Le discours royal du 20 août 2014 a marqué les esprits. En chef d’État visionnaire, le souverain a invité l’ensemble des acteurs économiques à décupler leurs efforts afin d’asseoir l’excellence économique dans un contexte économique et géopolitique en mutation.
La stratégie déjà lancée a jeté les bases d’une croissance saine et sereine grâce à la création d’un environnement industriel et social fertile. Les Plans Emergence (Industrie), Halieutis (Pêche), Maroc Vert (Agriculture), PEMS et Promasol (Energie solaire), Rawaj (Commerce et distribution) ainsi que tous les programmes inscrits dans la Vision 2020, pour ne citer que ceux là, ont déjà concrètement porté leurs fruits. Dans le Tourisme, par exemple, le Maroc a été la seule destination à avoir réalisé une croissance de plus de 6% à un moment où le marché mondial baissait de 5% en moyenne.
Peut-on alors qualifier le Maroc de pays émergent ? D’un point de vue purement économique, il existe une certaine confusion terminologique entre « économie émergente » qui se décline elle-même en deux sous catégories : « pays émergents », dénomination à connotation politique, et « marchés émergents » qui est une approche à caractère commercial. Seuls les Pays à Revenu Intermédiaires (PRI dont le revenu annuel/ habitant se situe entre 996$ et 12 195$) et les Pays les Moins Avancés (PMA dont le revenu annuel/ habitant est inférieur ou égal à 995$) disposent d’une définition clairement délimitée par les institutions économiques internationales.
Un flou artistique règne donc dans la littérature économique quant à la délimitation du champ de définition des pays dits émergents. La première tentative de définition officielle d’une économie émergente a été testée en 1981 par l’International Finance Corporation (IFC), à l’occasion du lancement du 1er mutual fund dédié aux pays du tiers-monde en phase de développement avancé. C’est durant cette même période que l’émergence des quatre dragons asiatiques (Hong Kong, Taïwan, la Corée du Sud et Singapour) a prouvé aux économistes de l’époque que ces pays dits émergents pouvaient ébranler le leadership des économies développées sur l’échiquier international et ceci grâce à une stratégie d’industrialisation offensive.
En effet, le décollage industriel des quatre dragons a commencé par des réformes agraires majeures qui ont ouvert la voie vers la création d’une classe moyenne, condition sine qua non pour la création d’une demande. Cette stratégie industrielle, calquée sur le modèle japonais était destinée à l’exportation à l’international et s’adressait donc en premier lieu à un marché vaste et non à un marché national limité. Les avantages comparatifs créés de par la diversification de leur production, la compétitivité de leur main d’oeuvre ainsi que de leurs monnaies respectives a provoqué un processus de remontée en filière. Au lieu de subir l’innovation technologique, ces pays se sont appropriés les moyens de production des pays développés.
Cette ascension fulgurante n’aurait en cas été possible sans un partenariat public-privé solide : l’Etat crée les infrastructures industriels, sélectionne les secteurs économiques porteurs selon une stratégie « long termiste » en fonction des besoins globaux, impose des mesures protectionnistes, et veille à la valorisation de son capital humain. Le secteur privé, quant à lui, innove, investit, négocie, perfectionne et part à la conquête des marchés. Il s’agit là d’un projet de société qui a abouti à des résultats sans appel : une croissance indécente supérieure à 9% en moyenne pour les quatre pays entre 1987 et 1997, un taux alphabétisation en hausse constante et une réduction considérable des inégalités.
Même si la crise économique qui a balayé le sud-est asiatique en 1997 a montré les limites du modèle financier en vigueur, il serait sans doute opportun de rappeler que les causes profondes de cette tempête économique résidaient dans un manque de maîtrise de la croissance des marchés.
Des symptômes similaires ont été également constatés en Amérique Latine (crise mexicaine en 1994, crise argentine en 1998 …). Le Maroc a, quant à lui, prouvé à maintes reprises qu’il était sur le point de franchir une émergence économique avérée. Mais ce n’est certainement pas le but ultime, car il ne faut en aucun cas occulter les inégalités sociales qui continuent à se creuser malgré le « Policy mix » pour lequel le gouvernement s’est engagé depuis 2011.
Nous pouvons ainsi convenir que l’adhésion du Maroc au club des pays dits « Emergents » ne pourra se concrétiser sans une stricte convergence entre une politique de croissance économique agressive (modèle de croissance à l’asiatique) et d’un progrès constant vers une justice sociale garante d’une meilleure distribution des richesses.
Source de l'article l'Observateur du Maroc
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