Les directeurs généraux des écoles nationales d’administration africaines se sont réunis en début de semaine à Rabat. Ils veulent coordonner leurs moyens d'action pour être plus efficaces et répondre aux défis qui attendent les administrations du continent.
“Nous devons formuler une idée proprement africaine de l’administration”, estime Stéphane Monney Mouandjo, expert auprès du Centre africain de formation et de recherche administratives pour le développement (Cafrad). La 2e Conférence panafricaine des directeurs généraux des écoles normales d’administration (ENA) d’Afrique, organisée par le Cafrad, du 24 au 26 février, à Rabat, au Maroc, a été l’occasion de débattre des problèmes spécifiques au continent rencontrés par les administrations.
“Les changements politiques en Afrique, ces dernières années – élections, « printemps arabes », coups d’État, conflits armés – ont un impact sur le contexte politique du service public”, a souligné en Shehu A. Misau, directeur général de l’ENA du Nigéria. Par exemple, dans un “État policier brutal, il est impossible de disposer d’une ENA efficace et constructive”, insiste Nadia Bernoussi, directrice générale de l’ENA de Rabat. Plus largement, en Afrique, il faut apprendre à “appréhender l’État transitionnel [comme le Liberia en 2004-2005 ou la Tunisie de 2011 à 2013, ndlr]. Faut-il le penser de la même façon qu’un État stable ?” s’interroge Stéphane Monney Mouandjo.
Changer la perception
Cette transition vers un État plus démocratique s’exprime pour l’administration par la nécessité de changer la perception qu’en ont les usagers. “Au Cameroun, « administration » se dit autrement : « commandement », c’est très révélateur”, remarque Stéphane Monney Mouandjo. Selon lui, les gouvernements africains doivent cesser de faire de l’administration la “gardienne du pouvoir politique” et en faire le “serviteur du bien public”.Pour Shehu A. Misau, si cette transition n’a pas lieu, le mécontentement de la population peut mener à des révolutions comme au Maghreb.
La corruption a été un vecteur majeur de la colère des Tunisiens, mais lorsqu’elle s’apparente au clientélisme, il est, en Afrique, plus compliqué qu’ailleurs d’y mettre fin. “Ici, un individu appartient d’abord à ses parents, ensuite au village, enfin à l’État. Si vous mettez votre cousin en prison pour corruption, vous serez perçu comme un traître. Dans ce cadre, la vision de l’administration importée de France – où nous allons encore étudier – ne peut pas fonctionner en Afrique”, souligne l’expert du Cafrad.
E-learning
Pour réfléchir à l’administration d’un État en transition, établir l’égalité de traitement, l’administration, et en particulier les ENA, manquent de moyens financiers, estiment les responsables de ces grandes écoles. “À l’ENA du Nigeria, 80 % de mes personnes ressources viennent de l’extérieur. Cela peut avoir du bon : ce sont des anciens ministres, des membres de la haute administration actuelle qui font des interventions, mais ce n’est pas suffisant. Une autre solution est l’e-learning, l’enseignement à distance, à moindre coût”, a imaginé le directeur général de l’ENA nigériane.
Cette méthode d’enseignement a l’avantage d’offrir aux étudiants des ENA des professeurs du monde entier et participe donc à relever un autre enjeu pour l’administration africaine : l’intégration au système international. “Les collaborations intra-africaines ont pour objectif d’harmoniser les formations des ENA pour faciliter les échanges d’étudiants, la reconnaissance des doubles diplômes…” explique Nadia Bernoussi. Pour le bailleur du Cafrad, la fondation Hanns Seidel, l’objectif de cette collaboration est “le développement d’une pensée africaine de l’administration qui vient s’arrimer, en même temps, aux standards internationaux”,explique Juliette Borsenberger, cheffe de projet Maroc-Mauritanie à la fondation.
Source de l'article Acteurs Publics
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