Fathallah Sijilmassi est secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM), poste qu’il occupe depuis février 2012. Avant cela, il a été directeur de l’Agence marocaine pour le développement des investissements (AMDI).
Sijilmassi a occupé d’importants postes dans la diplomatie, dont le dernier en date était celui d’ambassadeur du Maroc à Paris (2004-2008). Fidèle au Forum de Paris Casablanca Round, il y participe cette année autour du thème «La Méditerrannée peut-elle servir à quelque chose ?»
La coopération euro-méditerranéenne suscite une littérature-fleuve qui va du lyrisme candide - «Tous unis par la Mare Nostrum» - au défaitisme stérile - «rien ne marche». Or, si personne ne remet en cause la pertinence d’une vision euro-méditerranéenne, la question centrale des stratégies opérationnelles à développer est, en revanche, plus que jamais d’actualité.
A ce titre, les évolutions politiques et économiques récentes au nord et au Sud de la Méditerranée fournissent - parfois de manière paradoxale - une opportunité unique de donner une impulsion nouvelle au projet méditerranéen en s’appuyant sur trois dynamiques essentielles.
■ La première repose sur une conviction largement partagée: l’intégration régionale est une condition nécessaire pour la pérennité de la paix et du développement
La faiblesse de l’intégration régionale en Méditerranée est considérée de façon unanime comme l’une des entraves majeures à la croissance et au développement dans la région (voir encadré).
L’intégration régionale doit être une priorité dans l’agenda méditerranéen car il s’agit d’une condition, certes non suffisante mais nécessaire, pour assurer la stabilité politique au sein des pays en transition. Le renforcement des échanges commerciaux, des investissements, des mobilités et des flux humains et financiers crée en effet les conditions d’un véritable «irréversible positif».
Il faut également rappeler que l’intégration régionale au sud de la Méditerranée est un facteur de croissance pour l’Europe et de renforcement de sa compétitivité. A titre d’illustration, la population de l’Afrique du Nord, du Maroc à l’Egypte, est équivalente à celle de la Russie, ce qui représente potentiellement un marché considérable.
D’autre part, on ne peut mesurer réellement l’importance stratégique du renforcement de l’intégration régionale en Méditerranée que si l’on inclut la profondeur africaine de la relation euro-méditerranéenne. Que ce soit sur le plan des potentialités économiques ou sur celui de la sécurité et de la stabilité politique dans la région sahélo-saharienne, la jonction Europe-Méditerranée-Afrique est aujourd’hui plus évidente que jamais.
Il est crucial de prendre en compte la profondeur africaine pour affirmer la centralité de la Méditerranée.
■ La seconde dynamique est politique: elle s’appuie sur le fait qu’une nouvelle donne est engagée aujourd’hui au niveau de l’Union pour la Méditerranée (UpM)
En dépit d’un contexte géo-politique complexe, l’UpM constitue aujourd’hui le seul cadre régional de dialogue et de coopération rassemblant tous les pays euro-méditerranéens.
Ainsi et sous l’impulsion de ses deux co-présidences, l’Union européenne et la Jordanie, l’UpM a tenu en 2013 trois réunions ministérielles dans les domaines du renforcement du rôle des femmes, des transports et de l’énergie. Des réunions ministérielles sont prévues en 2014 dans les domaines de l’industrie, de l’environnement et du développement urbain durable. Ces conférences mettent en évidence les secteurs d’activités porteurs d’une plus grande coopération régionale en Méditerranée. Elles définissent aussi des orientations de politiques publiques communes et favorables à un développement équilibré et durable de l’ensemble de la région. Par ailleurs, des réunions fréquentes des Parlements, des Conseils économiques et sociaux et des collectivités locales se sont tenues en étroite collaboration avec l’UpM.
Cette dynamique est confortée par la récente redynamisation des activités du Groupe 5+5 des pays de la Méditerranée occidentale qui a notamment tenu en octobre dernier son Forum économique au siège de l’UpM en présence des ministres des Affaires étrangères et des patronats des 10 pays.
■ La troisième dynamique repose sur une approche opérationnelle, pragmatique et inclusive
Les projets et initiatives développés dans les domaines de l’eau, de la mobilité des étudiants, de la logistique, de la promotion du rôle de la femme, du transport, de l’emploi par le secrétariat général de l’UpM donnent leurs premiers fruits concrets et tangibles.
Composé d’une soixantaine de diplomates, d’ingénieurs, de financiers et de gestionnaires de projets issus de 25 pays membres et des représentants de la Commission, de la BEI, de la Berd, de la CDC et d’autres institutions, le secrétariat général développe ses projets de coopération régionale selon les principes de la géométrie variable et de la labellisation de projets par les 43 Etats membres de l’UpM.
Il est évident que le besoin de résultats concrets sur le terrain impose une meilleure coordination stratégique entre les différents outils existants. De nombreux instruments existent. La politique européenne de voisinage monte en puissance, notamment à la faveur du nouveau budget 2014-2020. Les Institutions financières internationales disposent de moyens importants. Les agences de développement bilatérales sont très actives. Il existe également de nombreux fonds d’investissement ou d’amorçage.
Dans le respect des attributions de chaque institution, il est cependant désormais important de définir un cadre stratégique global qui permette d’augmenter les synergies et les complémentarités.
En cohérence avec la politique européenne de voisinage et les priorités des pays membres, l’UpM constitue la plateforme appropriée pour cela. Il est également nécessaire d’accroître la visibilité des actions engagées auprès des opinions publiques et des populations concernées par les projets. L’approche de l’UpM permet en effet de mettre en œuvre une action sans cesse plus proche des citoyens avec une dimension parlementaire renforcée, une action locale plus marquée et une participation active des sociétés civiles. Les projets de renforcement du rôle des femmes dans le développement socioéconomique, de la mobilité des étudiants, ou de création d’emploi pour les jeunes sont en effet tous développés avec le soutien d’acteurs associatifs et locaux.
Loin des discours théoriques, notre jeunesse a besoin d’action et de résultats. Pour cela, ambition et vision stratégique doivent se conjuguer avec engagement et se traduire par des actions concrètes.
Le chemin du développement en Méditerranée passe par cet engagement.
Niveaux les plus basLes échanges intra-régionaux entre les pays du Sud de la Méditerranée, et en particulier au Maghreb, enregistrent toujours l’un des niveaux les plus bas au monde. Ce dernier ne dépasse pas les 5% (3% pour le commerce intra-maghrébin) alors que les taux des autres groupes économiques sont beaucoup plus élevés: 65% pour l’UE, 22% pour l’Asean, 19% pour le Mercosur. Il existe un déséquilibre entre l’intensité des flux entre les pays sud-méditerranéens et les pays de l’UE, par rapport aux flux intra-sud-Méditerranéens.
Source de l'article l'Economiste
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