tangible. Une autre direction de recherche est d’adapter les plantes à une consommation d’eau salée.
Par Pierre Magnetto - developpementdurablelejournal.com - le 29 avril 2009
Par Pierre Magnetto - developpementdurablelejournal.com - le 29 avril 2009
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